Economie sociale et solidaire - Parution d'un décret portant sur l'agrément "Entreprises solidaires d'utilité sociale"
Conséquence de la pression que François Hollande exercerait sur les ministres dans l'application de leur loi, comme le révélait récemment RTL ? En tout cas, quatre décrets pris en application de la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire viennent d'être publiés coup sur coup…
Le premier (décret n°2015-719), publié au Journal officiel du 26 juin 2015, est relatif à la refonte de l'agrément "Entreprises solidaires d'utilité sociale", qui permet aux entreprises éligibles d'accéder à l'épargne solidaire et à des réductions fiscales (réduction de l'impôt sur le revenu pour les personnes qui investissent dans ces entreprises, et réduction de l'impôt sur les sociétés).
Jusqu'à présent, l'agrément solidaire était accessible aux entreprises d'insertion par l'activité économique (IAE) et aux entreprises à statut "économie sociale" traditionnel qui prévoient un encadrement des écarts salariaux dans une fourchette maximale de 1 à 5. L'objectif de la réforme est de cibler les entreprises à forte utilité sociale, au-delà du statut et de l'échelle de rémunération de l'entreprise. Elle intègre des critères d'attribution, définis dans le décret, centrés sur la poursuite d'une mission d'utilité sociale qui contraint durablement la rentabilité de l'entreprise. Ainsi, il ne suffira plus de se conformer à des principes de responsabilité sociale ou environnementale pour être agréé "entreprise solidaire d'utilité sociale".
Cet agrément "constitue la 'porte d'entrée' pour les entreprises de l'ESS susceptibles de bénéficier de financements privés, notamment ceux issus de la collecte d'épargne salariale solidaire", s'est félicitée Martine Pinville, la nouvelle secrétaire d'Etat chargée du Commerce, de l'Artisanat, de la Consommation et de l'Economie sociale et solidaire, dans un communiqué du 26 juin. Selon Bercy, les encours totaux d'épargne solidaire collectés en France sont passés de 1,6 à 6 milliards d'euros entre 2008 et 2013 et le taux de croissance des encours solidaires a progressé près de six fois plus vite que celui de l'épargne financière des Français. "Nos concitoyens souhaitent donner plus de sens à leur épargne ; cette réforme leur en donnera une meilleure garantie", souligne Martine Pinville.
La nouvelle composition du Conseil supérieur de l'ESS
L'objet de la réforme est également de simplifier les conditions d'octroi de l'agrément. Il est délivré par le préfet du département où l'entreprise a son siège social. La demande doit quant à elle être adressée par le représentant légal de l'entreprise. "Le silence gardé par le préfet pendant deux mois à compter de la réception d'un dossier complet vaut décision d'acceptation", indique le décret. L'agrément est délivré pour une durée de cinq ans, sauf pour les entreprises créées depuis moins de trois ans, pour lesquelles la durée est ramenée à deux ans. Il peut être renouvelé. Une liste nationale des entreprises qui bénéficient de l'agrément doit être mise à la disposition du public à l'initiative du ministre chargé de l'économie sociale et solidaire. L'entrée en vigueur du décret est fixée au 1er juillet 2015.
Un autre décret (n°2015-732) également paru le 26 juin, détaille la refonte du Conseil supérieur de l'ESS. Le conseil a été créé en 2006 pour assurer la concertation entre les pouvoirs publics et les différents secteur de l'ESS, définir les moyens de développement du secteur et identifier les freins à la création d'entreprises sociales. Mais ses compétences et ses moyens étaient limités. Dans son rapport parlementaire de 2010, Francis Vercamer, député du Nord, jugeait ainsi son mode de fonctionnement "très peu satisfaisant" et considérait que le conseil "ne joue pas le rôle qui devrait être le sien". Il proposait dans son rapport de le placer auprès du ministre chargé de l'ESS, de modifier sa composition et sa présidence, d'étendre son rôle, et de prévoir les moyens nécessaires à son fonctionnement...
Encore quelques décrets à paraître…
Un chemin suivi par la loi de 2014 qui lui confie de nouvelles missions comme la promotion de l'ESS à destination de la jeunesse, la prise en compte de l'ESS dans le droit de l'Union européenne, le suivi de l'évolution des politiques publiques européennes, nationales et territoriales, concernant l'ESS, la réalisation d'un guide d'amélioration des bonnes pratiques des entreprises de l'ESS et l'évaluation de l'égalité entre les hommes et femmes dans l'ESS. Elle fait évoluer sa composition et son mode de fonctionnement.
Le décret précise ces changements. La composition du conseil passe de 45 membres élus pour cinq ans à 71 membres, élus pour trois ans (renouvelable une fois). Depuis l'origine, ce conseil comporte des représentants de l'Association des régions de France, de l'Assemblée des départements de France et de l'Association des maires de France.
D'après le décret, il doit se réunir au moins trois fois par an.
Les deux autres décrets, publiés les 24 et 28 juin, concernent des points plus techniques. L'un, le décret n°2015-706, définit le statut et les modalités d'exercice des fonctions de réviseur des sociétés coopératives, chargé de procéder à l'examen critique et analytique de l'organisation et du fonctionnement d'une société coopérative. L'autre, décret n°2015-760, précise les conditions qui autorisent les entreprises de l'ESS pour procéder à une réduction de capital non motivée par des pertes, lorsque cette opération assure la continuité de son activité.
Une douzaine de décrets relatifs à la loi de l'ESS sont encore à paraître sur près de quarante, comme l'indique le tableau récapitulatif du gouvernement, dont un, très attendu, sur la mise en place de la révision coopérative. Les autres concernent notamment les modalités d'accompagnement des entreprises de l'ESS par les dispositifs locaux d'accompagnement (DLA), les conditions dans lesquelles les chambres régionales de l'ESS tiennent à jour et assurent la publication de la liste des entreprises de l'ESS, la modernisation du droit des fondations et les modalités de fusion des associations...
Références : décret n°2015-719 du 23 juin 2015 relatif à l’agrément "entreprise solidaire d’utilité sociale" régi par l’article L.3332-17-1 du Code du travail ; Décret n°2015-732 du 24 juin 2015 relatif au Conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire ; Décret n°2015-760 du 24 juin 2015 pris pour l'application de l'article 1er, alinéa 15, de la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire ; Décret n°2015-706 du 22 juin 2015 pris en application des articles 25-1 à 25-5 de la loi n°47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération et relatif aux conditions d'agrément des réviseurs coopératifs et aux conditions et modalités d'exercice de leurs fonctions.