Economie sociale et solidaire - ESS : le projet de loi définitivement adopté
Article initialement publié le 22 juillet 2014.
"Ce projet de loi a l'ambition de reconnaître l'économie sociale et solidaire, de la définir, de lui donner les moyens de grandir, de devenir tout ce qu'elle est, de développer tout ce qu'elle a en projet." Ayant pris le flambeau de Benoît Hamon devenu ministre de l'Education après le dernier remaniement, et de Valérie Fourneyron, qui a quitté le gouvernement pour raisons de santé, c'est Carole Delga, secrétaire d'Etat chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire qui a eu l'honneur de présenter une dernière fois le projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire (ESS) définitivement adopté par le Parlement le 21 juillet 2014, après un ultime vote des députés. Un texte attendu de longue date par la profession qui, selon la secrétaire d'Etat, constitue "la rampe de lancement de cette économie démocratique, patiente et structurante".
Après neuf mois d'examen, quelques modifications ont encore eu lieu en commission mixte paritaire. Celle-ci a ainsi supprimé la possibilité pour les régions de recourir à des agences de développement pour assurer le développement de l'ESS sur leur territoire. Cette disposition avait été ajoutée par les députés mais le Sénat l'avait supprimée. "La rédaction de cette disposition introduisait une potentielle, et dommageable, confusion avec la définition des missions des chambres régionales de l'ESS : les régions pouvaient ainsi contracter avec des agences dont la mission était le développement de l'ESS, alors que le texte fixait comme mission aux chambres régionales de l'ESS ce même développement de cette même économie !", a expliqué Marc Daunis, sénateur PS des Alpes-Maritimes et rapporteur pour le Sénat de la CMP.
La CMP a également supprimé l'article destiné à assouplir le régime de pré-majorité associative prévu dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901. Cet article, ajouté à l'Assemblée nationale, permettait aux mineurs de créer une association, d'en devenir membre et d'y exercer des responsabilités sans avoir à justifier légalement d'une autorisation parentale préalable. "Nous avons en effet constaté que le débat n'était pas mûr", a signalé Marc Daunis. De son côté, Bertrand Plancher, député UDI de la Meuse, a souhaité qu'un texte plus approfondi sur la pré-majorité associative soit proposé dans un délai relativement court au Parlement. "L'engagement des jeunes dans la vie associative est une vraie question", a-t-il ainsi signalé le 21 juillet.
ESS, commerce équitable, innovation sociale : des définitions précises
Le texte entend conforter le secteur de l'ESS qui représente actuellement 10% du PIB et environ 200.000 structures. Le gouvernement souhaite engendrer un changement d'échelle. Le projet de loi définit ainsi précisément le champ de l'ESS, l'innovation sociale et intègre les relations nord-nord au commerce équitable (qui pour l'heure est cantonné aux producteurs des pays du Sud).
Pour se voir reconnaître dans le champ de l'ESS, les entreprises devront justifier de la poursuite d'un objectif d'utilité sociale, d'une gouvernance démocratique ou participative définie par des statuts et d'une gestion au but lucratif limité ou encadré. Ces entreprises auront un accès facilité aux financements, notamment par le biais de la Banque publique d'investissement, qui doit cibler vers ce secteur 500 millions d'euros.
Le projet de loi définit l'agrément d'"entreprise solidaire d'utilité sociale", qui va remplacer l'agrément "entreprise solidaire" actuel et permettre aux entreprises concernées de collecter de l'épargne solidaire. Le texte crée également les "chambres régionales de l'ESS", destinées à promouvoir et développer le secteur au plan local et réunies au sein d'un conseil national. Il instaure une conférence régionale de l'ESS, réunie au moins tous les deux ans, sous l'égide du préfet de région et du président du conseil régional. Objectif : débattre des orientations, des moyens et des résultats des politiques locales de développement de l'ESS.
Le texte instaure également des règles en matière d'achat public. Ainsi, à partir d'un certain montant, qui sera fixé par décret, il sera nécessaire pour les collectivités d'adopter un schéma de promotion des achats publics socialement responsables, qui déterminera les objectifs de passation de marchés publics "comportant des éléments à caractère social visant à concourir à l'intégration sociale et professionnelle de travailleurs handicapés ou défavorisés, ainsi que les modalités de mise en oeuvre et de suivi annuel de ces objectifs", détaille le texte.
Le projet de loi définitif intègre également les maisons de l'emploi et les plans locaux pluriannuels pour l'insertion et l'emploi (Plie) dans ce domaine, pour leur rôle de facilitateur des clauses sociales. Ces structures avaient disparu du texte après le passage à l'Assemblée. "Il existe actuellement 330 facilitateurs, dont 99% sont issus des maisons de l'emploi et des Plie, signale à Localtis Marie-Pierre Establie d'Argencé, déléguée générale d'Alliance Villes Emploi, cela produit du résultat, tout le monde peut vérifier : 27% de contrats en plus en 2013, 26% d'heures d'insertion en plus."
Une Scop d'amorçage
Suite à la censure partielle du projet de loi sur les reprises de sites, dite loi "Florange", par le Conseil constitutionnel, le texte a instauré une obligation de rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture d'un établissement. Il donne aussi l'obligation pour l'administration de demander le remboursement d'aides versées dans les deux années précédentes en cas de fermeture d'un site pour lequel il existait un repreneur.
Concernant les sociétés coopératives ouvrières de production (Scop), le texte crée un dispositif d'amorçage : les salariés pourront ainsi reprendre une entreprise, tout étant minoritaires au capital de l'entreprise pendant au maximum sept ans (le temps de réunir les fonds pour être majoritaire), en créant un statut transitoire de "Scop d'amorçage". Il crée aussi les groupements de Scop et un droit d'information préalable des salariés des entreprises des PME : le chef d'entreprise sera obligé de les informer d'un projet de vente au moins deux mois avant. Le texte révise plus généralement le droit des coopératives, notamment des sociétés coopératives d'intérêt collectif (Scic), que les collectivités peuvent détenir jusqu'à 50%, et des coopératives agricoles.
Le projet de loi donne un cadre juridique aux pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) : il donne une définition claire et fixe les modalités d'intervention de l'Etat. 23 de ces pôles ont été labellisés en début d'année, une évaluation est en cours en vue d'une nouvelle sélection.
Définition de la subvention
Enfin, le texte avance plusieurs dispositions pour faciliter la vie des associations, dont notamment la transformation du volontariat de service civique réservé aux plus de 25 ans en volontariat associatif et un cadre juridique modernisé et sécurisé pour les associations : facilitation des fusions et, surtout, sécurisation de la subvention publique. Une disposition très attendue. Le projet de loi donne ainsi une définition de la subvention en la distinguant bien de la commande publique (sur le sujet, voir ci-contre notre article du 24 juin 2013). Aux termes de l'article 40 AA, constituent des subventions "les contributions facultatives de toute nature, valorisées dans l’acte d’attribution, décidées par les autorités administratives et les organismes chargés de la gestion d’un service public industriel et commercial, justifiées par un intérêt général et destinées à la réalisation d’une action ou d’un projet d’investissement, à la contribution au développement d’activités ou au financement global de l’activité de l’organisme de droit privé bénéficiaire. Ces actions, projets ou activités sont initiés, définis et mis en œuvre par les organismes de droit privé bénéficiaires".
Monnaies locales
Lors de leur examen, les députés avaient également inséré, en mai dernier, une disposition visant à permettre la création de monnaies locales complémentaires par les acteurs de l'ESS. Ces monnaies dites "complémentaires" (qui ne se substituent pas à l'euro) peuvent ainsi être utilisées dans des commerces choisis en fonction de critères généralement sociaux ou environnementaux, ce qui a pour but de dynamiser le commerce local. Une trentaine de monnaies locales ont été instituées en France, à l'initiative d'associations ou de collectivités, avec des noms plus bucoliques les uns que les autres (miels, abeilles, violettes, sols...).
Emilie Zapalski
Référence : Projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire.