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Ouverture à la concurrence des transports parisiens : la nouvelle patronne de la RATP fixe le cap

Le 26 juillet fut une journée marathon pour la candidate pressentie pour diriger l'exploitation de l'un des plus grands réseaux de transports en milieu urbain dense, celui de la Régie autonome des transports parisiens (RATP). Auditionnée par les commissions concernées des deux assemblées - au Sénat puis à l'Assemblée nationale - Catherine Guillouard a défendu sa candidature et récolté les faveurs des parlementaires, qui ont acté sa nomination. 

Nommée en début de mois administratrice de la RATP par décret ministériel, Catherine Guillouard est bien partie pour prendre la tête du groupe public à la fin du mois. La procédure veut qu'au préalable les commissions concernées dans chacune des deux assemblées – Sénat puis Assemblée nationale – l'auditionnent et se prononcent sur sa candidature. Ce fut chose faite ce 26 juillet. Les députés de la nouvelle commission du développement durable et de l'aménagement du territoire (voir notre article dans l'édition du 6 juin 2017) ont émis un avis favorable à la nomination par 40 voix pour et une voix contre, et les sénateurs de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable à 16 voix pour et deux contre.
Le profil de cette énarque - repérée par un chasseur de tête pour succéder à Elisabeth Borne devenue ministre des Transports - et passée par Rexel, Air France, Eutelsat et la direction du Trésor, ainsi que sa détermination à "faire de la RATP un leader mondial de la mobilité durable, à condition pour cela de réussir le virage de l'ouverture à la concurrence", ne sont pas passés inaperçus et ont suscité une salve de questions de la part des parlementaires.

Nouvel élan

Exposant la politique qu'elle entend mener aux manettes du cinquième groupe de transport public urbain au monde, Catherine Guillouard a mis en avant comme priorité - outre la qualité de service, "l'obsession du client et de la satisfaction voyageur", la sécurité et la sûreté, le maintien d'une politique d'investissement et la qualité du dialogue social - un autre enjeu interpellant de près les élus et les acteurs locaux : l'adaptation du groupe au nouveau paysage concurrentiel qui se profile. "Nous nous y préparerons dans un esprit de dialogue avec les collectivités, les associations d'usagers et, en interne bien sûr, avec les salariés et partenaires sociaux. Mais pour en faire une opportunité, une dynamique de transformation est essentielle".

Conserver les talents

On devine et comprend mieux la difficulté de l'exercice quand on sait que la RATP jongle quelque peu avec les contraires en étant "à la fois un opérateur de transport en situation de quasi monopole sur son territoire historique et un groupe intégré avec une centaine de filiales qui répondent à des marchés à l'international". Véritable Janus, "elle est aussi à la fois gestionnaire de l'infrastructure et entreprise ferroviaire". Une richesse, une particularité que sa nouvelle patronne entend ériger en atout : "La RATP doit continuer de diversifier son chiffre d'affaires. Et, avec l'ouverture à la concurrence, ne pas rester figée au risque de se faire ravir des marchés. Le savoir-faire de ses salariés est extraordinaire. J'en suis convaincue, c'est d'ailleurs ce qui m'a fait venir. Pas question que des concurrents viennent pomper nos talents et compétences. Sur le digital et l'innovation également, nous avons tout un écosystème, il faut l'accélérer, attirer certes les talents mais aussi savoir les garder."

Le sens de l'histoire

Pour muscler le groupe, des passerelles seraient à trouver entre le savoir-faire du personnel de la maison-mère, qui exploite le réseau francilien, et les filiales comme l'ingénieriste Systra, commune avec la SNCF et habituée à décrocher des marchés à l'international. "Avec l'urbanisation croissante, la demande de mobilité durable s'accroît, nous allons dans le sens de l'histoire puisqu'elle est au cœur du modèle d'affaires de la RATP", motive-elle, tout en prônant une continuité d'action suite aux feuilles de route fixées par ses prédécesseurs : "Je ne perdrai pas de temps à réinventer le plan stratégique fraîchement acté mais veillerai à le faire exécuter à la lettre."

Sortie du diesel : tenir les délais

Exemple pour le retrait progressif des bus diesel de sa flotte (projet Bus 2025). On le sait, sortir du diesel dans les flottes des collectivités prendra du temps. La RATP doit convertir l’ensemble du parc des 4.500 bus en véhicules propres (80% électriques et 20% au biogaz). Aujourd’hui, seuls 55 bus électriques sont en circulation, 659 sont hybrides et 140 au biogaz : "Soit 18% de la flotte, c'est dire l'effort à faire pour tenir les délais et atteindre le premier palier des 50% en 2020", a-t-elle indiqué en confirmant le lancement à la fin de l’année d'un appel d’offres très attendu par la filière. "D'ici là nous continuons d'expérimenter des modèles de bus électriques avec des constructeurs sur certaines lignes". Aux centres de bus également de faire leur mue énergétique, pour accueillir à terme et progressivement – mais sans rupture de service – ces bus propres dont ceux (900) roulant au biogaz. À Paris et en petite couronne, certains dépôts ont plus de cent ans ! Considérés comme un outil industriel mais façonnés pour le gazole, une vingtaine d’entre eux doivent être adaptés, raccordés au réseau de distribution, équipés d’une station de compression pour rendre l’énergie utilisable par ces bus et la distribuer jusqu’à eux par des moyens spéciaux.

La concurrence, une réalité

"Une telle transformation, une fois effectuée, placera la RATP dans une situation favorable dans ce contexte d'ouverture à la concurrence. Il faudra aussi un cadre social harmonisé pour que les règles du jeu soient communes lors des appels d'offres. C'est fondamental pour ne pas partir avec des conditions plombant notre compétitivité", a souligné Catherine Guillouard. La concurrence est déjà une réalité, tant sur les nouvelles lignes de tramway T9 et T10, sur la ligne 15 du futur réseau de métro automatique du Grand Paris et sur le réseau de bus Optile : "Pour maximiser nos chances de succès, préparons au mieux ces appels d'offres." Puis ce sera au tour des bus (fin du monopole en 2024), des tramways (fin 2029) et des métros et RER (2039).
Sur les nouvelles mobilités, la future patronne a souligné l'intérêt du transport à la demande dans les territoires franciliens moins denses : "Son potentiel est certain, nous le développerons si des collectivités sont demandeuses." Concernant l'accessibilité, elle ajoute que la RATP remplit sa part et qu'en banlieue, il est du ressort des élus de mettre leur voirie à niveau. Enfin, en matière d'open data, elle signale que l'ouverture des données de la RATP a été réalisée "bien avant que la loi ne nous y oblige". Une douzaine d'opérateurs viennent actuellement y piocher pour leurs services. "Il faut rester vigilant, veiller au respect du secret des affaires et protéger les intérêts du groupe."