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Finances locales - Normes : un impact significatif... pas toujours bien évalué

Le rapport de la Cour des comptes sur les finances locales présenté ce 13 octobre consacre un focus à l'impact financier des normes pour les collectivités. L'Etat sous-évalue souvent cet impact, les travaux du CNEN et du SGG pourraient être harmonisés.

"L'Etat pourrait paraître contradictoire s'il s'efforçait d'inciter les collectivités locales à infléchir l'évolution de leurs dépenses sans avoir lui-même une connaissance précise et fiable du coût budgétaire pour leur gestion de ses propres décisions". Les représentants des collectivités ne démentiraient sans doute pas cette sentence. Celle-ci est signée de la Cour des comptes qui, dans son nouveau rapport consacré aux finances locales présenté ce 13 octobre (sur l'ensemble de ce rapport, lire notre autre article de ce jour), a choisi de consacrer un chapitre entier à la question des normes au sens large. Une façon, au fond, de donner raison aux collectivités qui "mettent souvent l'accent sur les coûts supplémentaires qui leur sont imposés par des décisions prises au plan national dans de nombreux domaines", de reconnaître que la question est bien aujourd'hui "l'un des enjeux" du dialogue Etat-collectivités.
La Cour souligne, en liminaire, que ce fameux terme de normes recouvre en réalité deux champs : les seules "normes techniques" (qu'il s'agisse de règles techniques de portée obligatoire ou de normes professionnelles et de règlements techniques n'ayant qu'une valeur indicative mais s'imposant de fait le plus souvent aux collectivités) et, de façon beaucoup plus large, toute l'activité législative et réglementaire ayant "des effets induits sur l'action des collectivités locales en termes de coûts, de procédures ou d'organisation".

Quand les ministères ne savent pas bien chiffrer...

Ce chapitre du rapport permet de mieux comprendre comment travaillent les deux instances actuellement à la manœuvre sur le terrain des normes, à savoir le Conseil national de l'évaluation des normes (CNEN) et le Secrétariat général du gouvernement (SGG), dont le rôle est peut-être moins connu des collectivités. C'est pourtant la mission Simplification du SGG qui a été chargée de veiller à la mise en œuvre du "moratoire" sur les normes tel que défini, notamment, par la circulaire du 17 juillet 2013 puis par celle du 9 octobre 2014. Le SGG est ainsi chargé de "veiller à la qualité des évaluations produites par les ministères et à l'harmonisation de la présentation des études d'impact" ainsi qu'à "l'application de la règle d'un impact nul des normes nouvelles applicables aux collectivités à compter du 1er janvier 2015".
La Cour pointe d'emblée certains dysfonctionnements. A commencer par le fait que "les fiches d'impact sont parfois mal chiffrées", notamment parce que "la plupart des coûts bruts mentionnés sur les fiches sont minimaux" (entre autres parce que l'impact organisationnel pour les collectivités n'est pas toujours pris en compte), tandis que "les gains sont évalués à leur niveau maximal". D'où une recommandation : "La nécessité d'une meilleure justification par les ministères du coût des mesures produites." En sachant qu'ensuite, même si "les mêmes fiches d'impact leur sont transmises par les ministères producteurs de normes, le CNEN et le SGG les exploitent de façon différente"… Ce qui ne facilite pas toujours la lisibilité des évaluations produites. Certes, rappelle la Cour, des rapprochements sont déjà à l'œuvre.  Le secrétariat du CNEN et le SGG se réunissent désormais à l'issue de chaque séance du CNEN pour réaliser une mesure des écarts de chiffrages entre les deux services.
Autre préconisation : mieux associer les collectivités. La Cour constate qu'en 2014, environ les deux tiers des textes impactant les collectivités avaient fait l'objet d'une concertation, que ce soit avec les associations d'élus ou des instances telles que le CSFPT. Mais également que dans six cas sur dix, les textes recevant un avis défavorable du CNEN (ce qui n'arrive que pour 3% des textes qui lui sont soumis) sont en réalité publiés sans avoir été modifiés. Conclusion : "Si le besoin d'une meilleure coordination entre Etat et collectivités en matière normative ne fait aucun doute, les outils proposés ne semblent pas, en l'état, répondre à la demande."

Masse salariale : 42% de la hausse est due à des mesures nationales

Pour illustrer son propos, la Cour développe quatre exemples de "décisions nationales" ayant un impact financier sur les collectivités, en se basant sur des données recueillies par les chambres régionales des comptes (CRC). Premier exemple : la réforme des rythmes scolaires. Dont il ressort qu'alors même que l'administration n'avait pas proposé de chiffrage, arguant que le coût induit pour les collectivités ne relevait pas de leurs compétences obligatoires, le coût resté à la charge des communes et EPCI après intervention financière du fonds d'amorçage peut être estimé à entre 30 et 50% du coût total, soit un coût net compris entre 350 millions d'euros et 620 millions d'euros.
Dans la même logique, le rapport s'intéresse à l'impact de décisions récentes de l'Etat en matière de normes techniques sur l'accessibilité des équipements publics, qu'il s'agisse de transports (notamment le coût des normes techniques liées au décret du 4 novembre 2014 sur l'accessibilité des points d'arrêt des transports publics) ou d'établissements recevant du public.
Dans un tout autre domaine, la Cour a évalué l'impact des revalorisations du RSA décidées par l'Etat sur les finances des départements. Mais aussi, tous niveaux de collectivités confondus, l'impact sur la masse salariale des collectivités de diverses mesures décidées par l'Etat en faveur des fonctionnaires.
Revalorisation indiciaire des agents de catégorie B et C, extension du champ d'application de la prime de garantie individuelle de pouvoir d'achat (Gipa), relèvement du minimum de traitement… Mises bout à bout, ces mesures prises en 2013 auraient induit un surcoût de 577 millions d'euros pour les collectivités en 2014. Et si l'on y ajoute l'impact de mesures prises avant 2013, on arriverait à un total de 1 milliard d'euros !
Sachant que les dépenses de personnel des collectivités auraient augmenté de 2,4 milliards d'euros en 2014, le calcul de la Cour est simple : "l'impact des mesures nationales sur la progression de la masse salariale des collectivités locales en 2014 peut donc être estimé à 42%". Sa conclusion demeure toutefois sur la ligne habituelle de ses travaux : "Pour significative que soit cette part, elle laisse une large marge d'initiative aux collectivités pour mieux maîtriser la croissance de leur masse salariale."…

 

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