Simplification - Le gouvernement accélère le chantier de l'allègement des normes
Le gouvernement accélère la suppression ou l'allégement de normes existantes jugées inutiles, coûteuses ou obsolètes. Marylise Lebranchu en a par exemple reparlé le 2 octobre en s'exprimant devant les élus réunis pour le congrès de Villes de France, soulignant qu'au-delà de la maîtrise du flux de normes nouvelles, "l'action sur le stock des normes existantes" se poursuivait, y compris sur "des normes lourdes".
Dernier train de décisions allant en ce sens, passé d'ailleurs pratiquement inaperçu au milieu des autres mesures affichées ce jour-là : à l'issue du comité interministériel aux ruralités (CIR) du 14 septembre dernier à Vesoul, le gouvernement annonçait 18 mesures pour alléger les contraintes dans les domaines du fonctionnement des collectivités locales, de la gestion des bâtiments publics et de l'organisation des activités sportives.
Celles qui sont d'ordre réglementaire seront mises en œuvre avant la fin de l'année. Quand la loi devra être modifiée, ce délai pourra être dépassé. Les "trois quarts" de ces mesures sont issus de trois ateliers thématiques qui ont réuni récemment des représentants des cabinets ministériels concernés et des représentants des associations d'élus locaux accompagnés de praticiens des collectivités locales, souligne l'entourage d'André Vallini, le secrétaire Etat chargé de la réforme territoriale. Qui, au passage, ne manque pas de préciser que ces ateliers ont été salués par les élus locaux lors de la réunion du Dialogue national des territoires du 15 juillet dernier.
Les autres mesures s'inspirent notamment d'un rapport resté confidentiel que plusieurs corps d'inspection ont remis au gouvernement en juillet dernier et qui détermine diverses normes à alléger. Des propositions du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) ont aussi été prises en compte. L'instance qui, en juillet 2014, a pris le relais de la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) installée en 2008, est en effet compétente pour proposer de revoir certaines normes en vigueur*.
Ces annonces du CIR de Vesoul sur les normes font suite à une première vague de 16 dispositions contenues dans la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notr). Et d'autres mesures de simplification vont "rapidement" être prises, assure le cabinet d'André Vallini. L'une d'entre elles pourrait concerner les normes d'incinération, thème sur lequel le CNEN se penche actuellement.
Moins d'envois et circuits inutiles
Sur le volet "fonctionnement des collectivités", on notera notamment qu'une nouvelle fois, la liste des actes que les collectivités devront transmettre au préfet dans le cadre du contrôle de légalité va être allégée. Un certain nombre d'actes relevant de l'administration générale vont donc échapper au contrôle du préfet.
De même, les collectivités seront délivrées de l'obligation de remettre chaque année au représentant de l'Etat un rapport "relatif à la situation, à l'activité et au fonctionnement de leur service d'archives". "Cet envoi est inutile, car les collectivités sont propriétaires de leurs archives et à ce titre en assurent elles-mêmes la conservation et la mise en valeur", explique le cabinet du secrétaire d'Etat.
Par ailleurs, les assemblées délibérantes des collectivités pourront déléguer à l'exécutif local de nouvelles compétences. Les dossiers de demande de subventions pourront ainsi ne plus passer devant les assemblées locales. Mais celles-ci "continueront à examiner les décisions d'octroi de subventions", souligne l'entourage d'André Vallini.
Le gouvernement veut aussi autoriser la célébration des mariages dans les mairies déléguées ou dans d'autres lieux publics que la mairie, si les futurs époux le demandent. Le procureur de la République serait informé de ces cas. Cette mesure reprend l'esprit d'un amendement qui a été défendu en 2012 dans le cadre de la discussion sur la proposition de loi Doligé en matière de simplification, mais qui finalement a été retiré. En outre, elle poursuit le même but qu'une proposition de loi adoptée le 1er avril dernier par le Sénat (voir notre article du 3 avril 2015). Les élus locaux salueront cette initiative qui leur permettra de répondre aux attentes de nombreux citoyens.
La décision d'abroger l'obligation pour les centres communaux d'action sociale (CCAS) de réaliser tous les ans une analyse des besoins sociaux (ABS), a en revanche suscité l'inquiétude (lire notre encadré ci-dessous).
Normes sportives : des annonces et des questions
Le domaine du sport occupe une place de choix dans la liste du 14 septembre, en notant qu'il s'agit davantage d'allègements que de réelles suppressions.
Première mesure de simplification envisagée : la diminution de l'obligation de vidange des bassins des piscines à une vidange annuelle au lieu de deux. Marylise Lebranchu l'a citée le 2 octobre comme un exemple emblématique. Cette mesure que Localtis annonçait en exclusivité dès le 1er septembre (lire notre article ci-contre) permettra de faire de 6 à 9 millions d'euros d'économies pour les collectivités concernées. Pour s'assurer de la qualité de l'eau, des contrôles réguliers obligatoires seront effectués. La mesure, discutée par les services du ministère des Sports depuis un an, est attendue pour la fin de l'année et pourrait intervenir sur un simple arrêté ministériel. Toujours en matière de piscines, une disposition jugée "inutile" portant sur l'inclinaison de la pente des bordures de bassin pour l'écoulement des eaux devrait également être supprimée.
Allègement, toujours, avec la simplification des dispositions réglementaires concernant les exigences liées aux cages de buts de plusieurs disciplines. Selon le CIR, les évolutions techniques des buts mobiles autostables permettent de les considérer aujourd'hui comme aussi sûrs que les buts fixes. Le décret n°96-495, qui dispose que "la mise à la disposition […] des buts […] est interdite si ces équipements ne sont pas fixés", sera donc simplifié avant la fin de l'année afin d'autoriser l'usage des buts mobiles autostables.
Autre petit bouquet de mesures annoncé : l'harmonisation des règlements entre les différentes fédérations sportives qui utilisent les patinoires, et l'impulsion d'un travail d'harmonisation sous l'égide du président de la Cerfres (commission d'examen des projets de règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs) des règlements entre les différentes fédérations sportives utilisant les mêmes équipements. Ici, plusieurs remarques s'imposent. Tout d'abord à propos de l'harmonisation en général : la concertation entre les collectivités maîtres d'ouvrage et les fédérations partageant les mêmes types d'installations constitue depuis l'origine l'une des missions de la Cerfres. Cette mesure d'harmonisation est donc déjà à l'œuvre, et si des améliorations peuvent être faites, il ne faut pas attendre sur le sujet de profond changement à court ou moyen terme. Pour ce qui est de l'harmonisation des règlements des fédérations utilisant les patinoires (sports de glace et hockey sur glace), elle patine depuis plusieurs années et il est peu que probable que l'épilogue soit connu avant la fin 2015.
Enfin, dernière mesure de ce train : la mise en place d'un "guichet unique" au niveau régional et d'un portail au niveau national, afin de renseigner les collectivités, notamment les plus petites, sur la réglementation obligatoire en matière d'équipements sportifs. Si de tels instruments sont sans aucun doute attendus par les collectivités, il ne s'agit ici ni d'allègement ni de suppression de normes. Par ailleurs, un tel service de renseignement risque d'être long et difficile à mettre en place. En effet, les règlements fédéraux sont examinés au compte-gouttes par la Cerfres, qui ne se réunit que trois ou quatre fois par an. De plus, la Cerfres travaille depuis plusieurs années à l'examen du stock des règlements fédéraux, lesquels sont de surcroît susceptibles d'évoluer à chaque olympiade (tous les quatre ans). De fait, une information à la fois exhaustive et pérenne sur le sujet est extrêmement délicate à établir. Il faudrait, pour ce faire, octroyer des moyens supplémentaires au ministère des Sports et à son administration déconcentrée. Ce qui, au vu de l'évolution budgétaire de ces dernières années, ne semble pas à l'ordre du jour.
Bâtiments publics et urbanisme : allègements "dès la fin 2015"
Sept des 18 mesures annoncées lors du CIR du 14 septembre concernent les champs de l'urbanisme et de la gestion des bâtiments des collectivités locales.
Parmi ces bâtiments figurent souvent de "petits" établissements recevant du public (ERP), pour lesquels il est à la fois prévu d'alléger la déclaration d'autorisation de travaux pour les travaux de faible ampleur, de simplifier le nombre, le champ d'application et la périodicité des vérifications techniques et d'alléger les obligations d'audits et de diagnostics.
Dans le même esprit, le gouvernement a prévu d'harmoniser "les niveaux d'exigence des commissions de sécurité et des officiers préventionnistes."
En matière d'urbanisme, on saura qu'une simplification de la règlementation du plan local d'urbanisme est prévue : les 12 articles actuels du règlement du PLU (dont 9 sont facultatifs) doivent être remplacés par un règlement plus souple (aucun article ne sera obligatoire), prenant davantage en compte les spécificités des territoires.
Autre chantier : la simplification des dispositions réglementaires relatives aux zones de sismicité. C'est même sur ce domaine qu'ont porté les premiers travaux du CNEN, travaux qui ont largement inspiré le gouvernement pour parvenir, assure-t-on, à des résultats "dès 2016". Une étude d'évaluation de la réglementation est en cours, l'idée étant de définir le niveau de risque acceptable afin de simplifier les choses dans les zones de sismicité faible et modérée. Les associations d'élus seront associées en continu à cette étude, a affirmé le gouvernement.
Enfin, des changements sont à attendre s'agissant du régime des espaces protégés et sont d'ores et déjà inscrits dans le projet de loi relatif à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine en cours d'examen parlementaire. Les députés ont voté le 1er octobre en faveur de la fusion, sous l'appellation unique de "cité historique", des différents types actuels d'espaces protégés relevant du code du patrimoine. Le nouveau label regroupera les secteurs sauvegardés (instaurés par la loi Malraux de 1962), les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP, mises en place par Jack Lang) et les aires de valorisation de l'architecture et du patrimoine (Avap) issues de la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010, qui devaient remplacer les précédentes au 14 juillet 2016 au plus tard. L'idée est de mettre fin à la superposition de règles d'urbanisme dispersées dans divers documents pour un même territoire, le nouveau dispositif devant permettre d'identifier clairement les enjeux patrimoniaux dans un seul et unique document d'urbanisme "intégré", pour apporter plus de lisibilité pour les porteurs de projets et les habitants. Les règles et procédures relatives à ces zones doivent en outre être simplifiées, accélérées et modernisées pour réduire les délais d'instruction des autorisations de travaux.
Flux : un "solde positif" pour les collectivités ?
Parallèlement à ces décisions devant contribuer à limer, pas à pas, le stock des normes, le gouvernement met aussi en avant la poursuite de ses efforts sur le flux. On se souvient que par une circulaire du 9 octobre 2014, le Premier ministre avait fixé un objectif : que l'impact financier net des normes nouvelles sur les collectivités soit nul dès 2015. En sachant toutefois que les mesures concernant la fonction publique territoriale, souvent très coûteuses pour les employeurs publics locaux, n'entrent pas dans le champ du dispositif.
"L'engagement est tenu sur les huit premiers mois de l'année", déclare l'entourage du secrétaire d'Etat chargé de la réforme territoriale. Si l'on tient compte des économies que feront les collectivités grâce aux simplifications décidées récemment, les nouvelles normes ne vont pas coûter un euro aux collectivités. Celles-ci enregistreraient même un "solde positif" de 13 millions d'euros. Le CNEN lui-même a dressé ce constat lors de sa séance du 10 septembre dernier. Or, le coût net des normes (c'est-à-dire en prenant en compte les économies qui sont parfois consécutives à ces nouvelles normes) s'était élevé, en 2014, à 770 millions d'euros et, en 2013, à 1,6 milliard d'euros. "Sur les normes, nous parvenons à un changement de culture dans l'administration", se félicite un proche d'André Vallini, ce dernier devant d'ailleurs réunir la presse ce mercredi 7 octobre pour faire un point sur cette "politique de maîtrise des normes" applicables aux collectivités.
T. Beurey, J.D. Lesay, C. Mallet
* Parallèlement à la capacité d'autosaisine dont dispose le CNEN, la possibilité sera bientôt accordée à tout élu de saisir ce dernier afin de proposer l'abrogation ou la simplification d'une norme. Le Conseil d'Etat examinera prochainement un projet de décret qui doit permettre cette évolution. Suite à cela, la publication du texte interviendra dans un délai assez court.
L'Unccas n'apprécie pas du tout la disparition de l'analyse des besoins sociaux
L'Union nationale des centres communaux et intercommunaux d'action sociale (Unccas) a vigoureusement protestée contre l'une des dispositions du CIR de Vesoul, exposée par le gouvernement en quelques mots seulement : "Abrogation de l'obligation de réalisation annuelle d'une analyse des besoins sociaux par les centres communaux d'action sociale."
Dans son communiqué, l'Unccas constate "avec stupeur" cette suppression et estime qu'"après la loi Notr, qui a acté la disparition des CCAS dans les communes de moins de 1.500 habitants et remis en cause la notion fondamentale d'accès aux droits sur l'ensemble des territoires, le gouvernement enfonce le clou". Pour l'association, "en une matinée, le gouvernement enterre vingt ans de progrès social". Sur la forme, l'Unccas "regrette de n'avoir été ni consultée, ni associée".
La référence aux vingt années vise le décret du 6 mai 1995 "relatif aux centres communaux et intercommunaux d'action sociale ainsi qu'aux sections de centre communal d'action sociale des communes associées et portant dispositions particulières applicables aux centres communaux d'action sociale de Marseille et de Lyon" (décret doublé d'un autre du même jour sur le centre d'action sociale de la ville de Paris).
L'article Ier de ce décret - devenu l'article R.123-2 de code de l'action sociale et des familles - prévoit en effet que les CCAS et les Cias (centre intercommunaux) "procèdent annuellement à une analyse des besoins sociaux de l'ensemble de la population qui relève d'eux, et notamment de ceux des familles, des jeunes, des personnes âgées, des personnes handicapées et des personnes en difficulté. Cette analyse fait l'objet d'un rapport présenté au conseil d'administration".
Aux termes de l'article 2, cette analyse sert de fondement à la mise en œuvre d'"une action sociale générale, telle qu'elle est définie par l'article 137 du code de l'action sociale et des famille et des actions spécifiques".
Certes, la mise en œuvre de l'article Ier du décret de 1995 faisait l'objet d'une grande souplesse, pour ne pas dire d'un certain relâchement. L'Unccas le reconnaît d'ailleurs implicitement en soulignant, a contrario, que 50% des CCAS des villes de plus de 5.000 habitants ont déjà réalisé cette analyse et que près de la moitié des CCAS des villes de plus de 80.000 habitants la réalisent chaque année. Et même pour les villes qui respectent la lettre du décret, l'exercice n'est pas toujours exempt d'un côté un peu mécanique et répétitif. En outre, la mesure annoncée n'empêche pas la réalisation de l'analyse des besoins sociaux, mais se contente de supprimer son caractère théoriquement obligatoire. Rien ne dit également que le décret à prendre pour supprimer l'obligation annuelle n'instaurera pas une obligation plus espacée (cinq ans par exemple, comme pour les schémas départementaux).
Mais il reste que cette suppression risque fort d'avoir valeur de symbole. Elle relègue en effet au niveau d'un outil facultatif ce qui constituait pourtant l'épine dorsale d'une stratégie et d'une politique sociales propres aux communes concernées. L'Unccas n'a pas tort non plus de rappeler que l'analyse des besoins sociaux - lorsqu'elle est bien menée - "permet d'identifier les zones ou les publics en difficulté et d'optimiser les partenariats locaux". Elle constitue aussi "une démarche reconnue de veille sociale, de prévention, de prospective et de développement social local", ainsi qu'un "levier d'accès aux droits". Pour l'Unccas, en abroger le caractère obligatoire est donc "contradictoire avec l'objectif de lutte contre le non recours aux droits inscrit dans le plan de lutte contre la pauvreté du gouvernement".
Jean-Noël Escudié / PCA