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Elus - Non-cumul : les sénateurs votent le texte... mais s'exonèrent du dispositif

Les sénateurs ont adopté jeudi 19 septembre en fin d'après-midi, par 208 voix pour et 107 contre, le projet de loi limitant le cumul des mandats, porté par le ministre de l'Intérieur, mais après l'avoir dénaturé en votant dans la nuit un amendement les exonérant du dispositif... autrement dit les autorisant à exercer une fonction exécutive locale, à la différence des députés. Jeudi matin, le Sénat avait adopté un autre amendement interdisant en revanche aux sénateurs comme aux députés de cumuler leur indemnité parlementaire avec une indemnité correspondant à un mandat local. "Le cumul des mandats n'est pas le cumul des indemnités", ont expliqué plusieurs orateurs. Actuellement, le cumul des indemnités est possible dans la limite d'une fois et demie le montant de l'indemnité parlementaire de base (5.514 euros par mois), avec des règles toutefois relativement complexes (lire notre article du 21 juin 2013).
Le texte ainsi remanié sera de nouveau examiné par l'Assemblée nationale, qui a le dernier mot, et à qui le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, va sans surprise demander de rétablir l'interdiction, pour tous les parlementaires, d'exercer une fonction exécutive locale - maire, président ou vice-président d'intercommunalité, de département ou de région...
Mais des sénateurs, dont le président du groupe RDSE (à majorité radicale de gauche), Jacques Mézard, ont l'intention de contester devant le Conseil constitutionnel le droit aux députés de légiférer sur une question concernant le Sénat. La Constitution prévoit en effet que les lois organiques concernant le Sénat doivent être adoptées en termes identiques par les deux assemblées. Le gouvernement estime que cette disposition ne s'applique qu'aux textes concernant uniquement les sénateurs, ce qui n'est pas le cas du texte sur le non-cumul.
Les partisans du projet gouvernemental initial ont voté, lors du scrutin final dans l'après-midi, contre le texte amendé, qu'ils estiment "dénaturé". C'est le cas des communistes, des écologistes, mais aussi de 69 socialistes, dont le porte-parole du parti, David Assouline, le président de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur, ou le président du Sénat, Jean-Pierre Bel.
A l'inverse, les adversaires de la réforme gouvernementale ont approuvé le projet modifié – parmi eux pratiquement tous les UMP (sauf trois), la plupart des centristes (parmi les exceptions, Jacqueline Gourault et Michel Mercier), tous les radicaux de gauche... et pas moins de 31 socialistes, dont le président du groupe PS, François Rebsamen. Parmi ces défenseurs PS du cumul pour les sénateurs, pas mal de présidents de conseil général (Yves Daudigny, Jean-Noël Guérini, Claude Jeannerot, Yves Krattinger, Yves Rome, André Vallini), un président de conseil régional (François Patriat), des maires (Luc Carvounas, Roland Povinelli...).
"Le Sénat est, selon les termes de l'article 24 de la Constitution, le représentant des collectivités territoriales de la République, c'est sa raison d'être", a fait valoir Jacques Mézard. "On ne peut donc concevoir un Sénat de plein exercice si le lien organique qui l'unit aux responsabilités locales était rompu." Avec ce vote, "le gouvernement vient de subir un nouveau revers", s'est réjouie l'UMP.
Pour le chef de file des sénateurs écologistes, Jean-Vincent Placé, au contraire, "le non-cumul des mandats est une exigence démocratique. Et même les plus conservateurs des sénateurs ne pourront pas éternellement résister à cette demande explicite du peuple".
"Tout cela n'est pas une surprise", a regretté Manuel Valls. "Vous ne rendez pas service au Sénat parce que ce texte sera adopté in fine", a-t-il prévenu.
Les sénateurs ont ensuite adopté le projet de loi ordinaire qui concerne l'interdiction de cumul pour les députés européens. A cette occasion, à l'initiative du RDSE, ils ont décidé d'interdire aux collaborateurs de cabinet des exécutifs locaux la possibilité de se présenter aux élections locales là où ils travaillent. Enfin ils ont suivi les écologistes et le RDSE qui ont chacun proposé de limiter le cumul des indemnités des élus locaux au niveau de l'indemnité parlementaire.
Le texte, inscrit en procédure accélérée, doit maintenant faire l'objet d'une commission mixte paritaire chargée de rédiger une version commune. Mais les divergences entre les deux chambres sont telles qu'elle risque d'échouer. Il y aura alors un nouveau vote dans chaque chambre et c'est donc en principe l'Assemblée qui aura le dernier mot...

 

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