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Elus - En commission, le Sénat rejette le non-cumul des mandats

La commission des lois du Sénat a rejeté, ce 11 septembre, les projets de loi organique et ordinaire interdisant le cumul d'un mandat parlementaire (député, député européen et sénateur) avec un mandat exécutif local.
Vingt-quatre sénateurs ont voté contre les deux textes du gouvernement, seize pour, tandis que trois se sont abstenus. Dans le détail, l'ensemble de la droite, UMP et UDI-UC ont voté contre, ainsi qu'à gauche le RDSE à majorité PRG. En revanche, une grande partie des socialistes, le CRC (communistes) et les écologistes ont voté pour. Les trois abstentions sont celles de socialistes.
Ce rejet n'est pas une surprise, dans la mesure où de nombreux sénateurs, y compris à gauche, avaient ouvertement déclaré être opposés à cette réforme, qui constitue l'un des engagements de François Hollande lors de la campagne présidentielle.
Le ministre de l'Intérieur, qui s'était employé, le 10 septembre lors de son audition par les sénateurs, à convaincre ceux-ci de participer "à ce beau mouvement de modernisation et de changement", n'a donc pas été suivi. "Ce texte de loi (…) représentera une véritable révolution dans nos pratiques politiques. (...) C'est une forme d'aboutissement de la logique de décentralisation lancée il y a plus de trente ans", a déclaré Manuel Valls à cette occasion. Constatant que "les élus dans les territoires ont un rôle primordial à jouer" et que par ailleurs, "le mandat national parlementaire est lui aussi prenant et exigeant", il a présenté l'interdiction du cumul comme une évidence.

"La loi s'appliquera à tous"

Le ministre s'est par ailleurs opposé à ce que certains élus, notamment ceux des petites communes, échappent aux règles du non-cumul. "En imaginant un seuil à mille habitants, le seul juridiquement solide, presque les trois quarts des communes seraient exclus du non-cumul. Cela ne semble pas très compréhensible pour nos concitoyens", a-t-il dit. Manuel Valls a aussi exclu la mise en place d'un régime particulier en faveur des sénateurs, régime revendiqué le patron du groupe socialiste au sénat, François Rebsamen.
Lors son audition, le ministre a fait face, comme prévu, à de nombreuses critiques. "Cette loi est très excessive", a dénoncé le centriste Vincent Delahaye. "Une assemblée locale vous apporte une connaissance extrêmement utile", a indiqué, de son côté l'UMP Christian Cointat. L'argument est souvent avancé. "Bien sûr, l'ancrage et la proximité sont essentiels", a reconnu Manuel Valls. "Mais ils ne supposent en rien par principe l'exercice d'une fonction exécutive locale. Cet ancrage est possible avec l'exercice d'un mandat de conseiller municipal", a rétorqué le ministre. Il a d'ailleurs rappelé que 40% des sénateurs n'exercent actuellement pas de fonction exécutive locale. "Sont-ils de moins bons parlementaires ? Je ne le crois pas", a-t-il conclu.
"La loi fait quelques impasses sur le cumul des fonctions", a regretté, de son côté, le socialiste Rachel Mazuir. "Si Monsieur Gérard Collomb est président de tout ce qui est essentiel, que va peser un parlementaire, par exemple dans le Rhône ?", s'est interrogé le sénateur de l'Ain, qui a souhaité que "tout soit pris en compte".

"Il aurait fallu un grand débat"

Sur ce point, Manuel Valls a indiqué que "le gouvernement n'a pas aujourd'hui de projet de non-cumul des fonctions locales [ndlr : entre elles], au-delà de ce qui existe déjà". Il a souligné que ces fonctions "sont déjà très encadrées". Il a en revanche affirmé que le gouvernement travaille sur le statut de l'élu local, à partir de la proposition de loi Gourault-Sueur adoptée en janvier de cette année (lire notre article du 30 janvier 2013). "Nous sommes dans une phase d'arbitrages interministériels sur ce sujet", a-t-il révélé. Des sénateurs avaient souligné la nécessité, selon eux, d'améliorer le statut de l'élu local.
Vincent Delahaye a regretté "l'absence d'un grand débat dans l'opinion" et la limitation de la discussion parlementaire à une seule lecture dans chaque chambre. "Il faut que toutes les règles soient votées rapidement, (...) avant les élections de 2014", a répondu Manuel Valls, pour qui il s'agit aussi de permettre de "bien préparer les investitures des uns et des autres".
Conséquence du vote négatif de la commission des lois, les sénateurs examineront le texte issu de l'Assemblée nationale, lors de la discussion dans l'hémicycle qui se déroulera les 18 et 19 septembre prochains. Ils pourraient rapidement remettre le couvert, à l'initiative d'une alliance entre l'UMP, les radicaux de gauche et les centristes. Selon François Zocchetto, chef de file des sénateurs centristes au Sénat, les trois groupes discutent, en effet, de l'éventualité du dépôt d'une proposition de loi qui exprimerait "la vision du Sénat" sur le cumul des mandats.