Archives

Elus - Non-cumul des mandats : la question de l'ancrage local des parlementaires à nouveau en débat au Sénat

Une proposition de loi "visant à associer les parlementaires à la vie institutionnelle locale", présentée par Yannick Botrel et René Vandierendonck, a fait l'objet d'un vote négatif de la commission des lois du Sénat, mercredi 11 mai. Si la crainte de l'émergence, à partir de 2017, de parlementaires "hors sol" est largement partagée sur les bancs de la haute assemblée, les dispositions du projet de loi ont été jugées trop timides et d'une application malaisée. Demeure, en filigrane, le désir d'apporter des "correctifs" à la loi sur le cumul des mandats, après l'élection présidentielle.

L'application, à partir de 2017, de la loi sur le cumul des mandats, et avec elle l'émergence redoutée de parlementaires "hors sol", déconnectés de leurs territoires, fait à nouveau débat au sein de la chambre haute, dont on connaît l'opposition à cette loi (voir notre article du 10 février 2014 ci-contre). La commission des lois du Sénat a examiné, mercredi 11 mai, une proposition de loi "visant à associer les parlementaires à la vie institutionnelle locale" présentée par Yannick Botrel, René Vandierendonck (PS) et plusieurs autres sénateurs. Destinée à "maintenir et à renforcer l'ancrage des parlementaires dans la vie institutionnelle de leur territoire" lorsque s'appliquera la loi organique du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur, la proposition de loi a fait l'objet d'"un débat nourri au sein de la commission", précise le sénat dans un communiqué.

"Corriger à la marge" les effets de la loi de 2014

En proposant de "corriger à la marge" les effets de la loi de 2014, la proposition de loi de réitère les critiques que le Sénat avait formulées lors des débats parlementaires sur le risque que députés et sénateurs perdent "une connaissance fine des problématiques locales, indispensable à leurs travaux législatifs et de contrôle." Dans la continuité des travaux de Jean-Claude Cheyronnet en 2014 (voir notre article du 10 février 2014 ci-contre), les auteurs du texte souhaitent "définir des modalités d'association des parlementaires à la vie politique et institutionnelle locale". Ils proposent tout d'abord d'associer les parlementaires aux commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI) ainsi qu'aux conférences territoriales de l'action publique (CTAP), sans pour autant leur accorder un droit de vote. Ils veulent également rendre obligatoire l'information des parlementaires, par le représentant de l'État,  lors de projets d'investissement subventionnés par l'Etat au titre de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et au titre de la dotation politique de la ville.

Des propositions "en décalage" avec les enjeux

Le rapporteur de la proposition, Mathieu Darnaud (LR), s'il a reconnu "légitime" la préoccupation  qui inspire les auteurs, a déploré la "modestie" des dispositions proposées, qu'il estime en décalage avec les "effets attendus de la fin du cumul". Il s'est également interrogé sur la compatibilité des objectifs de la proposition de loi avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon laquelle les députés et les sénateurs, élus au suffrage universel, "représente[nt] au Parlement la Nation tout entière et non la population de sa circonscription d'élection". 
Matthieu Darnaud a par ailleurs relevé les difficultés que soulèverait l'élargissement aux parlementaires, au titre de leur mandat national, de la composition des CDCI et des CTAP, dont l'effectif est jugé "pléthorique" - il cite par exemple la CTAP de la région Paca qui comporte déjà 56 membres - et le risque que les élus locaux se sentent dessaisis d'une partie de leurs prérogatives au sein de ces commissions.

Aménager les règles votées en 2014

Un bilan des "nouvelles modalités d'exercice du mandat parlementaire induites par cette réforme", conclut-il, sera l'occasion de constater "les éventuelles difficultés des députés et des sénateurs dans leurs relations avec leurs électeurs et leur territoire, pour y apporter les correctifs nécessaires."
Les membres de la commission des lois, "dans leur grande majorité", ont estimé que les voies d'une meilleure implication des parlementaires dans la vie institutionnelle locale sont à rechercher dans un "aménagement des règles votées en 2014", jugées "exagérément et inutilement restrictives", plutôt que dans des mesures qui tendent à "abaisser la fonction parlementaire en faisant des élus nationaux des témoins passifs sans droit de vote" dans plusieurs instances de concertation locale.
La commission des lois a donc rejeté la proposition de loi. Elle sera examinée en séance publique le mercredi 18 mai 2016.