Enfance / Asile - Mineurs non accompagnés en 2017 : une baisse de 50% en Europe, mais en trompe l'oeil
Eurostat publie les statistiques sur les mineurs non accompagnés (MNA) ayant déposé une demande d'asile dans un pays de l'Union européenne en 2017. Ils montrent une forte baisse, pour la seconde année consécutive, après le pic de la crise migratoire de 2015. Si la tendance à la décrue semble ainsi installée, il reste néanmoins que ces chiffres ne représentent qu'une partie de la réalité. Là où Eurostat - sur la base des chiffres fournis par la France - enregistre l'arrivée de 590 "demandeurs d'asile considérés mineurs non accompagnés", le récent rapport d'activité 2017 de la "Mission mineurs non accompagnés" (MNA), dépendant du ministère de la Justice, décompte 14.908 "personnes déclarées mineures non accompagnées" entre le 1er janvier et le 31 décembre 2017, soit un ratio de un à vingt-cinq (voir notre article ci-dessous du 11 avril 2018)... Mais tout est affaire de définition. Des chiffres qui prennent une résonance particulière alors que la situation demeure tendue pour certains départements français et où l'Assemblée des départements de France vient finalement d'accepter la dernière proposition en date du gouvernement concernant le soutien de l'Etat à la prise en charge de ces mineurs (voir notre article de ce jour).
Une question de définition
Les chiffres d'Eurostat recensent uniquement les MNA ayant déposé une demande d'asile en 2017 dans un pays de l'UE. En s'en tenant à cette définition, le nombre de MNA concernés a été de 31.395 l'an dernier, soit la moitié du chiffre de 2016 (63.245) et le tiers de celui de 2015 (environ 95.000). Le recul est donc spectaculaire, même si Eurostat rappelle que ce nombre de 31.395 MNA ayant déposé une demande d'asile reste "plus de deux fois et demi plus élevé que la moyenne annuelle relevée sur la période 2008-2013 (environ 12.000 par an)".
Pour la France, Eurostat recense 590 MNA demandeurs d'asile arrivés en 2017, contre 475 en 2016, soit une hausse de 24% par rapport à 2016, mais portant sur un effectif très faible. A la différence de l'ensemble des demandeurs d'asile, pour lesquels l'Allemagne représente de très loin le premier pays d'arrivée (voir notre article ci-dessous du 21 mars 2018), c'est l'Italie qui enregistre le plus grand nombre de MNA demandeurs d'asile, avec le tiers du total (10.005). Viennent ensuite l'Allemagne (9.085, contre 35.950 en 2016), la Grèce (2.455), le Royaume-Uni (2.205), l'Autriche (1.350), la Suède (1.285) et la Hongrie (1.220). En la matière, la France figure au neuvième rang des pays de l'UE.
Au total, les MNA recensés par Eurostat représentent 14,8% de demandeurs d'asile mineurs, les autres étant arrivés avec leurs parents. En France, cette proportion n'est que de 2,8%. Les MNA demandeurs d'asile en 2017 sont à 89% des garçons (76% en France). Seuls 6% d'entre eux sont âgés de moins de 14 ans (4% en France).
Il y a MNA et MNA
Enfin, le profil de ces MNA ayant déposé une demande d'asile en 2017 est très spécifique. La majorité des principaux pays d'origine sont en effet des pays en guerre ou confrontés à des situations de crise. Les principaux Etats d'origine sont ainsi l'Afghanistan (17% des MNA), l'Erythrée (10%), la Gambie (8%), la Guinée (7%), le Pakistan (6%) et la Syrie (6%). En France, les trois premiers pays d'origine des MNA demandeurs d'asile sont l'Afghanistan, le Soudan et la République démocratique du Congo.
Un profil très différent de celui des 14.908 "personnes déclarées mineures non accompagnées" en France en 2017, recensées par la Mission MNA dans son dernier rapport. Les principaux pays d'origine sont en effet des Etats - notamment africains - considérés comme sûrs, à l'image de la Guinée, la Côte d'Ivoire, le Mali, le Cameroun, l'Albanie... Des pays dont les ressortissants - mineurs ou adultes - n'ont aucun intérêt à déposer une demande d'asile, sachant qu'elle sera très vraisemblablement refusée.
En d'autres termes, les chiffres d'Eurostat recensent la demande d'asile au sens traditionnel de la protection de personnes en danger, quand la mission MNA - et les départements - sont confrontés essentiellement à des MNA "économiques", poussés par la recherche d'une vie meilleure.