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Enfance / Asile - La Mission MNA pointe "des tensions plus marquées" entre départements et des contentieux en hausse

La "Mission mineurs non accompagnés" (MNA) publie son rapport d'activité pour l'année 2017. Mise en place dans le prolongement de l'accord entre le ministère de la Justice et l'Assemblée des départements de France (ADF) et dans le cadre de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant, cette mission gère notamment le dispositif de répartition des MNA entre les départements. Comme le souligne l'introduction du rapport, "le contexte a changé en quelques années" et "l'augmentation importante du nombre d'arrivées de mineurs non accompagnés jusqu'à la fin de l'année 2017 a bousculé le dispositif mis en place", conduisant ainsi la grande majorité des territoires à connaître "de réelles difficultés dès l'été pour répondre au besoin de mise à l'abri".

MNA : des profils très spécifiques

La mission a ainsi eu connaissance, entre le 1er janvier et le 31 décembre 2017, de 14.908 personnes déclarées mineures non accompagnées. Par rapport aux profils traditionnels de l'aide sociale à l'enfance (ASE), celui des MNA est très spécifique : le rapport recense en effet 95,8% de garçons. L'âge d'entrée de ces mineurs dans le dispositif de protection de l'enfance est également beaucoup plus élevé que la moyenne, ce qui s'explique par leurs conditions d'arrivée sur le territoire français : 84% sont âgées de quinze ans et plus (dont 44% âgés de 16%), contre 1,9% de moins de douze ans. En termes de pays d'origine, la majorité des MNA recensés en 2017 ne proviennent pas des zones de conflits les plus dangereuses : 29% viennent de Guinée, 17% de Côte d'Ivoire, 16% du Mali, 5% d'Afghanistan, 4% du Cameroun, d'Albanie et du Bangladesh...
Le rapport fournit également une série de cartes faisant ressortir la situation comparée des départements. La première d'entre elles illustre la clé de répartition des MNA entre départements. Cette clé, liée essentiellement à la population du département, va de 4,57% du total des MNA dans le Nord à 0,11% en Lozère.

De forts écarts territoriaux dans les reconnaissances des MNA

La carte des MNA effectivement pris en charge par les départements recouvre très largement celle de la clé de répartition, allant de 678 mineurs pris en charge dans le Nord à 16 en Lozère. De ce point de vue, le dispositif de répartition semble bien fonctionner.
La répartition du nombre de personnes reconnues MNA par les départements est en revanche nettement différente, traduisant des écarts de situation, de pratiques et de "jurisprudence" entre territoires. Ainsi, Paris a reconnu l'an dernier 1.263 personnes comme MNA, soit le double du Nord (678) et cinq fois plus que les Bouches-du-Rhône (260). Ces écarts sont plus importants encore entre petits départements avec, par exemple, 575 personnes reconnues MNA dans les Hautes-Alpes contre 11 dans l'Aisne. Certains départements n'ont même procédé à pratiquement aucune reconnaissance de MNA, à l'image des Côtes d'Armor (4 reconnaissances en 2017). Ces écarts territoriaux étaient déjà pointés dans le récent et très attendu rapport des inspections générales (Igas, IGA, IGJ) sur les MNA (voir notre article ci-dessous du 12 mars 2018).
De façon logique, ces écarts se retrouvent dans la répartition du nombre de personnes reconnues MNA mais confiées hors du département évaluateur. Ainsi, 924 personnes reconnues MNA à Paris et 544 reconnues dans les Hautes-Alpes ont été confiées à d'autres départements, contre seulement 119 dans le Nord et 9 dans les Bouches-du-Rhône. Une dizaine de départements affichent même zéro personne reconnue MNA transférée dans un autre département. C'est le cas de territoires ayant reconnu très peu de MNA (Aisne, Côtes d'Armor, Ardennes...), mais aussi de départements plus importants comme le Pas-de-Calais (182 mineurs reconnus MNA et 0 transfert).

L'absence d'harmonisation des pratiques d'évaluation crée des tensions

Le rapport 2017 de la Mission MNA comporte également une partie qualitative, qui pointe un certain nombre de difficultés rencontrées par les territoires. Les problèmes identifiés portent notamment sur l'augmentation du flux en 2017, "ressentie par tous les acteurs, avec une nette augmentation à partir du mois de juin", et sur l'apparition de nouveaux départements fortement impactés par le déplacement géographique des flux (notamment sur la frontière alpine, comme en atteste le cas des Hautes-Alpes).
La mission relève également des tensions plus marquées entre les départements, "notamment en raison de l'absence d'harmonisation des pratiques de l'évaluation ou encore de la saturation de leur dispositif de protection de l'enfance", ainsi qu'une augmentation des recours contentieux. Il apparaît ainsi que "de plus en plus de jeunes saisissent le juge des référés du tribunal administratif du ressort du département sur lequel ils se trouvent, au nom de leurs droits fondamentaux, le plus souvent pour défaut d'hébergement et de scolarisation. Une jurisprudence du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation se dessine".
Enfin, si les juges des enfants peuvent saisir la cellule nationale depuis la loi du 14 mars 2016, ils utilisent encore très peu cette possibilité. Le rapport de la mission MNA recense ainsi 183 sollicitations des juges des enfants en 2017, contre 1.867 jugements en assistance éducative pris sans consultation de la cellule.

 

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