Citoyens - Mariage pour tous : au final, quels changements pour l'état civil ?
Les députés ont définitivement adopté ce 23 avril le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Au total, 331 députés se sont prononcés pour la réforme, 225 y étant opposés. Avec ce vote, la France est en passe de devenir le 9e pays européen à autoriser le mariage de couples homosexuels, et le 14e dans le monde.
En approuvant le texte dans les mêmes termes que le Sénat, les députés ont mis un terme à son examen parlementaire, qui intervient donc un peu plus tôt que prévu. Il faut y voir la volonté de la majorité de ne pas prolonger le débat, dans un contexte marqué par la poursuite des manifestations des opposants à la réforme et par certains dérapages.
Avant même ce vote ultime, l'article 1 du texte, qui introduit, au sein du Code civil, un nouvel article 143 précisant que "le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe", avait déjà été scellé. Les sénateurs avaient en effet approuvé cet article dans une rédaction semblable à celle de l'Assemblée nationale.
Les officiers d'état civil célébreront l'union de couples de même sexe dans les mêmes conditions que celle de couples hétérosexuels et tous bénéficieront des mêmes droits. Les homosexuels français résidant dans un pays qui ne reconnaît pas le mariage gay pourront être mariés dans une commune française.
Lieu du mariage : des possibilités plus grandes
Parmi les nouveaux droits des homosexuels figure aussi celui de l'adoption, qu'il s'agisse de l'adoption conjointe d'un enfant par les deux époux ou de l'adoption de l'enfant du conjoint.
Juridiquement, l'accès des couples homosexuels au mariage n'entraîne pas de toilettage complet du Code civil pour y remplacer les expressions "père" et "mère" par le terme plus neutre de "parents". Les parlementaires ont en effet jugé plus simple de préciser, en tête des livres Ier et III de ce code, que les dispositions applicables aux couples hétérosexuels le sont aussi aux couples de même sexe – à l'exclusion des dispositions relatives à la filiation. Parallèlement, ils ont rendu applicable aux couples de personnes de même sexe l’ensemble des dispositions législatives en vigueur, autres que celles du Code civil, lorsque ces dispositions font référence aux termes de "mari" et "femme", "père" et "mère" ou "veuf" et "veuve".
Le projet de loi comporte en outre des dispositions qui concernent l'ensemble des couples.
Ainsi, suite à un amendement de Jacques Pélissard, député-maire de Lons-le-Saunier et président de l'Association des maires de France (AMF), les possibilités concernant le lieu du mariage sont étendues. Les futurs époux pourront en effet se marier à la mairie du lieu de résidence de leurs parents. Ce souhait est exprimé par de nombreux couples. Certes, dans la pratique, les mairies répondent déjà souvent favorablement à leurs demandes. Mais officiellement, la loi ne l'autorisait pas. "Nous régularisions la situation en indiquant qu'il s'agit d'une adresse de résidence", confiait par exemple, lors des débats, la député-maire de Morteau, Annie Genevard.
On peut aussi citer la disposition du texte précisant dans le Code civil que la cérémonie du mariage est "républicaine", même si elle a une dimension plus symbolique.
Dévolution du nom de famille : finalement, pas de révolution
C'est également pour toutes les familles que les règles de dévolution du nom vont évoluer. Lorsque des parents ne seront pas d'accord sur le nom de leur enfant et qu'au moins l'un d'eux aura rendu compte de ce désaccord auprès de l'officier d'état civil, l'enfant recevra le nom de son père et celui de sa mère, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d'eux, accolés selon l'ordre alphabétique – alors qu'aujourd'hui il reçoit "par défaut" le nom de son père. Dans toutes les autres situations, l'enfant prendra le nom de son père. Ce n'était pas le cas dans le texte issu des débats de la première lecture à l'Assemblée nationale : dans cette version, en cas de désaccord, ou en cas d'absence de choix de la part des parents, l'enfant devait porter le premier nom de chacun d'eux. Mais le Sénat n'a pas voulu d'un tel bouleversement.
Autre mini-évolution : le projet de loi introduit dans le Code civil la règle selon laquelle chacun des époux peut porter, à titre d’usage, le nom de l’autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom, dans l’ordre qu’il choisit. Cette règle n'était jusque-là applicable que sur la base d'une simple circulaire.
Célébration du mariage : du nouveau
Parmi les nombreux élus locaux ayant manifesté leur opposition au "mariage pour tous", certains ont déclaré qu'ils refuseraient de célébrer l'union de couples homosexuels après la promulgation de la loi. Mais pour ces élus, le projet de loi n'a pas prévu de "clause de conscience", comme le réclamait l'opposition en se fondant sur les déclarations faites par le président de la République lors du dernier congrès des maires de France.
Le texte a allégé la lecture du Code civil qui est faite par l'officier d'état civil lors de la célébration du mariage. La lecture de l'article 220 du Code civil sur la solidarité des époux en matière d'endettement est en effet rendue facultative. Au moins un point qui devrait satisfaire la plupart des élus locaux.
L'opposition ayant déjà annoncé qu'elle saisirait le Conseil constitutionnel, l'exécutif devra attendre la décision des Sages pour promulguer la loi. Dans les faits, les mairies seront-elles prêtes à ce moment-là ? Pas sûr. En février, Jacques Pélissard signalait que la loi "implique l'adoption d'un nouveau logiciel" et demandait un délai d'un mois avant l'entrée en vigueur de la réforme.
On rappellera enfin que l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes ne figure finalement pas dans le texte. Le débat sur ce sujet est reporté au projet de loi sur la famille, qui sera présenté à l'automne.