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Famille - Mariage et adoption pour les homosexuels : des conséquences directes pour les collectivités

Promesses de campagne de François Hollande, le mariage et l'adoption pour les couples homosexuels sont en passe de devenir réalité avec la présentation, ce 7 novembre en Conseil des ministres, du projet de loi devant autoriser l'un et l'autre. Le texte devrait faciliter l'accès des couples concernés à de nombreux droits, notamment en matière d'action sociale. Certaines règles de l'état civil vont être adaptées. Le débat qui traverse la société française n'épargne pas les maires. Certains déclarent qu'ils ne célèbreront pas de mariages pour les homosexuels.

Selon l'article Ier du projet de loi présenté ce 7 novembre en Conseil des ministres, "le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe". Il permet la célébration d’un mariage entre deux personnes homosexuelles résidant en France et la reconnaissance en France des mariages entre deux personnes homosexuelles célébrés à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi.
Un autre changement apporté par le texte concerne l’adoption. Si un conjoint a déjà un enfant, il pourra obtenir l’adoption de cet enfant par l’autre conjoint de même sexe. En outre, les personnes homosexuelles qui se marieront auront le droit d’adopter ensemble un enfant. Cela devrait toutefois rester un voeu pieux, compte tenu du fait que de nombreux pays étrangers ne permettent pas l'adoption par des homosexuels.

Procréation médicalement assistée : pas dans ce texte ?

Le projet de loi ne prévoit pas l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes. Les associations de défense des homosexuels sont nombreuses à le regretter. Mais le projet de texte pourrait évoluer pendant le débat législatif, qui débutera en janvier à l’Assemblée nationale. Les députés socialistes ont en effet déjà promis un amendement sur la PMA. Pour l’heure, la ministre de la Justice n’a pas indiqué quelle serait la position du gouvernement si un tel amendement était déposé. "Nous verrons comment se développe le débat", a-t-elle déclaré à la presse ce 7 novembre.
Christiane Taubira a néanmoins fait valoir que le mariage et l'adoption par les couples homosexuels relevaient du Code civil alors que la PMA relevait de celui de la santé publique. "A l'exception des Pays-Bas, tous les pays qui ont ouvert le mariage aux couples de même sexe et qui ont adopté également la PMA l'ont fait dans des lois différentes", a-t-elle également observé.
Le sujet de la filiation a, lui, peu de chances de figurer dans le projet de loi final, le gouvernement ayant fait le choix de réserver cette question pour un futur texte sur la famille.

Adaptation des règles de l’état civil

Au-delà de la valeur symbolique de la reconnaissance pour les personnes homosexuelles d’un droit réservé jusqu’à présent aux seuls couples hétérosexuels, le projet de loi entraîne des conséquences importantes. Le mariage permet, en effet, la protection du conjoint survivant en cas de décès : il devient l'héritier désigné par la loi (quand il n'y a pas de mariage, pas d'enfant et pas de testament, l'héritage va aux ascendants) et peut bénéficier d'une pension de réversion. Le mariage et l’adoption pour tous sont des sujets "d’extrême importance", déclarait Christiane Taubira, le 5 juillet dernier, devant la commission des lois de l’Assemblée nationale. Il touche "à l’état des personnes" et "a de multiples incidences, en matière de filiation, de transmission du nom, de patrimoine, de conventions internationales... Il est aussi d’une très grande technicité juridique", soulignait-elle.
Les communes devront prendre en compte plusieurs évolutions. La plus visible sera bien sûr l’ouverture de la cérémonie de mariage en mairie aux couples homosexuels. Pour les services chargés de l’état civil, les changements seront parfois très techniques. Les règles concernant la détermination du nom de l’enfant adopté vont, ainsi, être adaptées. "La règle actuelle, prévoyant l’attribution du nom du père à défaut de choix fait par les parents, n’est plus adaptée dans le cas d’un couple de même sexe", explique le communiqué du Conseil des ministres. Le texte prévoit également de nombreuses dispositions de coordination dans les différents codes. "Lorsque cela est strictement nécessaire", les mots "père et mère" sont remplacés par le mot "parent" et les mots "mari et femme" par le mot "époux". "Ces modifications ne sont pas systématiques", précise le gouvernement. En tout cas, elles ne concernent pas les actes d’état civil et le livret de famille, dont la forme n’est pas régie par la loi. "Ces actes, ainsi que le livret de famille, continueront à utiliser les termes de 'père et mère' dès lors qu’il s’agira de couples de personnes de sexe différent", indique encore le gouvernement.
Il est à noter aussi que la perspective de l’ouverture du mariage à tous les couples a conduit les services de la Chancellerie à reporter la réécriture d’une grande partie de l’instruction générale relative à l’état civil (Igrec), document rassemblant les multiples dispositions législatives et réglementaires ainsi que les circulaires et les décisions jurisprudentielles en matière d’état civil. La rénovation des volets consacrés au mariage et au livret de famille a été reportée alors que l’Igrec devait initialement être entièrement actualisée au début de l’année 2013, indique la lettre électronique "Légibase état civil".

Le congé paternité rebaptisé

La possibilité pour les couples homosexuels de se marier va s’accompagner de la conquête de nouveaux droits. Notamment en matière de congés liés à l’arrivée d’un enfant. Lors de la première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui a eu lieu fin octobre, les députés ont adopté un amendement qui transforme le congé paternité en "congé de paternité et d’accueil de l’enfant". Le Sénat examine le texte en première lecture à partir du 12 novembre. Ainsi, les pratiques mises en place par certains employeurs vont être reconnues par la loi. Du côté des collectivités territoriales, on pense aux départements de Seine-et-Marne et de l’Essonne, qui ont récemment accordé un "congé d’accueil à l’enfant" à certains de leurs agents dont le conjoint de même sexe est mère depuis peu, ou va le devenir. Pour sa part, le département de l’Essonne s’est engagé à aller encore plus loin, en faisant bénéficier les couples homosexuels du même accès aux prestations sociales de la collectivité. Tous les employeurs vont-ils faire de même ? "Si un travailleur demande des jours pour se marier ou adopter, son employeur pourra connaître son orientation sexuelle. Ces salariés pourvus de nouveaux droits ne doivent pas être à nouveau victimes de discriminations", s’inquiétait récemment la CGT Fonction publique.
Chez les élus locaux, le débat ne porte, pour l’instant, pas beaucoup sur ces questions. C’est le fait de devoir marier des personnes homosexuelles en mairie que refusent certains maires et leurs adjoints. En particulier, un "collectif des maires pour l’enfance" a lancé un appel intitulé "Protégeons l’enfance", qui selon l’organisation avait reçu, début novembre, 12.000 signatures d’élus locaux. Ils réclament la reconnaissance par la loi d’un "droit à l’objection de conscience". "En toute opération où nous représentons l’Etat, on peut avoir recours au pouvoir de substitution par le préfet. C’est ce qui se fait, parfois, dans le cas d’élections", affirmait récemment à La Gazette des communes le député UMP Philippe Gosselin. Il prévoyait de déposer des amendements.

"Les maires doivent appliquer la loi"

Ce droit de conscience est loin de recueillir l’unanimité chez les maires. "Il serait incompréhensible pour les citoyens que le premier magistrat de la commune puisse avoir une attitude aléatoire au regard de la loi", réagissait récemment l’Association des maires ruraux de France (AMRF). Les maires "se doivent d’appliquer la loi", rappelait de son côté l’Association des petites villes de France (APVF). Dans une interview à la revue Maires de France, le président de l’Association des maires de France (AMF) affirme, lui aussi, que le maire doit respecter la loi. Il ajoute, toutefois, que les maires "sont des hommes et des femmes qui agissent selon leur conscience". Pour le maire UMP de Lons-le-Saunier, il faut donc "trouver des modalités permettant à la fois aux maires de respecter la loi et d’agir en conscience". La ministre de la Justice recevait ce 7 novembre une délégation de l’AMF pour évoquer notamment cette question. Nul doute que le sujet devrait surgir dans les débats qui auront lieu lors du congrès des maires de France, qui se tiendra du 19 au 22 novembre prochains.