Médicosocial - Malgré l'opposition des étudiants, le Sénat adopte la non-rémunération des stages sociaux
Le Sénat a adopté en premier lecture, le 29 avril, la proposition de loi tendant à faciliter l'accès aux stages des étudiants et élèves travailleurs sociaux (voir notre article ci-contre du 9 avril 2010). Le texte vise à leur faciliter l'accès aux stages obligatoires pour leur cursus. Ceux-ci sont en effet confrontés à des difficultés croissantes pour trouver des terrains de stages dans les établissements médico-sociaux, ces derniers refusant de les accueillir faute de pouvoir les rémunérer. Environ 17.000 étudiants en travail social seraient ainsi menacés de ne pouvoir valider leur formation, en l'absence des stages indispensables. Pour résoudre cette difficulté, le Sénat a choisi une solution pour le moins radicale, en supprimant - jusqu'au 31 décembre 2012 - l'obligation de rémunérer les stages des étudiants et élèves travailleurs sociaux. Cette solution a déjà été appliquée - pour les mêmes raisons - aux étudiants des filières paramédicales par l'article 59 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST).
La proposition de loi du Sénat a suscité de vives réactions de la part de certaines organisations étudiantes. L'Unef et le collectif Génération Précaire dénoncent ainsi un "scandale" et reprochent au Sénat de "fouler au pied" cinq ans de lutte (allusion au combat des stagiaires pour obtenir l'obligation de rémunération des stages en entreprise, étendue ensuite au secteur public). Tout en reconnaissant les difficultés actuelles des étudiants en travail social pour trouver des stages, le collectif Génération Précaire estime que "la réponse passe par des déblocages de fonds de l'Etat".
Lors de la discussion de la proposition de loi, Nadine Morano, la secrétaire d'Etat chargée de la Famille et de la Solidarité, a souligné l'importance de l'enjeu, en rappelant que "la validation du cursus est compromise alors que nous devons recruter 400.000 personnes dans le secteur médico-social d'ici 2015 et 60.000 dans celui de la petite enfance". Elle a réaffirmé que l'objectif restait de trouver une solution pérenne conforme à l'esprit de la loi du 31 mars 2006, d'où le caractère transitoire de la mesure prévue par la proposition de loi. Pour trouver cette solution, le gouvernement compte sur la mission conjointe confiée à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et à l'Inspection générale des affaires de l'Education nationale et de la recherche (Iganer). Le rapport, qui doit être rendu avant l'été, doit notamment mesurer les effets de la gratification sur l'offre de stages, en particulier dans le secteur médico-social, et proposer des solutions sur la rémunération. Lors de la discussion du texte, le Sénat a d'ailleurs adopté deux amendements allant dans ce sens. Le premier prévoit que le bilan que le gouvernement doit remettre au Parlement avant le 31 décembre 2012, devra "déterminer notamment les conditions dans lesquelles est prise en charge la gratification des stagiaires". Les régions devraient accepter cette rédaction plus ouverte, puisque la version du texte adoptée par la commission des affaires sociales prévoyait que ce rapport détermine "les conditions dans lesquelles les conseils régionaux prennent en charge le remboursement de la gratification des stagiaires". Le second amendement concerne les conditions d'indemnisation des contraintes liées à l'accomplissement des stages (frais de déplacement, de repas, d'hébergement...), qui s'imposent même si le stage lui-même n'est pas rémunéré. Alors que la rédaction initiale n'apportait aucune précision sur ce point, la version finalement adoptée par le Sénat prévoit que "les conditions d'indemnisation des contraintes liées à l'accomplissement des stages seront précisées par décret".
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : proposition de loi tendant à faciliter l'accès aux stages des étudiants et élèves travailleurs sociaux (adoptée par le Sénat en première lecture le 29 avril 2010).