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Formation - Le Sénat propose de ne pas rémunérer les stages en travail social... pour faciliter les stages

La commission des affaires sociales du Sénat a adopté, le 7 avril, la proposition de loi tendant à faciliter l'accès aux stages des étudiants et élèves travailleurs sociaux, déposée le 22 décembre dernier par Nicolas About et Sylvie Desmarescaux. La proposition de loi doit désormais être examinée en séance publique le 29 avril. L'article unique de ce texte tente d'apporter une solution au problème lancinant des stages de travail social et entend lutter contre "un effet pervers dont les conséquences n'avaient pas alors été anticipées". En effet, faute de pouvoir assumer la rémunération des stagiaires prévue par la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, un nombre croissant d'établissements sociaux et médico-sociaux - dont la majorité est de statut privé - renoncent à accueillir ces stagiaires. Or les étudiants en travail social ont impérativement besoin de suivre des stages pour valider leur cursus de formation et se trouvent donc, de ce fait, dans une impasse.
La solution retenue par la proposition de loi adoptée par la commission des affaires sociales est originale, puisqu'elle consiste à supprimer l'obligation de rémunérer les stages des étudiants et élèves travailleurs sociaux. Après un rappel de la finalité des stages, la proposition de loi précise ainsi que "les stagiaires bénéficient de l'indemnisation de contraintes liées à l'accomplissement de leur stage, à l'exclusion de toute autre rémunération ou gratification prévue par des dispositions légales et réglementaires". En d'autres termes, le texte introduit une exception à l'obligation de gratification des stages prévue par loi de 2006, seule demeurant l'indemnisation d'éventuelles contraintes liées au déroulement du stage.
Cette proposition de loi du Sénat s'inspire très directement de l'article 59 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST). A la demande des étudiants orthophonistes, confrontés au même problème, la loi HPST prévoyait une dérogation à l'obligation de gratification des stages. Finalement, cette exception a été généralisée, au cours de l'examen du texte, à l'ensemble des étudiants inscrits dans les filières d'auxiliaires médicaux. Le Sénat propose donc d'étendre cette dérogation, désormais admise dans le champ sanitaire, aux étudiants et élèves travailleurs sociaux.
La commission des affaires sociales du Sénat a repris la rédaction initiale de la proposition. Afin de ne pas sembler fermer la porte à d'éventuelles évolutions plus favorables, elle a toutefois ajouté un alinéa prévoyant que "les dispositions du présent article sont applicables jusqu'au 31 décembre 2012. Un bilan de leur mise en oeuvre est transmis par le gouvernement au Parlement avant cette date afin de déterminer les conditions dans lesquelles les conseils régionaux prennent en charge le remboursement de la gratification des stagiaires".
Si la proposition de loi sénatoriale a le mérite de l'efficacité, il n'est pas sûr qu'elle fasse l'objet d'un accueil enthousiaste. Malgré l'atténuation du dernier alinéa - qui pourrait susciter quelques grincements de dents du côté des régions -, elle va en effet à l'encontre des récentes démarches des organisations de travailleurs sociaux, qui viennent au contraire de saisir le chef de l'Etat pour lui demander "de tenir les engagements qu'il a annoncés publiquement le 24 avril 2009" en faveur de la rémunération des stages (voir notre article ci-contre du 26 mars 2010). La position du gouvernement lors de l'examen en séance publique, le 26 avril, sera donc intéressante à suivre.

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence : proposition de loi tendant à faciliter l'accès aux stages des étudiants et élèves travailleurs sociaux (adoptée par la commission des affaires sociales du Sénat le 7 avril 2010, examen en séance publique prévu le 29 avril 2010).