Logement - Lutte contre l'habitat insalubre : le décret sur le "permis de louer" est paru
Imaginé depuis plus de 10 ans, porté alors par le sénateur UMP des Yvelines Dominique Braye (voir notre article ci-contre du 12 avril 2006), "le permis de louer" voit le jour. Dans le cadre de la lutte contre l'habitat insalubre, un décret du 19 décembre 2016 met en place un double régime - alternatif - de déclaration ou d'autorisation préalable de mise en location. Il s'agit en l'occurrence de la mise en œuvre des articles 92 et 93 de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) du 24 mars 2014. L'article 92 prévoit ainsi que "l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat ou, à défaut, le conseil municipal peut délimiter des zones soumises à autorisation préalable de mise en location sur les territoires présentant une proportion importante d'habitat dégradé. Ces zones sont délimitées au regard de l'objectif de lutte contre l'habitat indigne et en cohérence avec le programme local de l'habitat en vigueur et le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées".
Simple déclaration ou autorisation préalable
L'EPCI ou la commune ont en effet le choix entre deux régimes : la déclaration préalable ou l'autorisation. Le premier est le moins contraignent, puisqu'il repose sur une simple déclaration avant mise en location de logements situés dans les zones considérées. Cette déclaration s'impose aux bailleurs personnes physiques, comme aux personnes morales. Elle vaut en cas de location, comme de relocation ou de nouvelle mise en location, à l'exclusion de reconduction du contrat ou de son renouvellement ou de la conclusion d'un avenant à ce contrat. L'EPCI ou la commune concerné(e) doit accuser réception de cette demande dans le délai d'une semaine ou demander des informations complémentaires en cas de dossier incomplet.
Le régime de l'autorisation préalable est plus contraignant. Dans les zones délimitées par la collectivité, la mise en location d'un logement est alors "subordonnée à la délivrance d'une autorisation par le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat ou, à défaut, par le maire de la commune". Le décret précise le contenu du dossier de demande.
Jusqu'à 15.000 euros d'amende
Il n'indique pas, en revanche, le délai de réponse à la demande, ce dernier figurant déjà dans la loi Alur : à défaut de notification d'une décision expresse dans un délai d'un mois à compter du dépôt de la demande d'autorisation, le silence gardé par le président de l'EPCI compétent en matière d'habitat ou le maire de la commune vaut autorisation préalable de mise en location. En revanche, ces derniers peuvent rejeter la demande - ou l'autoriser sous conditions de travaux ou d'aménagements - si le logement apparaît "susceptible de porter atteinte à la sécurité des occupants et à la salubrité publique".
En cas de mutation du logement à titre gratuit ou onéreux, une autorisation en cours de validité peut être transférée au nouveau propriétaire de ce dernier. Les bailleurs qui ne respecteraient pas l'obligation de la déclaration ou celle de l'autorisation préalable de mise en location s'exposent à des amendes pouvant aller jusqu'à 5.000 euros, voire 15.000 euros en cas de location d'un bien malgré un avis défavorable du président de l'EPCI ou du maire à l'autorisation préalable.
"Cris d'orfraie"...
Dans un communiqué du 21 décembre 2016, Emmanuelle Cosse rappelle qu'"environ 210.000 logements du parc privé offerts à la location sont considérés comme indignes, c'est-à-dire présentant un risque pour la santé ou la sécurité de leurs occupants". La ministre du Logement estime que "l'accès de chacun à un logement abordable et de qualité est une priorité. L'Etat ne peut pas tolérer que des marchands de sommeil profitent de la misère pour s'enrichir".
Droit au logement (DAL) voit également ces mesures comme une avancée, même si "beaucoup reste à faire". Dans un communiqué du 29 décembre, l'association "s'étonne des cris d'orfraie poussés aussi bien par les organisations de défense des bailleurs que des agents immobiliers, alors qu'il s'agit de limiter la location de taudis par des marchands de sommeil et la location de logements indécents par des bailleurs indélicats".
... ou "aberration de plus"
Le son de cloche n'est en effet pas le même chez les représentants des propriétaires et des intermédiaires immobiliers. Du côté des agents immobiliers, on s'indigne de la mise en cause de la profession, qui transparaît à travers ces dispositions. Dans un communiqué du 23 décembre dénonçant "une aberration de plus", Jean-François Buet, le président de la Fnaim, estime que "les professionnels de l'immobilier sont garants de la décence des logements dont ils ont la gestion. C'est faire fi de leurs compétences que de leur demander d'appliquer ce décret". Il s'inquiète égalemennt du flou sur la définition des zones susceptibles d'être concernées par la mesure. La Fnaim demande donc que le décret ne s'applique pas aux agents immobiliers.
Pour sa part, la Chambre nationale des propriétaires juge que "sous couvert du constat pertinent et consensuel de la persistance des logements indignes, ces deux régimes ultra autoritaires trahissent une fois encore un tropisme vers toujours plus de réglementation".
Les deux associations s'étonnent également que le projet de décret n'ait pas été soumis au Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières (CNTGI), pourtant installé en octobre 2014 en application... de la loi Alur. Un argument qui pourrait bien servir de base à un éventuel recours contentieux contre le décret du 19 décembre 2016.
Jean-Noël Escudié / PCA
Références : décret 2016-1790 du 19 décembre 2016 relatif aux régimes de déclaration et d'autorisation préalable de mise en location (Journal officiel du 21 décembre 2016).