Lutte contre le décrochage scolaire : l'école et les collectivités peuvent encore mieux faire
Les politiques de lutte contre le décrochage scolaire produisent des effets, mais pourraient encore gagner en efficacité. Le Cnesco publie ce 8 décembre des travaux de recherche et des préconisations. Il appelle notamment à coordonner davantage les réponses apportées par les différents acteurs et à développer les dispositifs partenariaux alliant "sanction" et "intégration" lors des exclusions temporaires des élèves.
Le Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco) publie ce 8 décembre un dossier intitulé "Comment agir plus efficacement face au décrochage scolaire ?", suite à une conférence de comparaisons internationales organisée en novembre (1) autour de cette question.
"Pratiquement partout en Europe, le décrochage scolaire diminue. La France se situe en dessous de la moyenne européenne", constate le Cnesco. En 2016, on comptait en effet en France 450.000 "sortants précoces", soit 8,8% de jeunes de 18-24 non-diplômés ou ayant au plus le brevet et n'ayant pas suivi de formation au cours des quatre dernières semaines, contre 10,7% dans l'ensemble de l'Union européenne. En revanche, si l'on considère les NEETs (jeunes de 18 à 24 ans non scolarisés, ni en emploi ni en formation), la France se situe à 19,8%, derrière la moyenne des pays de l'OCDE (15,3%).
Le taux de "sortants précoces" a baissé
"C’est la continuité dans le temps des politiques scolaires qui produit des effets", salue Nathalie Mons, présidente du Cnesco, dans son édito, soulignant que ce taux de sortants précoces a baissé de 2,4 points en 10 ans.
"Pour autant le décrochage n’a pas disparu", poursuit-elle. Le Cnesco propose ainsi une analyse assez complète du phénomène : de ses multiples facteurs, avec un focus sur l'absentéisme vu comme un premier pas vers le décrochage, des inégalités territoriales, des politiques publiques mises en œuvre en France et à l'étranger.
Prévention, intervention, compensation
En France, le Cnesco distingue trois étapes de la lutte contre le décrochage : la prévention – avec des dispositifs d'information portés par l'Education nationale telles que la "mallette des parents" -, l'intervention auprès des élèves, lors des "premiers signes de décrochage" – dont les plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs – et la compensation.
"Les politiques de compensation sont très majoritairement mises en œuvre en dehors de l’institution scolaire", observe le Cnesco. Il cite les missions locales, la garantie jeunes, les structures de retour à l'école, les écoles de la deuxième chance et les établissement pour l’insertion dans l’emploi (Epide) du ministère de la Défense. La prévention très en amont et le rôle des collectivités dans ce domaine - soutien à la parentalité, aide aux devoirs, accompagnement à la lecture... - ne sont pas abordés.
Un dispositif financé par la ville et le département pour donner du sens à l'exclusion temporaire
Si la prévention est présentée avant tout comme étant l'affaire de l'école (voir également notre article de 2014 "Décrochage scolaire : à l'Education nationale la prévention, aux régions la réparation ?"), le Cnesco relate toutefois une action jugée innovante menée dans un collège de Montreuil (Seine-Saint-Denis) dans le cadre du programme de réussite éducative. Financé par la ville de Montreuil, le Commissariat général à l’égalité des territoires et le département, ce dispositif "Rebond" vise à donner du sens à l'exclusion temporaire en proposant un accueil éducatif à l'élève en dehors de l'école – retour sur la sanction, travail sur les émotions, l'identité et l'estime de soi, etc., en présence d'éducateurs et d'un psychologue. A la suite d'une éventuelle seconde sanction, "les élèves contribuent aussi à une action bénévole dans une association de la ville". En deux ans, le nombre de conseils de discipline aurait été divisé par deux dans ce collège.
Dans ses préconisations, le Cnesco appelle à développer ce type d'alternatives "construites collectivement, associant punition/sanction et intégration à travers un suivi de l’élève". Il recommande en outre d'impliquer largement les familles, "sans attendre que les situations se dégradent", par exemple en les invitant dès l'école maternelle à des ateliers sur la santé des enfants.
Le rôle de "guichet unique" des MLDS doit être renforcé
Pour le Cnesco, la prévention a également à voir avec l'orientation qui, actuellement, ne donnerait pas suffisamment de perspectives à certains élèves. D'où l'idée d'expérimenter une "seconde indifférenciée, qui précède le choix entre voie professionnelle et voie générale ou technologique" et qui permette "aux élèves de découvrir plusieurs métiers".
Concernant le "raccrochage", l’État et les régions sont appelés à "diversifier les solutions apportées par les plateformes de suivi et d’appui : rescolarisation mais aussi préparation à l’alternance, service civique adapté, accompagnement socio-professionnel". Sans surprise, les enjeux d'évaluation et de coordination des différentes réponses sont mis en avant, le Cnesco préconisant de renforcer le rôle de guichet unique des missions de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS).
(1) Par le Cnesco et le Centre international d'études pédagogiques (Ciep), en partenariat avec le Centre de recherche en éducation de l'université de Nantes.