Formation professionnelle - Les régions et l'Etat, partenaires contre le décrochage scolaire
"Après deux secondes et deux premières au lycée, j'avais l'impression de faire du sur-place. C'est la découverte du monde du travail qui m'a donné l'envie de reprendre mes études au microlycée [structure de retour à l'école]", témoigne Guillaume, 22 ans, un baccalauréat mention bien en poche, aujourd'hui engagé dans un cursus de communication. Marie-Sarah, 18 ans, a, elle aussi, repris une scolarité par la voie de l'alternance après un parcours chaotique qu'elle se remémore : "J'ai commencé un CAP restauration qui ne m'a pas plu. J'ai été orientée vers des structures d'accueil qui m'ont trouvé des stages et d'autres expériences dans le milieu de la petite enfance. J'ai trouvé un patron qui m'a engagé pendant un an pour me faire passer le CAP." Ces deux témoignages de décrocheurs puis raccrocheurs du système scolaire illustrent l'objet du protocole d'accord national signé le 29 juillet 2015 entre l'Association des régions de France (ARF) et l'Etat concernant la prise en charge des jeunes sortants du système de formation initiale sans un diplôme national ou une certification professionnelle.
Pour répondre à l'enjeu du décrochage scolaire, le président de la République a fixé pour objectif de diviser par deux, d'ici 2017, le nombre de jeunes sortant sans qualification du système de formation initiale. Dans le cadre de la stratégie Europe 2020, l'engagement a été pris d'abaisser le taux de jeunes en dehors de tout système de formation et sans diplôme de second cycle du secondaire à 9,5% d'ici 2020. Pour parvenir à ces objectifs, un plan de lutte contre le décrochage a été décidé en novembre 2014. Il met l'accent sur la prévention du décrochage et sur la nécessité de renforcer les actions existantes, en particulier celle des plates-formes de suivi et d'appui aux décrocheurs (PSAD).
Coordination des actions
Ce plan s'articule avec le droit au retour en formation créé par la loi pour la refondation de l'école de juillet 2013 et la mise en place des services publics régionaux de l'orientation (SPRO) créés par la loi Formation du 5 mars 2014. En outre, cette loi confie aux régions, au 1er janvier 2015, la coordination et la mise en œuvre des actions de prise en charge des jeunes sortant du système de formation initiale sans diplôme ou qualification.
Le protocole signé par l'ARF et six ministères, dont celui de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, et le ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social vise à donner une nouvelle impulsion aux partenariats sur les territoires pour lutter contre le décrochage et à coordonner les actions des acteurs de la formation, de l'orientation et de l'insertion, notamment les missions locales, afin d'apporter aux jeunes ayant quitté le système éducatif, des solutions pérennes et adaptées à leurs besoins. Il résulte de réflexions menées depuis un an par les signataires au sein d'un groupe de travail ad hoc.
Le Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Cnefop) est le lieu où est présentée et débattue la stratégie interministérielle de lutte contre le décrochage. Il doit constituer en 2015 avec les comités régionaux (Crefop) un cadre global de partenariat pour assurer une concertation renforcée entre l'Etat, les collectivités territoriales, les partenaires sociaux et les opérateurs concernés.
Déclinaison régionale
Dès septembre, le protocole-cadre du 29 juillet sera décliné dans chaque région par une convention régionale triennale conclue par le préfet de région, le recteur et le président de région. Concrètement, la convention-type régionale mentionne au titre des engagements de la région la mission de coordination des actions de prise en charge des jeunes décrocheurs "en lien avec les autorités académiques". Ces actions s'appuient sur le réseau des PSAD. La région doit veiller à la cohérence et à la complémentarité des solutions proposées aux jeunes (formation sous statut scolaire, apprentissage, formation professionnelle). Elle peut également abonder le Compte personnel de formation (CPF) de chaque jeune décrocheur pour lui permettre d'accéder à des formations courtes de remise à niveau ou à des formations qualifiantes de plus longue durée. De son côté, l'Etat initiera des conférences de financeurs afin de mettre en visibilité la répartition des financements existants dédiés à la lutte contre le décrochage scolaire. Il mobilisera également des fonds européens.
Les opérations déjà engagées montrent que "des actions de raccrochage résolues réussissent", souligne Najat Vallaud-Belkacem qui salue dans ce protocole d'accord "un travail inédit qui va permettre aux régions et aux acteurs de proximité de placer l'action nationale au niveau du terrain". Cet accord et ses déclinaisons régionales doivent permettre de faire du "cousu-main pour favoriser le raccrochage". François Rebsamen estime pour sa part "essentielle" cette initiative et invite tous ses services à s'y engager "hardiment".
Pour François Bonneau, vice-président de l'ARF en charge de l'éducation et président de la région Centre-Val de Loire, cette convention est "importante". Il faut, dit-il, "lorsqu'il y a des hésitations dans les parcours, d'abord prévenir [le décrochage] en assouplissant les formes d'accueil dans l'éducation, et permettre au jeune de découvrir d'autres voies, notamment professionnelles, de manière dynamique (…). Nous parviendrons à l'objectif présidentiel de diviser par deux le nombre de jeunes sortant sans qualification si nous sommes innovants en matière de formation : il faut modulariser, individualiser". "Toutes les méthodes d'accompagnement renforcé portent leurs fruits (accueil plus ouvert des structures, accompagnement du jeune pour accomplir des démarches…)", témoigne de son côté, le député (PS) d'Indre-et-Loire, Jean-Patrick Gille, président de l'Union nationale des missions locales (UNML) invité à la signature de la convention.