Education - Décrochage scolaire : à l'Education nationale la prévention, aux régions la réparation ?
Le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, qui devrait être présenté le 22 janvier en Conseil des ministres (voir notre article du 7 janvier), présente la lutte contre le décrochage scolaire comme une compétence régionale. Il reviendrait aux régions de piloter la formation des décrocheurs et leur insertion professionnelle (article 11).
Dans les fait, elles le font déjà, assure Philippe Meirieu, président de la commission Jeunesse à l'Association des régions des France (ARF), vice-président de la région Rhône-Alpes, chargé de la formation tout au long de la vie. L'élu local est aussi professeur des universités en sciences de l'éducation (Lyon 2), ce qui lui a valu un accueil bienveillant par le public très "Educ nat" du séminaire du 8 janvier consacré à la lutte contre le décrochage scolaire (voir notre article du 8 janvier).
De la lutte contre le décrochage à un plan pour le raccrochage
Toujours est-il que, lorsque Philippe Meirieu a débuté son mandat en 2010, la région Rhône-Alpes avait déjà engagé un "plan de lutte contre le décrochage" qui faisait l'objet de "frictions institutionnelles", rapporte-t-il, car "les rectorats avaient du mal à voir dans la région un acteur de lutte contre le décrochage scolaire, domaine qui lui semblait revenir à l'Education nationale" Qu'à cela ne tienne, le plan qui lui a succédé se nomme "plan en faveur du raccrochage et de l'insertion vers l'emploi". Et ça change tout. Comme si une fois posé le principe des compétences de chacun, les mettre en commun était désormais possible.
"Il revient à l'Education nationale le travail sur la prévention, au quotidien, dans la classe, a déclaré Philippe Meirieu. Les régions ne sauraient lui discuter cette mission." Mais lorsque les jeunes décrochent tout à fait, ils disposent rarement "d'un lieu ou d'un cadre pour les accueillir", observe l'élu-pédagogue. "Ils sont parfois récupérés par les missions locales. Mais beaucoup se contentent de 'tenir les murs'", ajoute-t-il, en suggérant de "mettre en commun nos forces pour ramener ces jeunes vers la formation".
Un partenariat à mener "sans arrogance, loin de tout suffisance, avec détermination", a-t-il insisté. Faisant référence au mot d'ordre à la mode "Pédagogie de la bienveillance et de l'exigence" à pratiquer dans la relation enseignant-élève, il propose de l'appliquer dans la relation Education nationale-collectivités territoriales. "Dans le respect de nos compétences", bien entendu. Une intervention très applaudie.
"Dans la classe, tous les jours, heure par heure…"
Très applaudie également, l'intervention d'Anne Armand, inspectrice générale de l'Education nationale (Igen) et co-auteur du rapport "Agir contre le décrochage scolaire : alliance éducative et approche pédagogique repensée". Un rapport, daté de juin 2013, qui tend à montrer que les causes du décrochage scolaire ne sont pas "à chercher à l'extérieur de l'école" (précarité des familles, divorces des parents…) et qu'il est à combatte "dans la classe, tous les jours, heure par heure et parfois dès l'école primaire", a bousculé Anne Armand.
Bousculer, c'était d'ailleurs le but du séminaire, l'Education nationale ayant eu durant trop longtemps tendance à se chercher "des excuses" au phénomène du décrochage, nous a confié Jean-Paul Delahaye, directeur général de l'enseignement scolaire. "Notre système – et je l'assume – est un système qui produit aussi de l'échec scolaire. Il y a des causes sociales, il y a aussi des causes relevant de notre système scolaire", reconnaissait également Vincent Peillon dans son discours de clôture, rappelant sa volonté d'ouvrir de nouveaux chantiers d'ordre pédagogique sur la notation, le redoublement, l'orientation…
"On est passé en quelques années à une approche passive - l'élève responsable de son échec - à une approche active qui prend notamment en cause les facteurs propres à l'Education nationale", avait déclaré Jean-Paul Delahaye trois heures plus tôt en tribune, "d'où l'accent mis sur la prévention du décrochage".
Pour rappel, selon la définition retenue par l'Education nationale, les décrocheurs sont les élèves de 16 à 25 ans qui quittent le système de formation initiale sans avoir obtenu de diplôme professionnel ni le baccalauréat. En France, ils sont estimés à 140.000 en moyenne chaque année.