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Lutte contre l’artificialisation des sols : ce que contient le projet de loi Climat et Résilience

Après la rénovation thermique des bâtiments et les mobilités, troisième volet de notre série de décryptages thématiques du projet de loi Climat et Résilience : la lutte contre l'artificialisation des sols. Avec comme objectif de diviser par deux le rythme d’artificialisation sur la décennie à venir par rapport à la consommation des sols observée ces dernières années, le texte comporte de nombreuses mesures d'adaptation des règles d'urbanisme ainsi que des dispositions pour la protection des écosystèmes.

C’est l’autre volet très attendu du titre V intitulé "Se loger" du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Une vingtaine d’articles tournés à la fois sur la rénovation thermique des bâtiments pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 (lire notre article du 12 février) et sur l’occupation de l’espace dont l'habitat est responsable au premier chef.

Aujourd’hui, l’artificialisation des sols progresse d’environ 8,5% par an, soit une augmentation équivalente à un département français moyen en moins tous les dix ans, y compris dans les territoires en déprise démographique. Un phénomène aux conséquences délétères puisqu’il augmente les déplacements, éloigne des emplois et des services publics, accentue la vacance des logements et la perte d'attractivité des centres-villes mais aussi parce qu’il réduit les espaces naturels et agricoles, accroît la vulnérabilité aux risques naturels par ruissellement et provoque l’érosion de la biodiversité. Mettre la France sur la trajectoire de la "zéro artificialisation nette" nécessite donc de repenser l'étalement urbain "en plaçant la lutte contre l’artificialisation au cœur de l’aménagement du territoire", insiste l’exposé des motifs, et en première ligne "dans les schémas régionaux de planification et dans les documents d’urbanisme, dans la requalification des friches existantes, ou encore avec le frein au développement de zones commerciales en périphérie des villes, avec la réversibilité des bâtiments et le réemploi, le recyclage et la valorisation constante des matériaux en cas de démolition".

Pour cela, la loi se fixe un cap, partagé avec "les 150" de la Convention citoyenne pour le climat : diviser par deux le rythme d’artificialisation sur la décennie à venir par rapport à la consommation des sols observée ces dernières années. Une ambition qui suscite quelques inquiétudes chez les représentants des associations d’élus, qui attendent maintenant des explications et des précisions.

L’audition à l’Assemblée par la délégation aux collectivités territoriales, ce 17 février, de la ministre déléguée auprès de la ministre de la Transition écologique, chargée du logement, Emmanuelle Wargon, a permis de lever en partie le voile sur le modus operandi. Très active dans le groupe de travail interministériel constitué sur le sujet en juillet 2019, la ministre s'est prêtée au jeu, rappelant aussi les mesures complémentaires du plan de relance, et notamment le fonds de 300 millions d’euros pour la réhabilitation des friches, en lien avec les contrats de plan État-région (CPER), et auquel les zones d’activité économique (ZAE) sont éligibles. Et pour accompagner les élus dans leur effort de constructions denses, un dispositif, doté d’une enveloppe de 350 millions d’euros sur deux ans, qui prévoit le versement d’une aide forfaitaire à la commune pour tout mètre carré de surfaces de logement construit au-delà d’un seuil de densité pour les programmes d’au moins deux logements autorisés à la construction. 

En adaptant les règles d’urbanisme (chapitre III-articles 47 à 55)

  • Dispositions de programmation (article 47)

Pour introduire le chapitre relatif à la lutte contre l’artificialisation des sols, le texte détermine d’abord dans la loi un engagement programmatique pour aboutir à l’objectif "zéro artificialisation nette" (ZAN) fixé dans le cadre du "plan Biodiversité" présenté en 2018. Une ligne de mire associée à un objectif intermédiaire : diviser par deux le rythme d’artificialisation au cours des dix prochaines années par rapport à la décennie précédente. Le choix est fait "de travailler un moment de la trajectoire [réduction de 50% sur dix ans] et pas nécessairement la totalité", explique Emmanuelle Wargon, reconnaissant que les horizons à trente ou quarante ans "sont difficiles à tenir". 

  • Définition de la notion d’artificialisation (article 48)

Le projet de loi intègre également cet enjeu de lutte contre l’artificialisation des sols au sein des objectifs généraux de l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme -prévus à l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme - et définit le phénomène d’artificialisation, qui sera précisé par décret en Conseil d’État, en référence à l’atteinte à la fonctionnalité des sols. Une notion paradoxalement absente du code de l’urbanisme qui ne mentionne explicitement que "la lutte contre l'étalement urbain" et "une utilisation économe des espaces naturels", sans davantage de précisions.

L’action des collectivités devra globalement limiter l’artificialisation des sols et aboutir, à terme, à l’absence de toute artificialisation nette de ceux-ci, en recherchant l’équilibre entre les différents enjeux et priorités, que sont la maîtrise de l’étalement urbain, le renouvellement urbain et l’optimisation de la densité des espaces urbanisés, la qualité urbaine ainsi que la préservation et la reconquête de la biodiversité et de la nature en ville, et la protection des sols naturels, agricoles et forestiers. 

  • Déclinaison des objectifs dans la planification régionale (article 49)

Cette trajectoire avec un objectif chiffré de réduire d’au minimum de moitié l’artificialisation sur dix ans s’intégrera au niveau des documents de planification régionale, en particulier du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), avant d’être ensuite déclinée, aux niveaux intercommunal et communal, dans les documents infrarégionaux (schémas de cohérence territoriale - Scot, plans locaux d’urbanisme intercommunaux – PLUi ou carte communale et documents en tenant lieu), par lien de compatibilité.

Ce rapport de compatibilité, et non de conformité, permet de s’assurer du respect de l’objectif tout en l’adaptant aux besoins de chaque territoire, pour qu’il soit en adéquation avec les gisements fonciers mobilisables, avec les besoins de développement des collectivités et qu’il s’insère dans l’armature urbaine. L’option d’une échelle plus fine que celle de l’armature régionale (commune ou interco) a donc été écartée, "car cela signifiait que l’on était homothétique, c’est-à-dire que quel que soit la taille de l’EPCI, quel que soit son point de départ, on fixait une trajectoire de réduction partout pareille, ce qui n’est pas réaliste compte tenu de la diversité des territoires", explique Emmanuelle Wargon. "L’objectif est que ce soit discuté dans le cadre du Sraddet pour permettre l’effectivité de la mesure, cela ne veut pas dire que c’est au moins 50% de réduction dans chaque Scot et chaque PLU, la territorialisation peut supposer la définition d’une stratégie elle-même différenciée, c’est ouvert", insiste la ministre.

Le ministère souligne également que l’objectif de division par deux du rythme d’artificialisation des sols ne s’appliquera pas aux schémas d’aménagement régionaux (SAR), toujours en vigueur en outre-mer, et au schéma directeur de la région Île-de-France (Sdrif) compte tenu des spécificités locales. En revanche, l’objectif général de lutte contre l’artificialisation des sols devra y être repris et la trajectoire par tranche de dix ans élaborée "dans la négociation locale".

La mesure entraînera la modification d’un grand nombre de Sraddet "alors que ces documents, de création récente, viennent à peine d’être adoptés ou sont seulement sur le point de l’être", relève le Conseil d’État dans son avis. À ce jour, tous les Sraddet sont approuvés ou en cours de finalisation, sauf celui des Pays de la Loire qui est en phase d’élaboration. Le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) a également interpellé le gouvernement quant au délai de six mois, suivant la promulgation de la loi, laissé aux régions pour engager la modification de leur Sraddet, "ce délai étant insuffisant au regard de la complexité de cette procédure, certaines collectivités venant à peine d’adopter leur schéma". 

Certes, on ne part pas complètement de zéro. Les Sraddet doivent prendre en compte l’objectif de sobriété foncière, conformément à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Selon l’étude d’impact, plus de la moitié d’entre eux fixent déjà une trajectoire quantitative prescriptive réduisant le rythme d’artificialisation (à laquelle les Scot ou à défaut les PLU ou les cartes communales doivent être compatibles). Les autres (à l’exception de la région Auvergne-Rhône-Alpes) inscrivent au moins un objectif de réduction de l’artificialisation. 

Par ailleurs, le ministère ne ferme pas la voie à l’outil contractuel qui "peut effectivement apparaître comme un recours pour parvenir à un accord sur un objectif partagé, afin d’alléger la contrainte sur les délais et les mesures transitoires qui peuvent parfois induire des caducités, et donc avoir des conséquences disproportionnées par rapport à l’objectif initialement poursuivi". Des échéances sont en effet fixées pour la mise en compatibilité des documents d’urbanisme, "à défaut le Scot pouvant être caduc et les autorisations du droit des sols pouvant ne plus être délivrées dans une zone à urbaniser du PLU ou une zone constructible de la carte communale", relève-t-on dans l’étude d’impact. Les collectivités souhaitant ouvrir de nouveaux espaces à l’urbanisation devront par ailleurs démontrer l’absence de parcelle disponible pour leur projet dans l’enveloppe urbaine existante, en particulier de friches. 

  • Rapport annuel du bloc local (article 50)

Afin de pouvoir assurer la mise en œuvre et le suivi des actions que les collectivités se fixeront pour atteindre les objectifs de réduction, le texte prévoit la production d’un rapport annuel par chaque commune ou intercommunalité, rendant compte de l’artificialisation des sols pour l’année écoulée et donnant lieu à un débat devant l’assemblée délibérante. Ce rapport est transmis dans un délai de quinze jours suivant sa publication aux préfets de région et de département, au président du conseil régional, au président de l’EPCI dont la commune est membre ou aux maires des communes membres de l’EPCI compétent. 
Un décret en déterminera les conditions d’application, notamment les indicateurs et les données qui figureront dans le rapport. 

  • Intégration d’une densité minimale dans le dispositif partenarial de grande opération d’urbanisme-GOU (article 51)

Il est également prévu que la délibération instituant la grande opération d’urbanisme (GOU) dans le cadre d'un contrat de projet partenarial d’aménagement (PPA) entre l’État et les collectivités fixe un seuil minimal de densité, éventuellement décliné par secteurs. Pour rappel, cette délibération de l’EPCI est prise après avis conforme des communes dont le territoire est inclus en tout ou partie dans le périmètre de l'opération et avec l'accord du représentant de l'État dans le ou les départements concernés. "L’intégration d’un seuil minimal de densité permet de conduire des opérations avec des projets de construction et d’aménagement qui peuvent comprendre davantage de logements et/ou des locaux d’activités, voire renforcer leur mixité", tout en favorisant "le recyclage foncier, la revitalisation des cœurs de ville (petites centralités), la valorisation des friches, la réinvention des périphéries (zones pavillonnaire, zones d’activité économique) ou encore l’intensification de certains quartiers comme les quartiers de gare", remarque l’étude d’impact. 

  • Interdiction de nouvelles surfaces commerciales artificialisantes (article 52)

La mesure la plus emblématique du projet de loi est sans aucun doute le coup d’arrêt à la création de nouvelles zones commerciales périurbaines "qui artificialisent". Le texte complète les dispositions de l’article L. 752-6 du code de commerce, qui énumère les critères au regard desquels doivent être examinées les demandes d’autorisation d’exploitation commerciale. Il y énonce d’une part, un principe général d’interdiction de délivrer une autorisation pour une installation ou une extension qui engendrerait une artificialisation des sols et, d’autre part, organise pour les projets inférieurs à 10.000 m2 de surface de vente et "compensés" des dérogations au cas par cas.

La commission départementale d’aménagement commercial se prononce au vu d'une analyse d'impact du projet produite par le pétitionnaire à l'appui de sa demande d’autorisation. Il conviendra en premier lieu de démontrer qu’aucune friche existante en centre-ville ou à défaut, en périphérie, ne peut accueillir le projet (l’article L. 752-6 est inchangé sur ce point). Le projet devra en outre répondre à une série de critères, relatifs à l’urbanisation du secteur et à la continuité du projet avec le tissu urbain existant, à l’inscription du projet dans un projet de revitalisation du territoire ou un projet d’aménagement global, notamment si celui-ci introduit de la mixité fonctionnelle. Cette exception est également possible dans le cas d’une compensation prévue par le projet, permettant la re-naturation d’espaces artificialisés au moins équivalents au périmètre du projet artificialisant.
"Ces critères sont donc cumulatifs dans leur examen, mais pas dans leur respect : un projet particulièrement exemplaire en matière urbanistique et comprenant une proposition ambitieuse de compensation pourrait ainsi tout à fait être susceptible de bénéficier d’une dérogation hors d’un projet de revitalisation territoriale. A contrario, le respect d’un des critères seulement ne vaut pas dérogation", précise l’étude d’impact. 

  • Inventaire des zones d’activités économiques (article 53)

En complément, le texte charge les intercommunalités, compétentes en matière de développement économique, d’établir et d’actualiser au minimum tous les six ans un inventaire des zones d’activités économiques (ZAE). L’inventaire sera transmis aux autorités compétentes en matière d’urbanisme (Scot et PLU) et de programme local de l’habitat. Pour faciliter, sécuriser et accélérer les actions ou opérations de traitement et de requalification de zones d’activités dégradées, l’article dote le préfet et les autorités compétentes (maire ou président d’EPCI après avis de l’assemblée délibérante) de pouvoirs supplémentaires pour imposer des travaux d’office pour la réhabilitation des locaux vacants aux propriétaires dans ces zones situées dans le périmètre d’un projet partenarial d’aménagement (PPA) ou d’une opération de revitalisation du territoire (ORT). Une procédure actuellement prévue uniquement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). La condition selon laquelle les locaux en cause doivent compromettre " la réalisation d’une opération d’aménagement ou de restructuration de la zone d’activité" est reprise.

Au passage, le texte clarifie le régime juridique des associations syndicales de propriétaires, fréquemment utilisées pour revitaliser ces zones. Il lève toute ambiguïté sur la possible participation de personnes publiques à ces associations foncières (suite aux récentes décisions du Conseil d’État du 23 janvier 2020, n° 430192 et du 10 mars 2020, n°432555), en précisant que le recours à l'hypothèque légale pour favoriser le paiement des charges liées à l'ensemble immobilier ne s’applique pas "à ceux de leurs immeubles qui appartiennent au domaine public". 

  • Étude de réversibilité (article 54)

Il s’agit aussi d’inclure dans le code de la construction et de l’habitation l’obligation de réaliser une étude du potentiel de changement de destination et d’évolution des bâtiments avant certaines constructions (qui seront déterminées par décret) et avant toute démolition nécessitant un diagnostic déchets. Objectif : fournir aux maîtres d’ouvrage "un outil d’aide à la décision" leur permettant, lors de la conception d’un projet de construction, de démolition ou d’aménagement, d’identifier les potentiels de réutilisation et de devenir des bâtiments (développement de l’éco-conception) et d’éviter les démolitions intempestives, génératrices de déchets, au profit de réhabilitations/rénovations. 

"L’intérêt de prévoir une potentielle réversibilité ou évolution d’une maison individuelle en secteur diffus semble limité au contraire d’une importante opération d’aménagement en plein centre urbain", indique l’étude d’impact. Il reviendra donc au pouvoir réglementaire de préciser le périmètre d’application adapté et les compétences de la personne morale ou physique chargée de réaliser cette étude ainsi que les modalités de sa transmission au ministre chargé de la construction avant le dépôt de la demande de permis de construire. Pour les démolitions, il est apparu pertinent de s’adosser au seuil du diagnostic déchets (actuellement obligatoire pour les démolitions et réhabilitations lourdes concernant plus de 1.000 m2 de surface de plancher). 
Il est proposé de fixer l’échéance d’application de cette évaluation du potentiel de réversibilité et d’évolution au 1er janvier 2023, de façon à avoir un premier retour d’expérience sur la mise en œuvre de la RE2020

  • Renvoi à ordonnance (article 55)

Une habilitation à légiférer par ordonnance pour enrichir ce corpus est également prévue, notamment en adaptant les outils du code de l’urbanisme, tant en matière de règles générales que concernant les documents d’urbanisme, pour rationaliser l’ouverture à l’urbanisation, et atteindre les objectifs de consommation économe de l'espace, de lutte contre l'étalement urbain et l’artificialisation des sols. L’étude d’impact mentionne par exemple, la réduction du délai de réalisation d’un bilan des PLU ou l’organisation d’un dispositif de retour en zone naturelle, agricole ou forestière des zones à urbaniser n’ayant pas fait l’objet d’un projet d’urbanisation. L’habilitation permet également "d’étendre les possibilités de dérogation au PLU pour les projets sobres en foncier", notamment dans les secteurs les plus tendus, en dérogeant aux règles de constructibilité, de gabarit ou encore de stationnement. Et, à l’instar des documents de planification régionale et d’urbanisme, propose d’introduire "des objectifs de sobriété foncière" dans d’autres documents, comme le programme local de l’habitat (PLH) et le plan de mobilité. Le texte ouvre enfin la voie à une rationalisation des procédures d’autorisation prévues au titre du code de l’urbanisme et du code de l’environnement pour accélérer les projets sur des terrains déjà artificialisés dans les périmètres d’opérations de revitalisation des territoires (ORT), de grandes opérations d’urbanisme (GOU) ou d’opérations d’intérêt national (OIN). L’étude d’impact envisage ainsi "d’éventuelles adaptations ou spécificités, voire de simplifications quant aux procédures qui leurs sont applicables et les délais qui en découlent", mais "sans régression du niveau de protection de l’environnement ni du droit constitutionnel au recours", assure-t-elle.

Pour la protection des écosystèmes (chapitre IV-articles 56 et 57) 

  • Stratégie nationale des aires protégées (article 56)

Le projet de texte inscrit dans la loi les objectifs de la stratégie nationale des aires protégées, à savoir constituer un réseau d’aires protégées couvrant 30% du territoire national et des espaces maritimes sous souveraineté ou juridiction nationale. C’est aussi l’objectif quantitatif qui figure dans la nouvelle stratégie européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 (approuvée par le Conseil de l’UE le 23 octobre 2020) et dans le cadre stratégique post 2020 de la Convention sur la diversité biologique prévue en 2021. 

De premiers engagements avaient déjà été pris par voie législative afin de créer des espaces protégés en terre et en mer par le biais de l’article 23 de la loi Grenelle I du 3 août 2009. "Ces dispositions sont arrivées à échéance sans atteindre complètement leurs objectifs", reconnaît l’étude d’impact. Une stratégie unifiée "2020-2030" succédera aux deux stratégies distinctes qui gouvernaient les aires protégées des domaines terrestres et maritimes jusqu’à présent : la stratégie de création des aires protégées terrestres (SCAP) 2010-2020 pour la métropole et la stratégie de création et de gestion des aires marines protégées (SCGAMP) pour la métropole et l’outre-mer 2012-2020. Toutes deux ont globalement souffert d’un manque de portage politique et de moyens spécifiques adossés. 

Outre l’actualisation de la stratégie tous les dix ans, le projet de loi prévoit l’interdiction de la diminution de la superficie des aires entre deux révisions, en vertu du principe de non-régression en matière d’environnement.

  • Droit de préemption dans les espaces naturels sensibles (article 57) 

Le texte réintroduit par ailleurs dans le code de l’urbanisme les dispositions de l'ancien article L. 142-12 abrogé en 2016. La création d’un nouvel article L. 215-4-1 redonne aux titulaires du droit de préemption dans les espaces naturels sensibles la capacité d’exercer ce droit dans les zones créées par les préfets avant 1986 (c’est-à-dire avant l’entrée en vigueur de la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985 relative à la définition et à la mise en œuvre de principes d'aménagement instituant les espaces naturels sensibles). Y est associée une mesure de validation législative des actes d’acquisition par voie de préemption intervenus entre 2016 et l’entrée en vigueur de la future loi, tout en réservant le cas des décisions passées en force de chose jugée. "Cette suppression à partir du 1er janvier 2016 du droit de préemption dans les périmètres sensibles a en effet non seulement réduit les capacités des gestionnaires pour protéger la biodiversité et contribuer à l’atteinte des objectifs fixés par le gouvernement en matière de lutte contre l’artificialisation, mais elle a également fait courir des risques juridiques et financiers importants pour les établissements publics et collectivités concernés [départements, Conservatoire du littoral, EPCI]", relève l’exposé des motifs. En effet, entre le 1er janvier 2016 et un arrêt du Conseil d’État du 29 juillet 2020 (n°439801) confirmant la suppression de la base légale de ce droit de préemption, "de nombreuses opérations ont été menées sur cette base, par les conseils départementaux ou leurs délégataires, pour plusieurs millions d’euros", précise-t-il.

Pour ce qui concerne le Conservatoire du littoral, il est estimé, selon l’étude d’impact, que les actes d’acquisition par voie de préemption passés depuis 2016 représentent "une surface de 290 hectares et un coût d’acquisition de 4,5 millions d’euros". Comme l’ont également précisé plusieurs présidents de conseils départementaux par courriers adressés entre août et octobre 2020 au ministère, 39 zones de préemption (5.370 hectares) sur 91 sont notamment concernées dans la Manche, 59 périmètres de préemption (7.119 ha, soit 85% des surfaces classées en zone de préemption au titre de la politique des espaces naturels sensibles) dans le Pas-de-Calais et 43 zones de préemption répartis sur 37 communes dans le Finistère. 

 

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