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Lutte contre l'artificialisation des sols : une instruction gouvernementale appelle à la mobilisation des acteurs locaux

Le gouvernement a publié fin juillet une instruction aux services déconcentrés de l'Etat pour leur demander d'accompagner les collectivités territoriales dans la lutte contre l'artificialisation des sols et de contribuer à l'objectif "zéro artificialisation nette" inscrit dans le plan pour la biodiversité de 2018.

Quelques jours après la parution d'une note de France Stratégie et le lancement d'un groupe de travail sur la lutte contre l'artificialisation des sols (lire notre article), le gouvernement a publié fin juillet une instruction aux services déconcentrés sur "l'engagement de l'Etat en faveur d'une gestion économe de l'espace". Le document, paraphé par quatre ministres   - Julien Denormandie, chargé de la ville et du logement, Elisabeth Borne (Transition écologique et solidaire), Jacqueline Gourault (Cohésion des territoires et Relations avec les collectivités territoriales) et Didier Guillaume (Agriculture  et alimentation) – appelle au "renforcement de la mobilisation de l'Etat local pour porter les enjeux de lutte contre l'artificialisation des sols, appliquer les dernières mesures législatives prises en la matière et mobiliser les acteurs locaux".

Enjeux multiples

Dans l'optique de la mise en place du "zéro artificialisation nette du territoire à court terme" annoncé par le président de la République et inscrit dans le plan pour la biodiversité de 2018, l'instruction commence par en rappeler les enjeux à la fois environnementaux mais aussi économiques et sociaux. En moyenne, la consommation d'espace a représenté 27.000 hectares par an entre 2006 et 2016, "soit l'équivalent de 4 à 5 terrains de football par heure", souligne le document. "Elle engendre partout une perte de biodiversité, de productivité agricole, de capacité de résilience face au risque d'inondation, au changement climatique et à la précarité énergétique, une banalisation des paysages et en conséquence une perte d'attractivité, y compris économique, des territoires", poursuit-il. Et de lister les conséquences en chaîne de ce phénomène : augmentation des besoins en services de transport et de réseaux coûteux en investissement comme en exploitation, éloignement des centres-villes qui renchérit le coût de la mobilité pour les ménages et réduit l'accessibilité aux services publics. Sans oublier le risque de paupérisation des centres-villes, de hausse des logements vacants, de dégradation du patrimoine bâti.
Notant que ces sujets sont "au cœur des préoccupations gouvernementales et au cœur de l'actualité que traverse notre pays depuis quelques mois" – référence évidente à la crise des gilets jaunes -, l'instruction demande aux services déconcentrés de l'Etat d'agir "pour faciliter aujourd'hui et pour demain des projets de développement des territoires équilibrés, sobres en consommation d'espace, qui veillent à un meilleur usage des terres et préviennent la crise sociale".

"Accompagnement de proximité" des collectivités territoriales

Pour atteindre l’objectif de zéro artificialisation nette du territoire" dans les délais qui seront confirmés par le président de la République", il s'agit "dans un premier temps d'infléchir la consommation, puis de la stopper par un usage sobre de l'espace et par des actions de type compensatoire". Le gouvernement demande d'abord aux services déconcentrés "un accompagnement de proximité des collectivités territoriales" pour que les projets de développement des territoires intègrent le principe de lutte contre la consommation d’espaces. 
Ils devront ainsi veiller à ce que la lutte contre l’artificialisation soit bien prise en compte "dans les stratégies d’aménagement, lors de la définition des projets et lors de leur mise en œuvre". Leur intervention doit permettre de "faire émerger les projets et les opérations sobres et vertueuses en matière de consommation d’espace qui s’inspire de la démarche 'éviter, réduire, compenser' du code de l’environnement".  En outre, ils devront encourager "les projets ou les démarches visant la réhabilitation, la renaturation ou la désartificialisation de zones anthropisées" avec là encore une analyse des projets intégrant l’approche "éviter, réduire, compenser".

Mobilisation des nouveaux outils créés par la loi Elan

La mobilisation de l’ensemble des outils fonciers, réglementaires ou financiers à leur disposition, "y compris ceux des opérateurs concernés" est encouragée. "Il pourra s’agir notamment des nouveaux outils créés par la loi Elan - qui replacent le projet au centre des interventions de l’Etat - les projets partenariaux d’aménagement (PPA) et les grandes opérations d’urbanisme (GOU) ou les opérations revitalisation de territoires (ORT) - et permettent la réalisation d’opérations d’ensemble de renouvellement urbain", détaille l'instruction.
Il est demandé en particulier aux services de "participer activement à la réhabilitation du bâti existant en favorisant la mise en place d’ORT qui permet de rendre éligible le territoire au nouveau dispositif fiscal 'Denormandie dans l’ancien' conçu pour faciliter l’équilibre économique de ces opérations".  Ils devront aussi "lutter fermement contre les logements vacants". A ce titre, ils devront s'assurer de "la bonne circulation de l’information entre les services fiscaux et l’Anah" pour "identifier les biens concernés" et   "faciliter la prise de contact avec les propriétaires par les opérateurs de l’Anah ou des collectivités pour proposer des aides à la rénovation ou le dispositif 'louer abordable'". Il leur est aussi demandé de "porter une attention particulière à l’ambition des PLU en matière de densification des zones urbaines existantes" et d'"inviter les maires à utiliser les dispositifs de la loi Elan permettant d’accorder des bonus de constructibilité, notamment pour transformer des bureaux en logement". Ils devront présenter leurs orientations sur ces trois points sous trois mois.

"Sobriété foncière" dans les documents de planification

De même, en matière de planification, le gouvernement demande aux services déconcentrés de "dialoguer le plus en amont possible avec les collectivités pour les sensibiliser aux enjeux de sobriété foncière et discuter avec elles leurs hypothèses de développement".   "L’Etat doit être très présent dans le processus d’élaboration des documents d’urbanisme, qui sont par excellence des documents 'ensembliers' vers lesquels la plupart des composantes d’un projet de territoire convergent, souligne l'instruction. A cet égard, la note d’enjeu doit être l’occasion pour l’Etat de partager et argumenter sa vision sur l’avenir du territoire, qui doit permettre de concilier le développement humain avec des objectifs de protection : protection de l’activité agricole, de la biodiversité, de l’eau, etc…" 
Si, en dépit de cet accompagnement et du dialogue en amont et tout au long de la procédure, le document approuvé (Scot ou PLU, PLUi) devait aller à l’encontre d’une gestion économe de l’espace ou prévoir une densification insuffisante à proximité des secteurs desservis par les transports ou équipements collectifs, il est demandé aux préfets de "mobiliser tout l’éventail de leviers réglementaires" à leur disposition (de l’avis défavorable jusqu’à la suspension du caractère exécutoire du document) pour demander à la collectivité d’apporter les modifications jugées nécessaires. 
Enfin, en appui méthodologique aux préfets de département, il est demandé aux préfets de région de définir une stratégie régionale, articulée avec le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), fournissant "un cadre commun aux actions départementales permettant de garantir une égalité de traitement des porteurs de projet à l’échelle régionale". Les travaux des préfets de région pourront alimenter les différentes actions ministérielles du plan biodiversité et un bilan leur sera demandé d'ici 18 mois.

 

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