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Quimper - Ludovic Jolivet : "Nous avons besoin de retrouver une mixité sociale en centre-ville"

La Banque des Territoires invite, le 11 décembre à Poitiers, les 222 maires signataires d'une convention Action cœur de ville, le programme national de revitalisation des centres de villes moyennes. L'occasion pour les maires de venir partager leurs expériences. En amont de cette journée, Localtis interroge les élus afin qu’ils livrent leur vision du centre-ville. Aujourd'hui, Ludovic Jolivet, maire de Quimper (63.500 habitants), dans le Finistère, et président de la communauté d'agglomération Quimper Bretagne occidentale (100.000 habitants).

Localtis - La Bretagne a été assez précurseur sur les questions de revitalisation des centres-villes avec l’action de l’établissement public foncier et celle de la région. Quimper a d’ailleurs fait partie d’un programme de revitalisation de centres-bourgs. Qu’est-ce que le plan Action cœur de ville apporte de plus ?

Ludovic Jolivet - Le cœur de ville est un choix politique très fort de notre part. Historiquement, le Grand Quimper a été créé en 1960. À partir de cette date, le centre-ville n’a cessé de perdre des habitants, ces derniers sont allés chercher du confort et sont partis s’installer sur le plateau et les communes alentour. Aujourd'hui, le centre s’est paupérisé et on a besoin de retrouver une mixité sociale en cœur de ville, c’est-à-dire de faire venir des habitants qui ont plus de moyens financiers. Ce retour de population implique une réhabilitation des logements, avec la complexité qu’implique un centre-ville historique. Le programme de renouvellement urbain a déjà été une aubaine. De ce point de vue, Action cœur de ville est la reconnaissance de la justesse de nos choix.

Qu’attendez-vous de l’implication des acteurs du plan, notamment de la Caisse des Dépôts ?

Il est intéressant que la Caisse des Dépôts puisse venir en soutien à l’ingénierie, qu’elle contribue à trouver des solutions de financement. C’est le rôle de la Banque des Territoires. Les collectivités n’investissent pas plus, il s’agit de faciliter la tâche des investisseurs en les orientant vers les projets. Nous sommes des facilitateurs face à la complexité qui rebute un certain nombre d’investisseurs. Au contraire, si tout le monde regarde dans la même direction et qu’on a un alignement des planètes, comme c’est le cas avec ce plan, on va inciter les investisseurs à apporter de la valeur ajoutée en centre-ville. On mettra l’accent sur quantité de lieux emblématiques comme la galerie Kéréon, anciennement Dames de France, créée il y a trente ans et qui n’a jamais bien fonctionné.

Avec un taux de vacance de 7%, la situation commerciale du centre ne semble pourtant pas si mauvaise à Quimper. Quelle est votre priorité dans ce domaine ?

Ce que nous voulons c’est avant tout ramener du public en centre-ville.  L’attractivité du centre-ville ne marche que si les habitants reviennent y habiter. Ce qui implique tout d’abord de rénover l’habitat insalubre. Parallèlement, à travers le Scot, on a une politique très limitative vis-à-vis du commerce de périphérie :  on ne créera plus aucune zone commerciale. Il faut pour cela travailler à une échelle large. Quand Ikéa s’est installé à Brest, à Quimper, le magasin Fly l’a subi de plein fouet. Aujourd'hui, le problème est géré politiquement : nous ne sommes pas dans la course à l’échalote avec nos voisins.

Il est de plus en plus question de la concurrence du commerce en ligne, notamment d’Amazon. Est-ce que cet enjeu est pris en compte dans votre convention ?

Pas en tant que tel, mais c’est un point important. Toute la difficulté pour un commerce local est de raconter une histoire.  Commander sur Amazon est tellement facile. Pour rivaliser, les commerces doivent avoir un catalogue web, des showrooms… La création d’une site marchand ne coûte pas très cher aujourd'hui. Les commerces, notamment les librairies, doivent offrir le même niveau de service : livrer à domicile, avec des coursiers locaux, permettre de commander et aller chercher le produit en magasin… C’est sûr que c’est plus compliqué dans le textile. On constate aussi un vrai retour des métiers de bouche en ville : pâtisseries, salon de thé, boucherie, charcuterie… Et ils reviennent s’ils sont aidés par les politiques de stationnement.
Selon moi, les difficultés demain seront plutôt en périphérie. Les supermarchés réduisent déjà leurs surfaces, ouvrent de petites cellules commerciales… Le cœur de ville, lui, peut largement rivaliser. Amazon a une vision du monde. Les commerces doivent apporter la leur.

Vous avez évoqué le stationnement. Quelle est plus généralement votre politique en matière de transports ?

En 2014, nous avons mis en place la gratuité à partir de 17 heures. Ce qui a engendré un regain d’attractivité énorme en soirée : je le dis de manière un peu réaliste mais après l’école, les mamans vont chercher leurs enfants, ils vont en ville faire quelques courses, achètent une brioche… Cette mesure a permis de réamorcer la pompe. Nous avons également mis en place, le samedi matin, la gratuité des bus sur l’ensemble du réseau.  Cela a bien marché. Et depuis cet été, nous avons aussi une navette électrique Bolloré entièrement gratuite, qui fonctionne toute la journée. De manière générale, il faut rendre le stationnement facile. On a, par exemple, une application sur smartphone qui permet à l’utilisateur d’ajuster le délai de stationnement à distance lorsqu'il est en train de faire ses courses. C’est un outil innovant. Seulement, il faut aussi que les commerçants comprennent que plus c’est gratuit, moins il y a de rotation. Une place de stationnement payante, c’est sept véhicules par jour. Une place gratuite, ce n’est plus que 2 ou 2,5. Le tout gratuit n’est pas une solution. 

Et c'est aussi un manque à gagner… Justement, les investissements du plan Action cœur de ville auront-ils un impact sur la fiscalité locale ?

Non. Nous avons la volonté de ne pas augmenter les impôts. On voit bien avec tout ce qui se passe aujourd’hui en France, qu’il faut faire attention à cela. C’est à l’investisseur de faire les bons choix aux bons coûts.

Quimper vient d’être retenue parmi les 124 "territoires d’industrie". Faites-vous un lien entre la dévitalisation du centre-ville et la désindustrialisation ?

Tout d’abord, on constate aujourd'hui un déséquilibre entre l’est et l’ouest de la Bretagne, au profit de l’est. La polarisation sur des métropoles comme Rennes ou Nantes empêchent une irrigation naturelle de la Bretagne. La Cornouaille est par ailleurs marquée par le poids de l’industrie agroalimentaire. On est plutôt performants dans ce domaine à l’ouest, avec des entreprises comme Saupiquet, Monique Ranou ou Hénaff. Après-guerre, l’État et Bruxelles nous ont demandé de nourrir le peuple français. On l’a bien nourri.  Mais nous n’avons pas fait que de bons produits. Et on assiste aujourd'hui à une prise de conscience : l’industrie agroalimentaire doit produire mieux et changer de modèle. Seulement changer d’un revers de main conduit à fermer des activités et au chômage. Il faut arrêter de dénigrer l’industrie agroalimentaire. Il faut la réhabiliter.  Nous devons inventer les produits de demain, les couleurs, les goûts, la traçabilité... Pour redonner confiance, l’agroalimentaire doit absolument se réformer. Nous allons notamment travailler avec le CEA Tech (la direction du CEA qui travaille sur la recherche technologique industrielle, ndlr) pour réinventer les conditions de travail dans cette filière et la rendre plus attractive.
Dans cette optique, être reconnu comme territoire d’industrie, c’est important. Notre territoire a besoin de consolider sa vitalité industrielle. L’État met 1,4 milliard d’euros dans ce programme. Il s’agit de stopper l’hémorragie, de consolider l’industrie et aussi de faire revenir des activités. C’est le cas chez nous du constructeur de filtres pour poids lourds Cummins qui était parti en Turquie il y a dix ans et qui est en train de revenir, avec 40 emplois nouveaux à Quimper… Au-delà, il nous faut inventer de nouveaux produits et de nouveaux process afin d’avoir des produits plus compétitifs sur des marchés sans cesse élargis.

Qu’attendez-vous de la journée du 11 décembre et quel message avez-vous à faire passer ?

Je ne prétends pas à l’exclusivité. Comme beaucoup de mes collègues élus locaux, la reconquête du centre-ville est un des piliers de notre action depuis le début du mandat. Je constate avec plaisir que l’État et la Caisse des Dépôts nous soutiennent sur cette question vitale pour notre cadre de vie. Quand le cœur de la ville centre s’affaiblit, c’est tout le territoire qui en pâtit.  C’est pourquoi je suis convaincu que l’élan Cœur de ville a le vent en poupe et que cette dynamique se diffusera au sein des quartiers qui composent indissociablement la ville de Quimper.

 

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