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Congrès de Villes de France - Action coeur de villes : les maires demandent "agilité et souplesse"

Les 222 conventions du plan Action coeur de villes devraient toutes avoir été signées au 30 septembre, a assuré le gouvernement à l'occasion du congrès de Villes de France à Cognac, les 14 et 15 juin. L'Etat qui se voit en facilitateur veut à présent laisser les coudées franches aux élus. Ces derniers aimeraient que la loi aille plus loin dans la maîtrise des grandes surfaces, au moment où le Sénat vient d'adopter sa propre proposition de loi très interventionniste dans ce domaine.

"Nous avons co-construit ce plan Action cœur de villes, nous allons maintenant le faire vivre." Dans une courte vidéo diffusée en clôture du congrès de Villes de France, qui se tenait à Cognac en Charente, les 14 et 15 juin (voir ci-dessous notre article consacré aux autres thématiques de ce congrès), le Premier ministre, Édouard Philippe, a salué l’action "extrêmement précieuse" de l’association dans ce programme de revitalisation de 222 villes moyennes. C’est la "première politique spécifiquement dirigée vers une catégorie de villes depuis quarante ans", a-t-il insisté. "C’est à vous d’imaginer votre stratégie, c’est à vous de faire en sorte que lorsque cette stratégie rentre dans une grande politique nationale (…) nous puissions vous accompagner en mobilisant des financements nouveaux, en mobilisant des acteurs publics qui ont de l’expertise, des moyens." Lancé mi-décembre, le plan mobilise 5 milliards d’euros sur cinq ans et repose principalement sur la Banque des Territoires (Caisse des Dépôts), Action logement et l’Agence nationale de l’habitat.
La veille, le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, venu participer au congrès, a assumé ce ciblage vers les villes moyennes, qui constituent "des pôles de centralité absolument indispensables", "en synergie avec les territoires ruraux qui les entourent". Cependant, a-t-il ajouté, le gouvernement souhaite agir "en complémentarité" avec les régions et les départements qui ont parfois leurs propres dispositifs de soutien, à l’image du Grand Est qui vient de lancer son propre programme de revitalisation s’adressant à 37 villes, soit 13 de plus que celles retenues au titre du plan national.

Cinquième convention signée à Cognac

Le ministre a signé à cette occasion la convention Action cœur de ville de Cognac, la cinquième de la liste, après celles de Lunéville, Châlons-en-Champagne, Saint-Dizier et Beauvais - sachant en outre qu'une autre convention était signée le même jour à Saint-Michel-sur-Orge (Essonne). "Cinquante seront signées fin juillet et le 30 septembre, tout le monde aura signé", a assuré le ministre. Pour mettre en musique le plan, le ministre a réfuté toute idée de "nouvelle structure administrative". "Je veux que le dispositif soit simple", a-t-il martelé. Cette mission a été confiée à un préfet coordonnateur, Rollon Mouchel-Blaisot, ancien directeur général de l’Association des maires de France (AMF).
"La mise en place opérationnelle suscite quelques questions, quelques inquiétudes, certains maires se plaignant de ne pas être traités tout à fait à égalité par le préfet (de département)", a relayé Caroline Cayeux, présidente de Villes de France et maire de Beauvais, en clôture du congrès. L’association interpellera le préfet coordonnateur en cas de besoin et travaillera à la création d’une "plateforme" collaborative pour aider les villes dans leur action. Des avenants pourront être apportés à la convention tout au long du quinquennat, a aussi précisé Caroline Cayeux.
"Il apparaît maintenant nécessaire de préserver l'agilité et la souplesse voulue par les concepteurs de ce programme, et de promouvoir une bonne coordination de l'action des préfets au niveau national", souligne d’ailleurs une résolution adoptée par l’association lors du congrès. Les maires et les présidents d’intercommunalités "vont maintenant avoir besoin d’un Etat
facilitateur à l’égard des solutions initiées par leurs territoires". L’association invite aussi "les régions à participer avec enthousiasme à la réussite des projets de réhabilitation des centres-villes proposés par les maires dans ce cadre".

"En finir avec la culture de la périphérie"

L’association restera "vigilante". Elle attend du gouvernement "les simplifications normatives en matière de construction et d'habitat, la mise en place du cadre juridique pérenne des opérations de revitalisation des territoires", l’outil majeur du plan prévu à l’article 54 du projet de loi Elan (portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique) en cours d'examen. Elle souhaite aussi "de nouvelles mesures législatives pour maîtriser les effets parfois négatifs de la concurrence des grandes surfaces commerciales en périphérie de ville".
Ce sujet est au cœur de bien des débats depuis des mois. Il figure en bonne place dans la proposition de loi Pointereau-Bourquin instituant un Pacte national pour la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs que les sénateurs ont adoptée jeudi soir, dans un créneau on ne peut mieux trouvé. Les sénateurs considèrent que le plan national est trop restrictif alors qu’ils ciblent pour leur part 700 collectivités "en grande difficulté" (voir aussi notre article du 25 mai 2018). Ce pacte "vise à en finir avec la culture de la périphérie et à réguler l'e-commerce", a souligné Rémy Pointereau (LR, Cher).
En séance, les sénateurs ont adopté un amendement visant à "donner une base légale aux moratoires locaux à l’implantation de grandes surfaces" mis en place dans certaines villes. Le texte propose aussi l’instauration d’une taxe sur les parkings des grandes surfaces pour lutter contre l’artificialisation des sols. Un amendement adopté jeudi prévoit d’y inclure les entrepôts destinés au commerce électronique. La proposition de loi prévoyait déjà d’étendre les autorisations d’exploitation commerciale à ces mêmes entrepôts et d’en exonérer au contraire les commerces de petite taille situés en centre-ville. En séance, les sénateurs ont adopté d’autres amendements, notamment des crédits d’impôts sur les travaux de rénovation ou les intérêts d’emprunt pour l’achat dans l’ancien en centre-ville. Ils ont aussi souhaité autoriser les collectivités à subventionner les librairies indépendantes.
Depuis Cognac, Jacques Mézard a de nouveau appelé le Sénat "à la sagesse", tout en ouvrant la porte à certaines dispositions. "Nous sommes prêts au niveau du gouvernement à reprendre certaines propositions dans le projet de loi Elan", a-t-il dit. "Nous le ferons dans le cadre du dispositif que nous avons lancé."