Congrès de Villes de France - Réforme de la fiscalité locale, fonction publique... Villes de France pose ses exigences
L'association représentant les villes moyennes organisait ces 14 et 15 juin son congrès annuel, à Cognac. La réforme de la fiscalité locale et la modernisation de la fonction publique territoriale, deux chantiers ouverts par l'exécutif, ont occupé une place importante dans les débats. Villes de France a détaillé ses attentes dans ces domaines et échangé avec Olivier Dussopt, le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics, présent le premier jour.
Réunis ces 14 et 15 juin à Cognac pour leur congrès annuel, les élus de Villes de France ont fait entendre leur voix sur les principaux dossiers d'actualité de leurs villes et intercommunalités, en particulier les ressources financières et humaines nécessaires à leurs politiques et le plan Action Cœur de Ville dont les premières conventions ont été signées récemment.
A un mois de la troisième réunion de la conférence nationale des territoires, au cours de laquelle sera abordée notamment la réforme de la fiscalité locale, les élus des villes de 15.000 à 100.000 habitants et de leurs agglomérations ont redit "l'inquiétude" qu'ils éprouvent du fait de la suppression progressive d'ici 2020 de la taxe d'habitation, un impôt qui équivaut à "plus du tiers des ressources" de leurs collectivités, selon Caroline Cayeux, maire de Beauvais et présidente de Villes de France. Or les propositions que la mission présidée par le sénateur Alain Richard et l'ancien préfet Dominique Bur a remises le 9 mai dernier au Premier ministre ne sont pas en mesure de les rassurer pleinement.
Le scénario de la mission consistant à remplacer le produit de la taxe d'habitation par le transfert au bloc communal de la part départementale de la taxe sur le foncier bâti, avec en complément l'attribution d'un impôt national - "de préférence, pour Villes de France, la TVA" - "nous semble la solution la plus appropriée, pour ne pas dire la moins délicate pour nous", a déclaré Caroline Cayeux, à l'ouverture du congrès, jeudi.
"Pour une péréquation robuste et renforcée"
Contrairement à l'autre scénario - qui consisterait quant à lui à transférer aux communes et à leurs groupements uniquement une part d'un impôt national -, ce choix permettrait de préserver en grande partie l'autonomie fiscale du bloc communal, un principe cher aux élus de Villes de France.
Mais "le transfert de la taxe foncière des départements aura un impact très différent suivant les villes", a pointé Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse. Le président délégué de Villes de France, qui ne pouvait être présent à Cognac, est intervenu dans une courte vidéo. D'une manière générale, les communes se situant dans les départements où les recettes de la taxe foncière départementale sont plus élevées bénéficieront d'une plus grande part de compensation sous forme de taxe foncière. Pour les villes de plus de 20.000 habitants, et plus encore à partir de 50.000 habitants, cette modalité de compensation peut être pénalisante, dans la mesure où elle seront "sous-compensées". Villes de France l'explique dans une résolution "pour une 'refonte' responsable de la fiscalité locale", présentée lors du congrès (voir ci-dessous) : ces communes "auront davantage besoin de fiscalité nationale pour équilibrer leurs ressources", à l'inverse des communes rurales qui seront "surcompensées". Le transfert au bloc communal de la taxe foncière des départements rendra "indispensable" la mise en place d'"une péréquation robuste et renforcée, au niveau national", conclut l'association.
Le gouvernement entend parvenir à "un système juste, simple et efficace" en matière de fiscalité locale, a affirmé le Premier ministre dans un enregistrement vidéo diffusé vendredi, en clôture du congrès. La veille, le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics s'est voulu lui aussi rassurant, tout en étant plus précis. Il a fait remarquer qu'il est techniquement "plus facile d'imaginer" le transfert d'une part d'un impôt national vers 100 départements que vers "36.000 communes". Olivier Dussopt a par ailleurs indiqué que la concertation avec les élus locaux devra traiter de la question de la "compensation, territoire par territoire", de manière à ce que celle-ci soit "effective et dynamique". Les principes de la réforme seront "arrêtés au mois de mars ou avril 2019", a-t-il encore précisé.
"Donner plus de souplesse aux employeurs publics"
L'ancien maire d'Annonay (et ancien président de l'Association des petites villes de France) a aussi fait le point sur les contrats de maîtrise des dépenses de fonctionnement, qui concernent 80 communes de 20.000 à 80.000 habitants. "Nous demandons aux préfets de ne porter aucune appréciation sur la nature des dépenses de fonctionnement qui sont inscrites dans le contrat", a-t-il souligné. Il a aussi glissé qu'à deux semaines de la date-butoir fixée par la loi, "plus de la moitié des contrats ont été signés, ou ont en tout cas fait l'objet d'une délibération de signature".
En charge de la concertation qui doit conduire à la présentation d'un projet de loi sur la fonction publique au premier trimestre 2019, Olivier Dussopt a naturellement aussi évoqué cette question-là. "Nous ne voulons ni remettre en cause, ni encore moins supprimer le statut de la fonction publique", a-t-il affirmé, alors que plusieurs syndicats de fonctionnaires prêtent au gouvernement cette intention. "Nous devons travailler pour donner plus de liberté, plus de souplesse aux employeurs publics", a-t-il dit devant les élus locaux. Il a déclaré vouloir faire en sorte que la part variable de la rémunération des agents publics soit "une vraie part variable". Il a aussi confirmé l'intention du gouvernement de faciliter le recours aux contractuels dans les trois fonctions publiques.
Temps de travail des agents : respecter la durée légale
Autoriser des contrats de trois ans renouvelables une fois, non seulement pour des agents équivalents à la catégorie A, comme c'est le cas aujourd'hui, mais aussi pour des agents relevant des catégories B et C, faciliterait selon lui le recrutement de certains professionnels, comme les informaticiens. En outre, avec les "contrats de mission", le gouvernement entend permettre de recruter des compétences précises le temps de la mise en œuvre d'un projet (par exemple en matière de renouvellement urbain), a détaillé le secrétaire d'Etat. Des possibilités d'évolution spécifiques à la fonction publique territoriale feront l'objet prochainement d'une concertation avec les associations d'élus locaux, a-t-il aussi annoncé. Il a précisé certaines des pistes qui sont sur la table : la redéfinition de l'offre de formation, ou encore la remise en cause des accords locaux permettant à des agents d'avoir une durée de travail inférieure à 1.607 heures. Les employeurs publics locaux pourraient avoir l'obligation de réviser ces accords tous les cinq ans.
Auparavant, la présidente de Villes de France avait dit le souhait de son association de "prendre part au débat" sur "la modernisation de la fonction publique territoriale". Elle avait demandé que les élus locaux bénéficient de "plus de souplesse et d'autonomie", notamment en matière de recrutement et d'avancement.
Sur la revitalisation des centres-villes et le programme Action Cœur de ville, qui ont été au centre des débats de la matinée de vendredi (voir ci-dessous notre article de ce jour consacré à cette autre thématique du congrès), Villes de France a fait part de ses attentes dans une résolution. "Il apparaît maintenant nécessaire de préserver l'agilité et la souplesse [de] ce programme et de promouvoir une bonne coordination de l'action des préfets au niveau national", souligne notamment ce document.