Habitat - Loyers du secteur privé : tant qu'on ne pourra pas les encadrer avec Alur...
Le décret annuel d'encadrement des loyers a été publié cet été au Journal officiel, en application de la loi du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs. Le décret est applicable depuis le 1er août 2016 dans les 28 agglomérations définies dans son article 1. Selon la loi du 6 juillet 1989, il s'agit des "zones d'urbanisation continue de plus de 50.000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel". Concrètement, il s'agit des 28 agglomérations soumises à la taxe annuelle sur les logements vacants listées en annexe du décret du 10 mai 2013. Il s'agit précisément des communes des agglomérations de : Ajaccio, Annecy, Arles, Bastia, Bayonne, Beauvais, Bordeaux, Draguignan, Fréjus, Genève-Annemasse, Grenoble, La Rochelle, La Teste-de-Buch - Arcachon, Lille, Lyon, Marseille - Aix-en-Provence, Meaux, Menton-Monaco, Montpellier, Nantes, Nice, Paris, Saint-Nazaire, Sète, Strasbourg, Thonon-les-Bains, Toulon, Toulouse.
Un montant maximum d'évolution des loyers
Le décret fixe un montant maximum d'évolution des loyers des baux des logements situés dans ces communes. En l'occurrence, l'article 3 du décret précise que "lorsqu'un logement vacant fait l'objet d'une nouvelle location, le loyer du nouveau contrat de location ne peut excéder le dernier loyer appliqué au précédent locataire, révisé dans les limites de l'IRL, sauf si une révision est intervenue au cours des douze mois qui précèdent la conclusion du nouveau contrat de location". Des dérogations sont possibles en cas de travaux ou de loyer "manifestement sous-évalué".
Les modalités de cet encadrement de l'évolution des loyers sont également adaptées dans les cas où le préfet aurait arrêté un loyer de référence (toujours en application de la loi du 6 juillet 1989). Selon l'article 9 du décret, dans les communes où sont implantés des observatoires locaux des loyers, la révision ou la réévaluation du loyer, dans le cadre d'une relocation, ne peut excéder le montant du loyer de référence majoré, fixé par arrêté du préfet du département. Il est égal à un montant supérieur de 20% au loyer de référence.
Si tout s'était passé comme Cécile Duflot l'avait prévu, ce dispositif reconduit chaque année était destiné à disparaître avec l'application de la loi Alur et son dispositif "pérenne" d'encadrement des loyers, reposant sur l'instauration de loyers de référence fondés sur l'observation du montant des loyers sur un territoire donné, que seul Paris – et peut-être Lille - est en bonne voie d'adopter (voir nos articles des 26 et 27 juillet 2016).
Les loyers de marché ont augmenté de 0,5% sur les huit premiers mois de 2016
Lors de sa traditionnelle conférence de presse de rentrée, l'observatoire Clameur (*) s'est félicité qu'"après un début d'année morose, les loyers de marché ont augmenté de 0,5% sur les huit premiers mois de 2016", alors qu'à la même époque en 2015, ils reculaient de 1,4%. Pas de quoi se réjouir trop fort toutefois, puisque "depuis 2012, les loyers de marché ont augmenté de 0,2% par an, pour une inflation à 0,4% (Insee). Le décrochage était intervenu dès 2007 : depuis, la hausse des loyers se situe, en moyenne, sous l'inflation (loyers : + 1,0% par an et inflation : + 1,1% par an)". Selon l'observatoire, les loyers ont reculé en 2016 dans 44,7% des villes de plus de 10.000 habitants (voir aussi notre encadré ci-dessous).
Tout cela n'a pas empêché les locataires du parc privé de bouger. En termes de mobilité résidentielle, Clameur se félicite de "la reprise d'activité du marché locatif privé" qui selon lui "se consolide". "Après une année 2015 qui avait enregistré une progression soutenue (+ 11,4%), le nombre des relocations et des locations nouvelles a encore augmenté depuis le début de l'année : + 4,0% sur les huit premiers mois de 2016". Toutefois, Clameur est formel : "Les évolutions de la mobilité ne peuvent s'expliquer par les niveaux des loyers."
Mobilité résidentielle et vacance à la hausse
La progression de l'activité est la plus lente en Bourgogne (taux de mobilité résidentielle : 31,1%, soit +0.2% entre 2011 et 2016), Franche Comté (33,9%, +1%) et Rhône-Alpes (28,7, +0.7). Et elle recule toujours dans le Limousin (32,2%, -2,5%).
Elle s'élève dans la moyenne en Midi-Pyrénées (37,1%, +2,3%) et en Picardie (31%, +2.3). Ailleurs, elle augmente de près de 3%, voire plus en Aquitaine (38,5%, +3,5%), Centre (38,1%, +3,2%), Basse Normandie (40,1%, +4,8%) et Paca (31,8%, +5,9%).
La mobilité ne se redresse sur Paris "que depuis le printemps dernier, à 19,3% (sous sa moyenne de longue période qui est déjà particulièrement basse), retrouvant juste le niveau qui était le sien en 2009, durant la grande dépression". La situation de ce marché "reste tendue, compte tenu de la pression des demandes qui s'y présentent", souligne Clameur.
En dépit de cette reprise d'activité depuis 2015, la vacance a augmenté de 11,9% depuis son niveau de 2008. C'est mieux qu'en 2014 où la vacance avait augmenté de 28% par rapport à son niveau de 2008. Le niveau actuel de la vacance est de 5 semaines en moyenne. Pour les propriétaires bailleurs, il équivaut chaque année à une perte de 3,0% des loyers perçus. Pour les communes touchées, ce peut être le signe de la dévitalisation d'un quartier ou l'échec d'une opération d'aménagement.
Valérie Liquet
(*) L'observatoire Clameur (pour "connaître les loyers et analyser les marchés sur les espaces urbains et ruraux)" met à jour chaque semestre un tableau de bord qui analyse les évolutions intervenues depuis 1998 sur les marchés locatifs privés de 1.532 villes et EPCI de plus de 10.000 habitants, couvrant 95,9% du marché locatif privé de la Métropole. Il s'appuie sur un échantillon de 295.000 références, remontant de ses 34 adhérents (Foncia, Nexity, Groupe SNI, Century 21, SeLoger.com...), représentant 18,1% de l'ensemble du marché.
Les variations de loyer des villes concernées par le décret "encadrement"
Parmi les villes concernées par le décret du 30 juillet 2016 sur l'encadrement des loyers, il apparaît, selon l'observatoire Clameur, que Marseille, avec un loyer moyen de 12,1 euros/m2, a connu une hausse de loyer au m2 de 0,8% entre 2015 et 2016 après avoir baissé de -3,9% entre 2014 et 2015, et de - 0,8% sur la période 2013-2016. Bordeaux (12,9 euros/m2) a vu son loyer au m2 augmenter de 0,8% entre 2015 et 2016 et de + 1% sur la période 2013-2016. Nice (15,6 euros/m2) a vu son loyer au m2 augmenter de 0,7% entre 2015 et 2016, et de 1,3% entre 2013 et 2016.
Lille (13,2 euros/m2) a vu son m2 à la location augmenter de 0,3% entre 2015 et 2016, mais baisser de 0,3% sur la période 2013-2016. Les loyers de Grenoble (12 euros/m2) ont augmenté de 0.2% entre 2013 et 2016, ceux de Lyon (12,7 euros/m2) de 0,2%, ceux de Montpellier (13,4 euros/m2) ont baissé de 0,2%, ceux de Strasbourg (12,3 euros/m2) ont strictement retrouvé leur niveau de 2013 après avoir baissé de 2,3% entre 2014 et 2015, ceux de Toulon (10,7 euros/m2) ont baissé de 0,5%, ceux de Toulouse (11,7 euros/m2) ont augmenté de 0,3% mais ont baissé de 0,2% entre 2015 et 2016, ceux de Nantes (11,8 euros/m2) ont augmenté de 0,3% en trois ans et ont baissé de 0,9% entre 2016 et 2015. Dans les villes non soumises au décret "encadrement", les variations 2013-2016 seraient du même ordre : -0,1% pour Le Havre, +0,3% pour Rennes, +0., pour Le Mans, 0% pour Angers, -0,1% pour Nîmes, +0,3% pour Dijon, -0,8% pour Saint-Etienne, +0,6% pour Reims... A comparer, comme ne cesse de le rappeler Clameur, avec la hausse moyenne des prix à la consommation de +0,4%...
Pour la capitale, Clameur observe "un ralentissement des loyers dans tous les arrondissements", avec un découpage par période : + 5,4% par an de 1998 à 2006 ; puis + 2,7% par an de 2007 à 2012 ; et depuis 2013, + 0,9% par an avec + 0,3% en 2016. Les loyers du11ème arrondissement ont ainsi connu la courbe suivante : + 5,7% par an de 1998 à 2006 ; puis + 3,2% par an de 2007 à 2012 ; et depuis 2013, 0,0% par an avec - 0,3% en 2016.
V.L.