Loi sur le bien vieillir : quelles nouveautés pour les collectivités ?
La loi "portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie" acte la création du service public départemental de l’autonomie, pose les bases d’un dispositif de lutte contre les maltraitances faites aux adultes vulnérables, facilite le partage de données pour lutter contre l’isolement social ou encore attribue aux départements un financement pour le soutien de la mobilité des professionnels de l’aide à domicile. Le texte prévoit également l’adoption, avant la fin 2024 puis tous les cinq ans, d’une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge déterminant la trajectoire des finances publiques en matière d'autonomie des personnes âgées.
Après son adoption définitive à l’Assemblée nationale puis au Sénat, la loi "portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie" a été publiée au Journal officiel du 9 avril 2024. Composé de quatre sections et de 40 articles, ce texte aborde le pilotage de la prévention de la perte d’autonomie et la lutte contre l’isolement social, la lutte contre les maltraitances faites aux adultes vulnérables, le soutien aux professionnels de l’aide à domicile ou encore l’habitat inclusif.
Pilotage de la prévention de la perte d’autonomie
Une conférence nationale de l’autonomie "est organisée au moins tous les trois ans afin de définir les orientations et de débattre des moyens de la politique de prévention de la perte d'autonomie" (article 1).
Elle est composée de représentants de l’État, des départements, d’organismes de sécurité sociale, de gestionnaires d’établissements ou services sociaux et médicosociaux (ESMS), d’associations et de professionnels. Un décret de précision est prévu. Cette conférence nationale s'appuie sur les travaux de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et sur l’expertise d’un centre national de ressources probantes (adossé à la CNSA), qui est créé au même article de loi.Le service public départemental de l'autonomie (SPDA) est inscrit dans le code de l’action sociale et des familles (article 2).
Piloté par le département, le SPDA est composé également de l’agence régionale de santé (ARS), le rectorat d’académie, le service public de l’emploi, les ESMS, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), les organismes locaux et régionaux de sécurité sociale, maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et les antennes France services.
Le SPDA "facilite les démarches des personnes âgées, des personnes handicapées et des proches aidants, en garantissant que les services et les aides dont ils bénéficient sont coordonnés, que la continuité de leur parcours est assurée et que leur maintien à domicile est soutenu, dans le respect de leur volonté et en réponse à leurs besoins".
L’article détaille les missions du SPDA : accueil, information, orientation et "suivi dans la durée" des personnes ; "s'assurer de la réalisation par les services qui en ont la charge de l'instruction, de l'attribution et de la révision des droits des personnes âgées et handicapées, dans le respect des délais légaux" ; assistance aux professionnels intervenant auprès des bénéficiaires du SPDA ; actions de prévention. Un arrêté viendra établir le cahier des charges national fixant le "socle commun des missions" du SPDA.
Dans chaque département ou collectivité à compétence départementale, une conférence territoriale de l’autonomie est créée pour "coordonner l’action des membres du SPDA" et allouer des financements pour prévenir la perte d'autonomie (la conférence se réunissant alors sous le format de la commission des financeurs de la prévention de la perte d'autonomie) et pour soutenir le développement de l'habitat inclusif (réunion sous format "commission des financeurs de l'habitat inclusif pour les personnes handicapées et les personnes âgées"). Le département (ou la collectivité à compétence départementale) assure la présidence de cette conférence territoriale et l’ARS la vice-présidence. Le département et l’ASE "peuvent définir conjointement plusieurs territoires de l'autonomie", qui auront alors chacun leur commission compétente.
Les financements accordés dans le cadre de la commission des financeurs de la prévention de la perte d'autonomie doivent s’inscrire dans le cadre d’un "plan trisannuel définissant des axes prioritaires", reposant lui-même sur "un diagnostic des besoins des personnes âgées de soixante ans et plus résidant sur le territoire et d'un recensement des initiatives locales". L’article liste les grandes composantes du programme de financement : accessibilité et aides techniques pour le maintien à domicile, attribution du forfait autonomie, actions de prévention et de lutte contre l’isolement, etc.Est défini le rôle des équipes locales d'accompagnement sur les aides techniques, présentes dans chaque département (article 3).
Ces équipes pluridisciplinaires, "indépendantes de toute activité commerciale" doivent accompagner les personnes âgées et handicapées dans l’évaluation de leurs besoins, dans le choix et la prise en main des aides techniques et dans la définition des aménagements nécessaires du logement. Un décret définira le cahier des charges national que devront respecter ces équipes locales d’accompagnement.Le groupement territorial social et médicosocial est créé (article 6), pour permettre à des établissements et services "de mettre en œuvre un parcours coordonné des personnes âgées accompagnées" sur un territoire donné.
Les ESMS publics pour personnes âgées dépendantes, "à l'exception de ceux gérés par un centre communal ou intercommunal d'action sociale ou une collectivité territoriale", ont l’obligation d’adhérer à un groupement hospitalier de territoire ou à un groupement territorial social et médicosocial.La CNSA se voit doter par la loi d’une "mission nationale d'accompagnement, de conseil et d'audit", pour accompagner les départements, les MDPH et les maisons départementales de l’autonomie (MDA) sur la qualité, le contrôle interne et l’égalité de traitement des demandes (article 7).
Pour lutter contre l’isolement, l’article 8 prévoit la collecte par les maires de données (identité, âge et domicile) sur les personnes âgées et handicapées du territoire (sauf opposition de la personne ou de son représentant légal), ainsi que la transmission aux maires des données relatives aux bénéficiaires des allocations (APA, PCH, aides des organismes d’assurance vieillesse versées au titre de la perte d’autonomie).
Les maires peuvent transmettre ces données à leur centre communal ou intercommunal d’action sociale, aux services sanitaires ou ESMS du territoire pour informer les personnes de leurs droits, proposer des actions de lutte contre l’isolement sociale ou "organiser un contact périodique" dans le cadre d’un plan d’alerte et d’urgence."Un programme de dépistage précoce et de prévention de la perte d'autonomie des personnes âgées d'au moins soixante ans est mis en œuvre" (article 9).
"Avant le 31 décembre 2024, puis tous les cinq ans, une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge détermine la trajectoire des finances publiques en matière d'autonomie des personnes âgées, pour une période minimale de cinq ans.
Elle définit les objectifs de financement public nécessaire pour assurer le bien-vieillir des personnes âgées à domicile et en établissement et le recrutement des professionnels ainsi que les moyens mis en œuvre par l'État pour atteindre ces objectifs." (article 10).
Lutte contre les maltraitances et droits des personnes vulnérables
Le droit des personnes résidant en établissement à recevoir de la visite est inscrit dans la loi (article 11).
Est prévue la mise en place d’une "cellule chargée du recueil, du suivi et du traitement des signalements de maltraitance envers les personnes majeures en situation de vulnérabilité du fait de leur âge ou de leur handicap" (article 12).
L’article prévoit le signalement de faits de maltraitance à cette cellule, notamment via le numéro d’appel national. Pilotée par l’ARS, la cellule transmet ensuite les signalements, pour évaluation et traitement, aux autorités concernées : l’ARS, le représentant de l’État ou le département (voir notre article).Des dispositions (charte nationale, formation…) ont trait à l’accompagnement et l’encadrement des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (article 15).
Une procédure de contrôle des antécédents judiciaires des professionnels et bénévoles intervenant auprès de personnes âgées et/ou handicapées est prévue (article 16).
Soutien des professionnels
Une carte professionnelle sera attribuée aux professionnels intervenant au domicile des personnes âgées et/ou handicapées, si ces derniers disposent d’une certification attestant de leurs compétences ou s’ils peuvent justifier d’au moins trois ans d’exercice. Un décret doit préciser les modalités d’attribution de cette carte, ainsi que les avantages associés notamment en termes de déplacements (article 19).
Une aide financière annuelle sera versée par la CNSA aux départements pour permettre à ces derniers de soutenir la mobilité des professionnels de l’aide à domicile, mais aussi d’organiser des "temps de dialogue et de partage de bonnes pratiques" (article 20).
L’article 21 prévoit l’expérimentation, par dix départements, de la mise en œuvre d’une dotation globale ou forfaitaire pour financer les services autonomie à domicile, "en remplacement total ou partiel des tarifs horaires".
L’article 22 assouplit la réforme des services autonomie à domicile, en permettant à un service de soins infirmiers à domicile (Ssiad) de poursuivre son activité pendant cinq dans le cadre d’une convention ou d’un groupement.
L’obligation alimentaire des petits-enfants dans le cadre de l’aide sociale à l’hébergement (ASH) est supprimée (article 23). D’autres dispositions relatives à l’ASH figurent à l’article 24.
Le partage d’informations entre ARS, services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et conseils départementaux est facilité (article 34).
"Tout changement important" relatif à un établissement ou service soumis à autorisation doit être signalé à l’autorité compétente, au moins deux mois avant sa mise en œuvre. L’autorité peut alors s’y opposer par une décision motivée (article 35).
Les règles de sécurité s’appliquant à l’habitat inclusif sont celles des bâtiments à usage d’habitation ; "des règles spécifiques en matière de sécurité contre les risques d'incendie sont déterminées par voie réglementaire" (article 37). D’autres articles du texte portent sur l’habitat inclusif.
Référence : loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie, publiée au Journal officiel du 9 avril 2024. |