La PPL Bien Vieillir adoptée par les députés, des suites incertaines
De façon quasi unanime, les mesures de ce texte sont jugées utiles mais insuffisantes face à l’ampleur des défis liés au vieillissement. Par une motion de rejet, les députés socialistes ont dénoncé la probable disparition de la loi de programmation sur le grand âge qui avait été promise par Élisabeth Borne. La ministre en charge du vieillissement s’engage à organiser un "débat" autour de la gouvernance, de l’habitat intermédiaire et du financement, et à "en tirer toutes les conséquences législatives qui s’imposent".
Jusqu’au bout, la proposition de loi (PPL) "portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie" aura connu "un parcours législatif pour le moins sinueux", selon les mots d’Annie Vidal, sa corapporteure à l’Assemblée nationale. Après l’accord trouvé en commission mixte paritaire il y a une semaine (voir notre article), le texte a été adopté à l’Assemblée nationale dans la soirée du 19 mars, à 177 pour et 51 contre, à l’issue de vifs débats.
Sur la loi de programmation, "la confiance est rompue"
Portée par le groupe socialiste qui avait pourtant voté la PPL en novembre dernier (voir notre article), une motion de rejet préalable avait été auparavant rejetée par les députés. L’objet de cette motion : dénoncer le flou du gouvernement concernant la loi de programmation sur le grand âge qui, selon cette même PPL à l’ordre du jour, doit être adoptée au Parlement d’ici la fin 2024. En novembre 2023, c’est l’engagement clair de la Première ministre et de la ministre des Solidarités d'alors concernant la mise en œuvre de cette loi de cadrage qui avait motivé le soutien du groupe socialiste. "Malheureusement la confiance est rompue", a déploré Jérôme Guedj (socialiste, Essonne), dénonçant le "mépris" du gouvernement et la disparition du calendrier qui avait été présenté par Élisabeth Borne et Aurore Bergé (voir notre article).
Dans le contexte des coupes budgétaires annoncées par le gouvernement, les travaux de construction de cette future loi n’ont pas démarré en ce début d’année, même si la ministre en charge des Solidarités, Catherine Vautrin, a réaffirmé à plusieurs reprises l’engagement du gouvernement à ce sujet. "Nous vous prions de bien vouloir prendre dans les plus brefs délais un engagement solennel, associé à un calendrier précis, concernant le dépôt et l’examen de ce projet de loi relatif au grand âge", ont demandé ce 19 mars, dans un courrier adressé au Premier ministre, huit présidents de groupes de l’Assemblée et du Sénat (de gauche, mais aussi LR et Liot). "La PPL votée hier soir devait être un prélude à une loi grand âge dont Emmanuel Macron et Gabriel Attal ne veulent pas. Face au défi de 2030, la France procrastine…", commente également sur X Luc Broussy, qui anime ces jours-ci, avec son cabinet de conseil Planète grise, les Assises nationales des soins en Ehpad.
"D’autres textes suivront"
Saluant avec l’adoption de cette PPL "une première étape pour doter notre pays d’une véritable stratégie ‘grand âge’", la ministre déléguée en charge du vieillissement, Fadila Khattabi, assure dans un communiqué que "d’autres textes suivront". Devant les députés, elle a déclaré vouloir désormais avancer sur "trois priorités" : la gouvernance ("pour clarifier la répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales et notamment les départements"), le développement de l’habitat intermédiaire et le financement (en particulier pour répartir la charge entre l’État et la sécurité sociale). La ministre promet un "débat" au Parlement et "avec tous les Français" et s’engage "à en tirer toutes les conséquences législatives qui s’imposent". Plusieurs fois sommée par les députés de préciser ses propos, Fadila Khattabi évoque "des mesures législatives que nous pouvons préparer via les prochains projets de lois de finances".
La ministre cite plusieurs "avancées essentielles" contenues dans le texte qui vient d’être voté : la reconnaissance d’un droit de visite opposable en Ehpad, la possibilité encadré pour la personne de garder son animal de compagnie en Ehpad, l’attribution d’une carte de stationnement professionnelle aux aides à domicile à partir de 2025, l’aide de 100 millions d’euros pour mieux prendre en charge les frais de déplacement de ces aides à domicile, le renforcement du dispositif de lutte contre les maltraitances faites aux adultes vulnérables ou encore l’inscription dans la loi du service public départemental de l’autonomie (SPDA).
Dans un communiqué du 20 mars, l’Uniopss estime que, si "des mesures utiles, voire importantes" s’y trouvent, "cette loi ne répond en rien au cri d’alarme qu’expriment tous les acteurs non lucratifs, tout comme les structures publiques, toutes dans une situation de déficit budgétaire et de pénurie des métiers qui mettent en péril leur survie à court ou moyen terme". Le réseau souligne la nécessité "d’une vision pluriannuelle, organisationnelle et budgétaire, que seule une loi peut mettre en œuvre".
Prochaine et dernière étape pour la PPL Bien Vieillir : l’examen en vue de l’adoption définitive au Sénat, le 27 mars.