Insertion - Livre vert : les départements seront bien les pilotes d'un RSA élargi

Le haut commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté a présenté, le 3 mars, le livre vert consacré au revenu de solidarité active (RSA) et à la fusion des minima sociaux auxquels il se substituera. A cette occasion, Martin Hirsch a également présenté le site dédié à ce document et à la concertation qui doit accompagner sa finalisation. Fréquemment utilisée à l'étranger, la procédure du livre vert doit en effet permettre "au gouvernement de soumettre au débat public plusieurs options sur une réforme".
Le document d'une soixantaine de pages combine ainsi la présentation d'un certain nombre de points actés et d'une quinzaine de grandes questions pour lesquelles les choix finaux dépendront des résultats de la concertation. Au titre des éléments actés, le plus important - même s'il ne constitue pas vraiment une surprise - est bien sûr la généralisation du RSA. Bien que celle-ci ne soit pas formellement décidée, le contenu et l'esprit du livre vert et de la démarche qui l'accompagne sont clairement orientés vers une généralisation du dispositif. L'annonce d'un dépôt du projet de loi à l'automne vide d'ailleurs de son sens l'évaluation qui était initialement prévue avant une éventuelle généralisation. Autre point qui semble définitivement acté : les départements devraient avoir la responsabilité du RSA, mais le livre vert ne donne aucune information sur leur part dans le financement du dispositif. Le document confirme, en revanche, l'indiscrétion parue il y a quelques jours : la fusion des minima sociaux concernera le RMI, l'API - dont l'accompagnement vers l'emploi dans le cadre du RSA pourrait bien incomber aux départements - et l'ASS, mais pas l'AAH dont l'intégration est jugée trop compliquée au regard de ses spécificités. La prime pour l'emploi (PPE) devrait également être intégrée au futur RSA.
Le livre vert soumet à la concertation quinze questions en suspens, dont les réponses vont déterminer le périmètre et les modalités définitives du RSA, ainsi que le positionnement du curseur entre les 1,5 et 3,5 milliards d'euros de surcoût prévisionnel, après consolidation des coûts actuels du RMI (environ 6 milliards d'euros), de l'API (1 milliard) et de la PPE (4,2 milliards). Parmi les thèmes ouverts au débat figure notamment l'étendue de la marge de manoeuvre qui sera laissée aux départements dans la gestion du RSA. En d'autres termes, comment concilier l'égalité de traitement des bénéficiaires sur l'ensemble du territoire et les ajustements nécessaires pour tenir compte des situations et contextes locaux. Une solution pourrait résider dans la combinaison entre une prestation en espèces à caractère national et un complément local sous forme de prestations en nature (aides à la garde d'enfant, aux transports, au logement, etc.). Autres questions soumises à la concertation par le livre vert : le taux de cumul entre les revenus de la solidarité et ceux du travail, l'ouverture ou non du RSA au 18-25 ans (qui ne peuvent percevoir le RMI, mais peuvent bénéficier de l'API et de la PPE), le maintien de l'avantage spécifique des DOM (où un cumul entre 60% du RMI et un revenu tiré du travail est déjà possible durant deux ans), la prise en compte de l'avantage comparatif de l'API (pour que ses actuels bénéficiaires n'y perdent pas lors du passage au RSA), l'articulation entre le RSA et les exonérations de taxe d'habitation et de redevance audiovisuelle, la durée de perception du RSA, le renforcement des modalités d'accompagnement vers l'emploi (avec la possibilité d'instaurer une inscription obligatoire à l'ANPE), etc.
Tous les acteurs concernés sont invités à faire parvenir leurs propositions aux services du haut commissaire avant le 1er mai 2008. Les Français sont également invités à s'exprimer sur un forum ouvert, pour l'occasion, sur le site du Premier ministre. Ces réflexions compléteront celles des groupes de travail du Grenelle de l'insertion, qui travaillent sur le sujet depuis la fin de 2007, et celles du Conseil d'orientation pour l'emploi, saisi le 27 février. La synthèse de cette large concertation devrait être publiée avant le 15 mai et servira de base à l'élaboration du projet de loi.

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

L'ADF veut une remise à plat du financement
Dans un communiqué du 4 mars 2008, l'Association des départements de France (ADF) "prend acte" du livre vert, qui "fera l'objet d'une analyse approfondie" par ses services suivie "d'échanges au sein de ses instances collégiales" renouvelées après les cantonales. A ce stade, Claudy Lebreton, président de l'ADF, n'a pas d'objections de principe au contenu du livre vert. Il s'inquiète toutefois des "risques de télescopage" entre plusieurs projets lancés en même temps par le gouvernement : expérimentation du RSA, Grenelle de l'insertion et volonté de fusionner plusieurs minima sociaux. Il souligne en particulier le fait que l'annonce de la généralisation du RSA intervient avant de connaître le bilan de l'expérimentation et estime que "cette précipitation risque de multiplier les problèmes de mise en oeuvre dont certains sont déjà signalés dans le livre vert". Mais L'ADF entend surtout se montrer très vigilante en matière de surcoût et de financement. Pour Claudy Lebreton, "la question de la prise en charge du surcoût du RSA ne peut donc être envisagée sans une mise à plat complète et préalable des relations financières entre l'Etat et les conseils généraux".