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Réforme des collectivités locales - L'Institut de la décentralisation juge le rapport Balladur

Lors d'une conférence de presse, le 1er avril, les responsables de l'Institut de la décentralisation, organe pluraliste de réflexion sur l'organisation des pouvoirs locaux, ont distribué bons et mauvais points au rapport remis le 5 mars par Edouard Balladur, président du comité pour la réforme des collectivités locales.
L'élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires préconisée par le comité Balladur marque "le début d'une vraie ébauche de démocratisation des intercommunalités", s'est réjoui l'un des deux présidents de l'institut, Jean-Pierre Balligand, député de l'Aisne. Autre motif de satisfaction : la proposition du comité de créer par la loi onze métropoles au profit desquelles les conseils généraux concernés transféreraient leurs compétences - seulement dans les limites géographiques des métropoles. La mesure procède de l'idée que l'organisation des pouvoirs locaux peut varier d'un territoire à un autre. "C'est fondamental", a juste commenté le maire de Vervins. De telles métropoles "existent dans tous les pays d'Europe", a ajouté Adrien Zeller, l'autre président de l'institut. Tout en saluant cette proposition, il en a relativisé un peu la portée : "Il ne faut pas croire que la France se dotera de métropoles de taille européenne simplement en regroupant le département et l'agglomération." Car notre pays possède un "énorme handicap" : "la centralisation anormale des activités culturelles, scientifiques, économiques et administratives à Paris".
Les responsables du "think tank" s'accordent aussi sur ce qui constitue selon eux l'une des grandes absentes du rapport Balladur, l'idée de hiérarchie entre les collectivités locales, qui il est vrai nécessiterait une réforme de la Constitution pour sa mise en œuvre. "Le premier problème n'est pas le nombre de niveaux", [ndlr : "le millefeuille"] a déclaré Adrien Zeller. "Mais c'est l'absence de hiérarchie et l'absence de clarification." Instaurer une hiérarchie entre les collectivités locales et affecter aux régions une partie du pouvoir réglementaire de l'Etat semblent aux responsables de l'institut deux solutions préférables à l'instauration de collectivités "chefs de file", qui pourrait se révéler insuffisante.

 

Conseiller territorial : absurde ou rationnel ?

Au-delà de ces propositions, les responsables de l'institut sont divisés. Par exemple sur la clause générale de compétences des départements et des régions. Pour Adrien Zeller, il convient de la conserver, sinon les territoires connaîtront "le risque d'une régression des libertés locales" (le président de la région Alsace a longuement commenté son point de vue dans une interview qu'il a récemment accordée à Localtis). Discret sur ce sujet mercredi, Jean-Pierre Balligand s'est prononcé par le passé pour la suppression de la clause générale de compétences des départements (notre article de juin 2006: La clause générale de compétence en question).
C'est l'idée de regrouper les conseils régionaux et généraux par l'élection de conseillers communs, qui suscite le clivage le plus important. Pour Jean-Pierre Balligand, les deux institutions n'ont pas la même vocation : le département est tourné vers la "proximité" quand la région a besoin de "distance". Créer des conseillers territoriaux est donc selon lui "aussi absurde que de supprimer le bicaméralisme en France". Loin d'être "schizophrènes", les conseillers territoriaux seraient "en capacité d'agir pour une meilleure répartition des compétences des départements et des régions", répond Michel Piron, vice-président de l'institut de la décentralisation et député du Maine-et-Loire. "Ce qui est en jeu [à travers cette proposition], c'est la gouvernabilité de la France, rien de moins", souligne celui qui a rédigé en 2006 le rapport sur l'équilibre territorial des pouvoirs.
Maintenant que la concertation sur la réforme est lancée (notre article du 27 mars ), l'institut de la décentralisation appelle les politiques à dépasser le statu quo - "la pire des choses" - qui selon Jean-Pierre Balligand aurait entraîné l'enlisement des dernières réformes relatives à la décentralisation. "Chaque fois qu'il y a un texte sur la décentralisation, on est au milieu du gué. C'est bizarre. On dirait que les textes sur la décentralisation n'ont pas l'ambition qu'ils devraient avoir ou bien on est bloqué politiquement", a-t-il analysé. Le député de l'Aisne a pointé l'origine des blocages : "Quand on se lance dans les tractations avec les syndicats [quelque temps plus tôt il précisait qu'il s'agissait dans sa bouche des associations d'élus], on arrive au plus petit dénominateur commun." Adrien Zeller a considéré qu'il existait à l'Assemblée nationale et au Sénat "des mécanismes d'autoblocage redoutablement efficaces", évoquant notamment le cumul des mandats.

 

Thomas Beurey / Projets publics

 

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