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Patrimoine - L'inscription aux monuments historiques ne porte pas atteinte au droit de propriété

Dans une décision relative à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) du 16 décembre 2011, le Conseil constitutionnel valide les dispositions du Code du patrimoine relatives à l'inscription à l'inventaire des monuments historiques. En l'espèce, la QPC était soulevée par la société Grande Brasserie Patrie Schutzenberger - une brasserie indépendante fondée en 1740 à proximité de Strasbourg et mise en liquidation en 2006 -, dont plusieurs des bâtiments, jugés particulièrement représentatifs de l'architecture industrielle du 19e siècle en Alsace durant la période allemande, ont été inscrits au titre des monuments historiques par un arrêté du préfet de la région Alsace du 30 janvier 2008. Une décision qui rend nettement plus complexe la réutilisation de l'emprise et des bâtiments après l'arrêt de l'activité industrielle.
Dans son recours, la société faisait valoir que les dispositions du Code du patrimoine relatives à l'inscription à l'inventaire des monuments historiques (articles L.621-25, 27 et 29) portent atteinte à la fois au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et - dans la mesure où ils ne prévoient pas d'indemnisation au profit du propriétaire du bien inscrit au titre des monuments historiques - au principe d'égalité devant les charges publiques garanti par la même Déclaration. L'article L.621-27 du Code du patrimoine prévoit en effet que "lorsque les constructions ou les travaux envisagés sur les immeubles inscrits au titre des monuments historiques sont soumis à permis de construire, à permis de démolir, à permis d'aménager ou à déclaration préalable, la décision accordant le permis ou la décision de non-opposition ne peut intervenir sans l'accord de l'autorité administrative chargée des monuments historiques". Les autres travaux, dès lors qu'ils ont pour effet d'entraîner une modification de l'immeuble ou de la partie de l'immeuble inscrit, sont soumis à une simple déclaration préalable quatre mois avant leur réalisation, avec obligation pour l'Etat, s'il s'y oppose, d'engager une procédure de classement.

Pas d'atteinte disproportionnée au but recherché

L'argumentation du requérant n'a pas été suivie par le Conseil constitutionnel. La décision rappelle tout d'abord que "l'inscription au titre des monuments historiques vise la préservation du patrimoine historique et artistique ; qu'ainsi, elle répond à un motif d'intérêt général". Elle rappelle également que les dispositions du Code du patrimoine visant la préservation des immeubles qui "sans justifier une demande de classement immédiat au titre des monuments historiques, présentent un intérêt d'histoire ou d'art suffisant pour en rendre désirable la préservation" prévoient certes une servitude d'utilité publique sur les immeubles inscrits, mais n'entraînent aucune privation du droit de propriété et n'entrent donc pas dans le champ d'application de l'article 17 de la Déclaration de 1789.
Enfin, Le Conseil relève que la seule obligation faite au propriétaire d'un monument inscrit consiste à respecter les prescriptions de l'autorité administrative - soumises au contrôle du juge de l'excès de pouvoir - sur les travaux qu'il souhaite entreprendre. Le propriétaire reste libre d'entreprendre ou non des travaux (l'Etat ne peut imposer leur réalisation) ; il choisit librement les entreprises et peut bénéficier d'une aide de l'Etat pour le financement des travaux (jusqu'à 40% de la dépense effective). En outre, les travaux d'entretien ou de réparation ordinaires sont dispensés de toute formalité. Dans ces conditions, le Conseil considère "que les dispositions contestées ne portent pas aux conditions d'exercice du droit de propriété une atteinte disproportionnée au but recherché ; que cette atteinte ne méconnaît donc pas l'article 2 de la Déclaration de 1789 ; que ces dispositions ne créent aucune rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques".

Jean-Noël Escudié / PCA 

Référence : Conseil constitutionnel, décision n°2011-207 QPC du 16 décembre 2011, société Grande Brasserie Patrie Schutzenberger (Journal officiel du 17 décembre).

 

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