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Culture / Communication - Liberté de panorama : mobilisation autour de la loi sur la République numérique

Alors que le Sénat vient d'entamer l'examen en première lecture, jusqu'au 3 mai, du projet de loi pour une République numérique - après son adoption par l'Assemblée le 26 janvier dernier -, la question de la liberté de panorama se prépare à refaire surface. Il s'agit en l'occurrence de l'autorisation de photographier, dans l'espace public, et de diffuser des photos de monuments ou œuvres d'art couverts par le droit d'auteur.

Droit de photographier versus droit de propriété

On voit bien que la question oppose le droit de propriété intellectuelle de l'auteur de l'œuvre - ce qui englobe aussi bien la tour Montparnasse à Paris (!), l'éclairage de la tour Eiffel, l'aménagement de la place de Terreaux à Lyon, mais aussi quasiment tout aménagement urbain impliquant un architecte... - et la liberté de photographier et, plus largement, d'informer.
Face à un droit de propriété intellectuelle particulièrement verrouillé en France, un pas important a été franchi avec l'adoption, lors du passage du texte à l'Assemblée, d'un amendement autorisant la liberté de panorama, assortie toutefois de strictes conditions (voir notre article ci-contre du 27 janvier 2016). En effet, pour bénéficier de cette exception, il ne suffit pas que l'auteur des photos soit un "particulier", mais qu'il n'y ait aucune implication lucrative, même indirecte.
Le problème est que cette définition très restrictive a vite suscité des interrogations. Qu'en est-il, par exemple, d'une collectivité, qui n'a pas de but lucratif, mais dont le photographe ou le directeur de la communication peut difficilement être regardé comme un particulier ? La médiocrité de l'iconographie des sites de collectivités est d'ailleurs l'un des arguments utilisés pour réclamer une interprétation plus souple, compte tenu des conséquences en matière de tourisme.

Un compromis en commission de la culture ?

La commission de la culture du Sénat a apporté un début de réponse en faisant adopter un amendement. A la rédaction actuelle de l'exception - "Les reproductions et représentations d'oeuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence sur la voie publique, réalisées par des particuliers à des fins non lucratives" -, elle a supprimé l'allusion aux fins non lucratives et remplacé la fin de la phrase par "par des personnes physiques ou des associations constituées conformément à la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, à l'exclusion de tout usage à caractère directement ou indirectement commercial".
Cette rédaction règle - en principe - le cas d'une organisation comme Wikipedia, qui est souvent (avec le site dédié) la première porte d'entrée sur les collectivités françaises et souffre également d'une iconographie médiocre. Mais elle ne clarifie pas le cas des collectivités en tant que diffuseuses d'images de leur territoire.
Plusieurs sénateurs Les Républicains ont donc déposé un amendement - qui sera examiné en séance publique - faisant de l'exception de panorama la règle. Côté Socialistes, un amendement va dans le même sens, tandis qu'un amendement de David Assouline, vice-président de la commission de la culture, propose en revanche de revenir à la rédaction initiale de l'Assemblée. Seule certitude : le débat s'annonce à nouveau animé.

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : projet de loi pour une République numérique, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 26 janvier 2016, examiné en séance publique au Sénat du 26 avril au 3 mai 2016.