Communication - Dans un cadre professionnel, l'autorisation de la personne photographiée n'est pas indispensable
Un jugement du 27 août du tribunal d'instance de Saint-Denis, révélé par le site spécialisé dans le droit des nouvelles technologies Legalis, devrait rasséréner nombre de directeurs de la communication. Certes, il ne s'agit que d'un jugement de première instance, susceptible d'appel. Mais il est exemplaire et s'inscrit dans une tendance à l'œuvre depuis plusieurs années, après certains abus sur le "droit à l'image".
L'affaire concerne Jean-Philippe L., policier municipal à Mennecy (Essonne). En mars 2012, celui-ci est photographié à deux reprises alors qu'il participe à des journées d'échanges avec l'Ecole nationale de sûreté de la SNCF. En novembre 2013, l'intéressé se rend compte que les photos concernées ont été publiées, sans son autorisation, sur un site internet de la SNCF. Les photos sont retirées à sa demande, mais Jean-Philippe L. assigne la société aux fins de la faire condamner notamment à lui verser 5.000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi.
Vie privée, vie publique
Le requérant fonde son assignation sur l'article 9 du Code civil : "Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé."
Dans son jugement du 27 août 2015, le tribunal d'instance de Saint-Denis déboute Jean-Philippe L. et le condamne aux dépens. Il confirme certes que "le droit au respect de la vie privée permet à toute personne de s'opposer à la diffusion, sans son autorisation expresse, de l'attribut de sa personnalité qu'est son image, ce qui suppose qu'elle soit identifiée". Mais il rappelle aussi que la protection consacrée par l'article 9 du Code civil, "est celle de la vie privée, en sorte que ce n'est pas la méconnaissance de la vie professionnelle ou publique, mais exclusivement le non-respect de la vie privée, qui donne droit à réparation du préjudice éventuellement subi".
Les circonstances et l'utilisation de la photo dictent la réponse
Dans ces conditions, "lorsqu'elles n'excèdent pas l'activité professionnelle consécutive de la finalité de la captation des images litigieuses, les diffusions non préalablement autorisées ne sont pas constitutives d'une atteinte aux droits de la personne en cause". En l'occurrence, les photos ont été prises dans une salle de formation, ainsi qu'à l'extérieur du bâtiment en compagnie de cinq autres policiers municipaux et de deux formateurs. Elles ont ensuite été mises en ligne sur le site internet de la SNCF dédié aux actions de prévention et de sécurité.
Les débats à l'audience, en présence de l'intéressé, ont certes montré qu'il était clairement identifiable sur l'une des deux photos incriminées. Mais, "s'il est de principe que toute diffusion d'image est soumise à l'autorisation expresse de celui qui y est représenté, par exception cet accord n'a pas à être recherché, lorsque l'image diffusée a une visée informative, sous réserve de la dignité de la personne ou de la diffusion dans un but lucratif".
Uniquement pour la communication interne
Par ailleurs, "rien ne venait isoler personnellement Monsieur L. du groupe de ses collègues revêtus de leur uniforme professionnel représentés sur les mêmes photos, lesquelles n'étaient pas centrées sur sa personne mais sur un événement auquel il avait accepté de participer pour des raisons tenant exclusivement à sa vie professionnelle".
Le jugement est d'autant plus intéressant que le tribunal admet qu'en retirant les photos litigieuses de son site à la demande de Jean-Philippe L., la SNCF a reconnu implicitement qu'elle les avait diffusées sans son autorisation. Attention toutefois : le jugement de Saint-Denis, s'il n'est pas infirmé, couvre manifestement le cas de l'utilisation à visée professionnelle (communication interne). Il n'est pas sûr que la décision aurait été la même si les photos avaient été publiées, par exemple, dans le magazine "Grandes Lignes", diffusé dans les TGV.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : tribunal d'instance de Saint-Denis, jugement du 27 août 2015, Jean-Philippe L. c/ SNCF.