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Logement - Libération du foncier pour le logement social : au tour des hôpitaux

Après l'Etat, puis certains établissements publics disposant d'importantes emprises foncières (SNCF, RFF, VNF et RATP), c'est au tour des hôpitaux publics d'entrer dans le dispositif d'aliénation de terrains en vue de la réalisation de programmes de construction de logements sociaux. Deux décrets du 30 décembre 2014 mettent en place cette extension de périmètre.

Des règles particulières pour les hôpitaux

Le premier décret (n°2014-1741) adapte au cas des hôpitaux le dispositif mis en place par la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social. Cette loi prévoit notamment la possibilité d'une décote sur le prix de vente, pouvant aller jusqu'à une cession gratuite.
La principale adaptation du dispositif au cas des hôpitaux publics concerne la mise en place d'un plafond. Contrairement aux terrains de l'Etat ou des quatre établissements publics cités plus haut, la décote de cession des terrains privés appartenant à des hôpitaux ne peut pas dépasser 30% de la valeur vénale.
Ce plafonnement n'est toutefois pas systématique. Il s'applique uniquement aux cessions par des établissements hospitaliers publics dès lors que la situation financière de l'établissement concerné présente un endettement répondant à l'un au moins des trois critères fixés par l'article D.6145-70 du Code de la santé publique. Ces trois critères alternatifs sont un ratio d'indépendance financière (rapport entre l'encours de la dette à long terme et les capitaux permanents) supérieur à 50%, une durée apparente de la dette supérieure à dix ans et/ou un encours de la dette - rapporté au total des produits de l'établissement toutes activités confondues - supérieur à 30%.

Une intervention de l'ARS

En outre - et même si l'hôpital n'est pas concerné par ce plafond de décote de 30% - le décret prévoit également que "dans le cas des établissements publics de santé, ce montant de décote fait l'objet d'un avis du directeur général de l'agence régionale de santé. Cet avis est réputé favorable dans un délai d'un mois suivant la transmission par l'établissement concerné du montant de la décote".
Dans le même esprit le décret prévoit que l'inscription sur les listes régionales de mobilisation du foncier public, par le préfet de région, d'un terrain appartenant à un établissement public de santé est subordonnée aux avis conformes du conseil d'administration de l'établissement et du directeur général de l'ARS.
Le second décret du 30 décembre (n°2014-1743) est purement technique. Son article unique se contente en effet de rajouter "les établissements publics de santé" à la liste des quatre établissements publics (SNCF, RFF, VNF et RATP) figurant déjà à l'article 1er du décret du 18 octobre 2013 fixant la liste des établissements publics de l'Etat concernés par la cession avec décote. Sur un plan juridique, on peut d'ailleurs s'étonner de voir les établissements publics de santé figurer dans cette liste des "établissements publics de l'Etat", alors qu'il s'agit - pour la plupart - d'établissements publics locaux.

RFF aussi...

Il était difficile d'introduire un critère d'endettement pour les hôpitaux sans prendre en compte la dette colossale de RFF. Aussi le décret 2014-1741 instaure-t-il également d'office un plafond de 30% pour la décote éventuelle des terrains cédés par RFF.
Au demeurant, le lien ainsi officiellement établi entre la situation financière de RFF et de nombreux hôpitaux publics et la possibilité d'une cession avec décote significative a le mérite de poser la question de la logique économique de ces opérations. Confrontés pour la plupart à des difficultés économiques et/ou à des restrictions budgétaires, les hôpitaux et les autres établissements publics concernés ont peu de raisons de brader leur patrimoine foncier, même au profit d'une cause aussi légitime que la construction de logements sociaux.
Ce dilemme explique en partie le bilan décevant des cessions - la dizaine d'opérations réalisées à ce jour correspondant à des opérations déjà engagées avant la loi de 2013 -, comme vient de le confirmer le rapport d'information de l'Assemblée nationale sur le bilan de ce texte (voir notre article ci-contre du 3 décembre 2014). Une difficulté qui devrait également figurer au cœur du premier rapport d'activité de la Commission nationale de l'aménagement, de l'urbanisme et du foncier (Cnauf), que son président, Thierry Repentin, doit remettre le 7 janvier à la ministre du Logement.

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : décret 2014-1741 du 30 décembre 2014 relatif aux conditions d'aliénation des terrains du domaine privé des établissements publics de l'Etat, ou dont la gestion leur a été confiée par la loi, prévues à l'article L.3211-13-1 du code général de la propriété des personnes publiques en vue de la réalisation de programmes de construction de logements sociaux ; décret 2014-1743 du 30 décembre 2014 relatif à l'élargissement de la liste des établissements publics de l'Etat mentionnée à l'article L. 3211-13-1 du code général de la propriété des personnes publiques aux établissements publics de santé (Journal officiel du 31 décembre 2014).