Coopération - L'extension du dispositif Oudin aux déchets "devrait être maintenue"
Les sénateurs ont adopté à leur tour, le 26 mai, le projet de loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, par 212 voix contre une. D'après Annick Girardin, secrétaire d'Etat au Développement et à la Francophonie, auprès du ministre des Affaires étrangères, le texte devrait arriver en commission mixte paritaire début juin, pour être voté avant l'été. "Il y a des arbitrages à faire car le texte sorti de l'Assemblée nationale n'est pas le même que celui du Sénat, a-t-elle signalé, mais l'idée est d'aller vite." Le projet de loi, examiné dans le cadre d'une procédure accélérée, avait été adopté par les députés en février 2014.
Le texte fixe les orientations de la politique française en direction des pays en développement. Il comprend un article entier (9) sur l'intervention des collectivités territoriales, et notamment l'organisation de leur coordination. A l'heure actuelle, elles sont 4.800 à s'impliquer dans près de 12.000 actions dans plus de 140 pays.
Les sénateurs ont apporté plusieurs modifications dans ce domaine. Premier changement : l'extension du dispositif dit Oudin-Santini aux déchets. La loi Oudin-Santini du 9 février 2005 permet aux collectivités, aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et aux syndicats mixtes de l'eau potable et de l'assainissement de consacrer jusqu'à 1% de leur budget à des actions de coopération internationale ou des actions d'aide à des collectivités étrangères dans ce domaine. La mesure adoptée par les sénateurs consiste à étendre le dispositif à des actions liées au traitement ou à la collecte des déchets. Ainsi "les communes, les EPCI et les syndicats mixtes compétents en matière de collecte et de traitement des déchets des ménages ou percevant la taxe ou la redevance d'enlèvement des ordures ménagères peuvent mener, dans la limite de 1% des ressources qui sont affectées aux budgets de ces services, des actions de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire dans les domaines de la collecte et du traitement des déchets des ménages", précise l'amendement. La proposition, inspirée du rapport Laignel de janvier 2013, avait déjà été avancée par Jacques Pélissard, député UMP du Jura et président de l'Association des maires de France. Mais la mesure n'avait pas été retenue par les députés.
Plus de liberté pour les collectivités
"Tout le monde s'est félicité de cette disposition qui devrait être maintenue", assure Annick Girardin, interrogée par Localtis en marge de la présentation à la presse du projet de loi, le 27 mai. "Sur le 1%, le gouvernement a missionné une étude d'impact, dont les conclusions sont attendues. Dans un contexte d'augmentation des charges, seules les collectivités disposant de marges de manoeuvre financière peuvent s'engager dans une telle démarche", a également souligné la secrétaire d'Etat lors des débats au Sénat.
Autre changement apporté par les sénateurs : la liberté laissée aux collectivités territoriales concernant le choix de leurs actions. Dans l'objectif de mieux coordonner l'action des collectivités entre elles et avec celles de l'Etat, les députés avaient précisé que leur intervention devait s'inscrire "dans le cadre des priorités, des objectifs et des principes de la politique de développement et de solidarité internationale de la France énoncés à la présente loi", répondant ainsi au souhait du ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius. Mais pour certains, la disposition, issue d'un amendement de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, est choquante. D'après Michel Delebarre, sénateur PS du Nord, elle est même "contraire à l'esprit de la coopération décentralisée et aux fondements de la loi de 1992 qui en a jeté les bases". "On fait marche arrière !", a-t-il fustigé.
Les sénateurs ont donc souhaité rendre la liberté aux collectivités, mentionnant à l'article 9 que "les actions d'aide au développement que mettent en oeuvre les collectivités territoriales s'inscrivent dans le cadre de l'article 1er de la présente loi". Or, cet article 1er donne des indications sur les finalités de l'aide au développement mais pas sur les priorités, ni sur les pays à cibler. "Il y a eu un grand débat sur cette question et les sénateurs ont conclu qu'on ne pouvait pas imposer dans quel domaine devait s'impliquer chaque collectivité", précise Annick Girardin.
Une meilleure coordination entre les collectivités territoriales
Le projet de loi tel qu'adopté par le Sénat prévoit en revanche une meilleure coordination entre les collectivités locales, dans le cadre de la Commission nationale de la coopération décentralisée. "Tant de régions ignorent superbement ce que fait la région voisine dans une région voisine de tel pays avec lequel toutes deux ont engagé des actions de coopération !", a critiqué Nathalie Goulet, sénatrice UDI de l'Orne. Objectif de la démarche, comme l'explique l'exposé de l'amendement : "mieux coordonner pour mutualiser ces actions et leurs coûts." Les régions souhaitaient même pouvoir aller plus loin en matière de coordination et obtenir un rôle de pivot mais les sénateurs, tout comme les députés, n'ont pas tranché dans ce sens. "Les collectivités sont représentées au Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI), signale toutefois Annick Girardin. Elles vont siéger à l'intérieur de cette instance et pourront faire des propositions pour faire évoluer les choses."
Le texte adopté par les sénateurs donne aussi la possibilité aux collectivités de mener des actions annuelles ou pluriannuelles de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire. "Les collectivités mènent des actions ambitieuses sur plusieurs années. Cet amendement sécurise l'aspect comptable de la gestion des collectivités", a précisé Christian Cambon, sénateur UMP du Val-de-Marne et co-rapporteur.
Enfin, les sénateurs ont ajouté la nécessité de lancer des campagnes d'information sur la solidarité internationale des territoires. Des campagnes mises en place par l'Education nationale et les collectivités dans les écoles, collèges, lycées, pour sensibiliser dès le plus jeune âge l'ensemble de la population aux actions extérieures des collectivités. Durant les débats au Sénat, la secrétaire d'Etat s'est dite favorable à l'amendement en question, regrettant simplement que "l'action des autres acteurs ne soit pas mentionnée".