Développement - Coopération décentralisée : les collectivités locales vont franchir un nouveau cap
"On est passé du respect des collectivités de la part de l'Etat et de l'Europe comme experts dans le domaine technique à des discours où, pour la première fois, les collectivités sont considérées comme des partenaires et des acteurs qui peuvent élaborer des politiques en matière de développement." A l'occasion d'un colloque organisé le 17 décembre 2013 par la Maison européenne des pouvoirs locaux français (MEPLF) sur la place des collectivités locales françaises dans la politique européenne de développement, Michel Destot, député-maire de Grenoble et président de la MEPLF, s'est félicité des avancées réalisées dans ce domaine pour les collectivités locales. Celles-ci sont très actives en matière de développement et de coopération décentralisée. D'après les données de Michel Destot, 4.800 collectivités territoriales interviennent ainsi en France sur 12.500 projets dans 141 pays du monde. "Il y a une réalité concrète", a assuré le président de la MEPLF. Et d'un rôle d'experts techniques, elles sont en passe de gagner leurs galons d'acteurs à part entière. "C'est extrêmement important et cela va se traduire concrètement", détaille Michel Destot, faisant allusion au projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, présenté en Conseil des ministres le 11 décembre. "Il s'agit de la première loi sur le sujet", a souligné le ministre délégué chargé du développement, Pascal Canfin. Un article du texte sera dédié à la sécurisation des actions des collectivités dans les pays du Sud en matière de coopération décentralisée. "Nous allons réaffirmer cet élément dans la loi", a insisté le ministre, précisant que le texte, qui a été validé par le Conseil d'Etat, devrait être examiné mi-février 2014 par l'Assemblée nationale, en avril par le Sénat, avant d'être adopté avant l'été 2014.
Autre point positif : une augmentation des moyens financiers européens dédiés aux collectivités territoriales. Le programme intitulé actuellement "Acteurs non étatiques et autorités locales" va prendre le nom, pour la programmation 2014-2020, de "Organisations de la société civile et autorités locales", et son budget va être augmenté, passant de 1,6 à 2 milliards d'euros. "Cela va donner un élan pour les collectivités locales, on va voir le nombre d'actions largement augmenter", assure Michel Destot à Localtis. Les acteurs français dans leur ensemble (ONG, collectivités territoriales…) ont été les premiers bénéficiaires de subventions européennes pour leurs actions de développement en 2011 avec 186 contrats signés.
Un accès difficile aux fonds européens
Sur la période 2007-2012, 27 contrats de subventions ont été signés par des collectivités locales et associations de collectivités locales françaises, pour un montant total de 17,4 millions d'euros. Au total, le budget européen consacré à l'action extérieure s'élevait à 56 milliards d'euros pour la période 2007-2013. Il atteindra 58,7 milliards d'euros lors de la prochaine programmation 2014-2020, dont 19 milliards d'euros seront consacrés à la coopération au développement et économique, contre 17 lors de la précédente programmation.
La communication adoptée en mai 2013 par la Commission européenne va également dans le sens d'une reconnaissance du rôle des collectivités locales en matière de développement. "Plusieurs obstacles doivent être levés pour libérer le potentiel de développement des autorités locales, affirme le document. C'est dans cette optique que la Commission européenne réaffirme l'importance des autorités locales des pays partenaires dans la réalisation des objectifs de développement et qu'elle propose un engagement plus stratégique en faveur de leur autonomisation."
Reste que, dans la pratique, les collectivités territoriales, et notamment les plus petites, ont du mal à avoir accès aux fonds européens. Difficultés pour entrer en relation avec les délégations européennes à l'étranger, complexité des dossiers à monter, importance des contrôles et concurrence entre les régions du Nord pour obtenir ces aides font partie des aspects négatifs pointés du doigt par les collectivités. Par ailleurs, "les professionnels des collectivités territoriales connaissent encore assez peu la politique européenne de développement, surtout les petites et moyennes où il y a une méconnaissance des dispositifs mais également de la culture européenne et du fonctionnement des appels à projets", a expliqué Eric Recoura-Massaquant, directeur des relations internationales à la ville de Grenoble, et vice-président de l'Association des professionnels de l'action internationale et européenne des collectivités territoriales (Arricod). De ce côté, les choses s'organisent. Une plateforme, Platforma, a été créée en 2008, qui réunit des associations de villes et de régions. La plateforme coordonne leur voix auprès des institutions européennes. "N'hésitez pas à nous solliciter, nous sommes à votre disposition", a également lancé Michèle Striffler, députée européenne et vice-présidente de la commission Développement du Parlement européen, en allusion à tous les dossiers traités par les députés européens, pour le compte des collectivités en lien avec les institutions européennes. En France, le ministère des Affaires étrangères va proposer un accompagnement. Il compte mettre en place une cellule dédiée aux fonds structurels européens permettant d'aider les collectivités territoriales, et notamment celles qui manquent de moyens et d'expertise, à accéder aux financements européens. La cellule doit démarrer ses activités dès début 2014.