Archives

Communication / Elus - Les responsables d'un blog politique ne peuvent pas être anonymes

Publié par le site spécialisé Légalis, un jugement du tribunal de grande instance (TGI) de Caen apporte des précisions intéressantes sur les obligations des blogs à caractère politique. En l'occurrence, deux opposants au maire de Ouistreham (Calvados, 9.200 habitants), Monsieur Y. et Madame W., avaient créé un site et un blog quelques jours après l'élection municipale de 2014. Baptisé "Le Petit Bédouin", ce site était - selon la commune et son maire - "utilisé à des fins de propagande politique par l'opposition socialiste" et publiait "un blog ou journal contenant des articles visant la vie publique à Ouistreham et plus particulièrement sa municipalité, dont certains pouvaient être qualifiés d'abus à la liberté d'expression".

Un éditeur non professionnel ?

Constatant que le site et le blog ne comportaient pas les mentions permettant l'identification de l'éditeur, de l'hébergeur et du directeur de la publication, le directeur de cabinet du maire envoie un courriel à l'adresse mentionnée sur le site, "afin d'obtenir ces informations et pour qu'elles apparaissent sur ce site Internet".
Il se voit répondre que la rédaction du "Petit Bédouin", se considérant comme "éditeur non professionnel" du site, mentionne uniquement les coordonnées de l'hébergeur, conformément à l'article 6-III-2 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN). Devant le refus d'aller plus loin, la mairie saisit le TGI de Caen. Dans un long arrêt, celui-ci donne raison à la ville sur la question de l'anonymat.
Le jugement relève en effet que "les articles publiés visent, pour une grande partie, à transmettre des informations brutes, mais également des commentaires personnels et à forte connotation politique sur la vie et les événements survenus dans la commune de Ouistreham et sur les interventions et actes de son maire, Monsieur X., dans l'exercice de ses fonctions, ou encore des conseillers municipaux".

Les sites internet entrent dans le champ des publications de presse

De même, il apparaît que l'objet de l'association, créée après la mise en ligne du site et du blog, est, selon ses statuts, "la rédaction, l'édition, la publication et la diffusion d'articles satiriques, humoristiques, d'informations et/ou de documentations politiques, administratives, économiques, financières, artistiques, culturelles, touristiques et sportives sur la vie locale et la gestion communale de la ville de Ouistreham (Calvados), ou tout autre sujet ayant un lien avec la commune de Ouistreham, ceci par le biais de son blog ou de son site Internet ou de son compte Facebook ou de son compte Twitter ou tout autre service de partage ou réseaux sociaux".
Dans ces conditions, Monsieur Y., Madame W. et l'association "Le Petit bédouin", à partir de sa création en mars 2015, "qui ont la qualité d'éditeurs professionnels, ne se sont pas conformés aux exigences posées par la loi précitée du 21 juin 2004".
Pour justifier sa décision, le TGI de Caen s'appuie aussi sur la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse - et modifiant la célèbre loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse -, qui intègre les sites internet dans le champ des publications de presse, imposant par conséquent l'identification d'un directeur de la publication.
En revanche, faute d'avoir établi l'existence d'un préjudice subi, le maire et la commune de Ouistreham sont déboutés de leur demande de réparation.

Références : tribunal de grande instance de Caen, 1ère chambre civile, jugement du 9 avril 2018, M. X. et Commune de Ouistreham / M. Y., Mme W. et Association Le Petit Bédouin.