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Communication / Elus - On ne censure pas sans raison une tribune de l'opposition dans un support de collectivité

Dans le cadre d'un référé, le tribunal administratif de Pontoise a condamné la ville de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) pour avoir refusé de publier, dans l'espace dédié à l'expression des groupes politiques du magazine municipal "Info Levallois", une tribune du groupe divers droite jugée diffamatoire envers le maire de la commune, Patrick Balkany. Outre ladite tribune, la ville devra également publier, dans le prochain numéro de son magazine, un encart mentionnant la décision du tribunal administratif.

Une allusion à des affaires immobilières

La décision n'est pas nécessairement définitive : d'une part, s'agissant d'un référé, le tribunal administratif reviendra prochainement sur le fond de l'affaire ; d'autre part, la décision est susceptible d'être frappée d'appel. Elle n'en apporte pas moins des éléments intéressants sur un sujet de préoccupation récurrent (voir nos articles ci-contre).
En l'espèce, la tribune mettait en cause la Semarelp - société d'économie mixte d'aménagement de Levallois-Perret -, dirigée par Isabelle Balkany, épouse et première adjointe du maire. Le groupe divers droite - présidé par Arnaud de Courson, un adversaire de longue date du maire - s'étonnait notamment que l'intéressée ait "renoncé à exiger 15 millions d'euros au Cheikh Al Jaber, pourtant condamné à les verser depuis 2011". Cet homme d'affaires saoudien était à l'origine du projet très controversé et finalement annulé en 2011 des "tours de Levallois", deux gratte-ciel de bureaux de 164 mètres. Le maire et son adjointe mettaient notamment en cause un passage de la tribune rappelant que cet entrepreneur "est mis en examen pour des versements à hauteur de cinq millions d'euros ayant permis d'acheter un palais à Marrakech, aujourd'hui saisi par la justice française car ses principaux utilisateurs seraient les époux Balkany". Aux yeux des intéressés, il s'agissait là de propos "à caractère diffamatoire et outrageant", justifiant le refus de publication de la tribune.

Des textes "qui n'engagent que la responsabilité de leurs auteurs"

Dans le texte remplaçant la tribune censurée, le magazine municipal indique que "le directeur de la publication et la rédaction ont considéré qu'ils ne pouvaient procéder à la publication de cette tribune dès lors que celle-ci est susceptible de constituer une diffamation au sens de l'article 29 de la loi du 29 Juillet 1881, commise notamment à l'égard de la ville, de ses élus et de la Semarelp, conformément à la jurisprudence applicable en la matière et notamment à l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Nancy le 15 mars 2012 [...]".
La référence à cet arrêt - qui valide le refus de publication d'une tribune de l'opposition dans le magazine de la commune de Schiltigheim (Bas-Rhin) - semble quelque peu spécieux, dans la mesure où, en l'espèce, le règlement intérieur adopté par le conseil municipal définissait très précisément les limites à respecter dans les tribunes du magazine.
Dans son référé, le tribunal administratif ne suit pas cet argument et juge ce refus de publication injustifié. Il estime en effet que, dans le cadre de l'expression de la démocratie locale, "la commune ne saurait contrôler le contenu des articles […] qui n'engagent que la responsabilité de leurs auteurs". En tout état de cause, le maire de Levallois aurait pu - s'il s'estimait diffamé par le contenu de la tribune du groupe divers droite - saisir la justice pour tenter de faire condamner les auteurs, mais pas agir directement en censurant ex ante la publication de ladite tribune.