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Territoires - Les régions du Nord-Est en perte de vitesse

Le quart Nord-Est de la France semble cumuler les handicaps, selon un rapport de l'Observatoire des territoires remis au Parlement : moindre dynamisme démographique, vieillisement annoncé de la population, faible niveau de formation... Ce sont aussi les régions qui ont le plus souffert des effets de la crise.

L'essor démographique qui a permis à la France de passer de 60 à 64 millions d'habitants entre 1999 et 2009 s'est essentiellement concentré dans le Sud et l'Ouest et dans les grandes agglomérations, indique un rapport de l'Observatoire des territoires qui vient d'être remis par la Datar au Parlement. Sept régions ont contribué pour 60% à cette croissance démographique : Rhône-Alpes, Paca, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Aquitaine, Pays-de-la-Loire et Bretagne. D'une manière générale, l'écart se creuse avec le Grand Nord-Est, beaucoup moins dynamique, voire en décroissance en Champagne-Ardenne.
Les grandes aires urbaines comptent à elles seules trois millions de nouveaux habitants et occupent désormais un tiers du territoire national contre 20% dix ans plus tôt. Tout ceci a d'importantes conséquences sur l'aménagement du territoire. Avec ses 12 millions d'habitants, le Grand Paris est la seule grande aire urbaine par son poids et son intégration dans les grands réseaux de communication à pouvoir jouer dans la cour des grandes métropoles mondiales et européennes.

Allongement des trajets

L'autre phénomène majeur est celui du regain démographique des campagnes, ou plutôt des zones intermédiaires entre ville et campagne, phénomène général à l'exception de Champagne-Ardenne, du Limousin et de la Bourgogne. Ces communes dites "multipolarisées" ont accueilli 600.000 habitants en dix ans. Elles restent dépendantes des aires urbaines proches où 40% de leurs actifs se rendent chaque jour pour travailler. Conséquences : un allongement des trajets domicile-travail qui passent de 12 à 14,7 km entre 1994 et 2008 et un recours accru à la voiture. Si les transports en commun progressent en centre-ville depuis les années 2000, le trafic automobile, lui, a crû de 30% en quatroze ans dans les zones moins denses et les couronnes périurbaines. Principaux concernés : les ouvriers et les professions intermédiaires (instituteurs, infirmières, etc.). "L'absence de moyen de locomotion, ou les coûts y afférents, en particulier dans un contexte de renchérissement de l'énergie, fragilisent ainsi la situation sociale et économique des ménages à faible revenu", souligne la synthèse du rapport qui sera publié le 22 mars.
Autre impact direct de cet éloignement des villes : l'artificialisation des sols progresse, cloisonne les milieux naturels et menace la biodiversité. La construction de maisons individuelles est à elle seule responsable de la disparition de 400.000 hectares entre 1982 et 2004.

6% du revenu de l'Ile-de-France est redistribué

Le rapport analyse aussi le poids économique des différentes régions françaises. L'Observatoire des territoires s'intéresse en particulier au revenu par habitant. Ainsi, les départements d'outre-mer se situent en tête des régions françaises pour la progression de leur PIB par habitant. Mais le poids du chômage (20%) pèse à la baisse sur les revenus. Résultat : le revenu moyen par habitant est moitié moindre dans les DOM (12.000 euros) qu'en Ile-de-France (24.000 euros). A l'inverse, les écarts de revenus entre les régions s'atténuent, notamment vis-à-vis de la région capitale. Il faut dire que 6% du revenu de l'Ile-de-France sont redistribués aux autres régions françaises par le jeu des transferts !
Hors Ile-de-France, Rhône-Alpes et Paca se distinguent par une concentration d'activités, un niveau de PIB et une productivité largement supérieurs à la moyenne. Mais cinq régions ont connu une évolution rapide entre 2000 et 2008 avec de forts gains de productivité : Midi-Pyrénées, Bretagne, Aquitaine, Pays-de-la-Loire et Nord-Pas-de-Calais.
Viennent ensuite les régions fortement marquées par une économie résidentielle. C'est-à-dire les régions à dominante rurale qui tirent une partie de leurs revenus des retraités. C'est le cas de l'Auvergne, du Limousin, de la Basse-Normandie, du Poitou-Charentes, dont la part des revenus d'activité diminue au profit de revenus de transferts.
A l'opposé, les régions industrielles (Picardie, Lorraine, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Alsace) accusent un recul du PIB et de revenu par habitant. Le Languedoc-Roussillon constitue un cas atypique avec une forte représentation des métiers de la construction et de faibles gains de productivité.

Le modèle métropolitain n'est pas le seul

La crise de 2008 a accentué les écarts en frappant principalement les régions industrielles. Or ces régions sont aussi celles qui pâtissent d'un niveau de formation inférieur à la moyenne et qui sont fragilisées par un vieillissement de la population. Mais la dimension financière de la crise a aussi affecté "les économies locales fondées essentiellement sur les activités liées aux populations, notamment la construction de logements, en Languedoc-Roussillon et Poitou-Charentes par exemple", relève la synthèse du rapport.
Sur les vingt-cinq dernières années, l'évolution semble avoir donné raison à un certain modèle de développement, celui des grandes aires urbaines. Pourtant, certains départements ruraux comme l'Aveyron, la Lozère, le Lot ou la Corrèze tirent leur épingle du jeu, avec une croissance du PIB supérieure à la moyenne nationale. "Le modèle de type métropolitain n'est pas le seul permettant la croissance et le développement", en déduit l'observatoire.
Au regard de l'Europe, l'Ile-de-France reste de loin la première des 271 régions européennes en termes de PIB, avec 4,5% de la production européenne en 2008. Elle est aussi la première région d'Europe pour ses dépenses en recherche et développement qui atteignaient près de 7% du total en 2007. En termes de PIB par habitant, seulement trois régions françaises se classent au dessus de la moyenne : l'Ile-de-France, Rhône-Alpes et Paca. Mais seul Midi-Pyrénées dépasse l'objectif des 3% du PIB consacrés aux dépenses de recherche et développement fixé par la stratégie UE 2020 !