Congrès ARF - Les régions dénoncent le mille-feuille de l'Etat
Les régions qui tiennent leur congrès annuel à Caen les 4 et 5 décembre ont regretté d'être mises à l'écart des discussions sur la réforme territoriale. Selon elles, le vrai débat n'est pas le "mille-feuille territorial" mais la clarification des compétences. Elles demandent à l'Etat de montrer l'exemple.
Le comité Balladur sur la réforme territoriale doit remettre ses conclusions avant le 1er mars 2009 et pour les régions, "les débats sont très mal engagés". Elles sont arrivées à Caen, le 4 décembre, pour leur congrès annuel, persuadées que le gouvernement voulait les mettre à mal. Alors que les auditions du comité ont commencé, elles se plaignent de n'avoir toujours pas été consultées. Une inquiétude suffisamment vive pour venir bousculer l'ordre du jour initial qui devait être consacré à la formation professionnelle. Deux propositions de loi UMP sont venues ajouter un peu plus à la suspicion : l'une vise à faire élire les conseillers régionaux par les assemblées départementales, l'autre prévoit d'instaurer des conseillers territoriaux, à la fois conseillers régionaux et départementaux. Pour Michel Vauzelle, le président de la région Paca, le dessein est clair : "Il s'agit de faire disparaître les régions en les départementalisant". "On n'arrivera pas à nous opposer aux départements", a-t-il clamé, en écho aux déclarations du président de la République, la semaine dernière, au Congrès des maires.
Fusionner les régions ? Et les communes alors ?
Pour l'Association des régions de France (ARF), "l'avenir des régions et de l'ensemble des collectivités territoriales ne saurait être pris en otage par des considérations politiques et par une volonté de revanche sur le scrutin de 2004".
Les régions reconnaissent toutefois que la décentralisation est "au milieu du gué" et demandent un vrai débat sur la clarification des compétences, y compris entre l'Etat et les collectivités, estimant que les discussions autour du "mille-feuille territorial" n'est pas le vrai problème. "Nous engager dans un big bang territorial, ce serait le retour à la case départ", a déclaré le président de la ARF, Alain Rousset. "Dans ma région, l'Aquitaine, les recoupements entre départements et région représentent 5,74% du budget régional, ceux entre l'Etat et la région représentent 50% : c'est l'Etat qui maintient un millefeuille", a-t-il indiqué. Principale cible, donc : les doublons avec les services de l'Etat.
Selon lui, tous les pays d'Europe ont peu ou prou les mêmes échelons territoriaux, "la seule différence, ce sont les 37.000 communes" (sic). "Le gouvernement veut la fusion ? Chiche. Est-ce qu'il aura le courage de dire aux communes : vous êtes trois fois plus nombreuses que dans les autres pays ?", a-t-il poursuivi, ironisant sur la volonté de fusionner les régions. La semaine dernière, le président de la République avait en effet appelé de ses voeux "un mouvement expérimental et volontaire de fusion d'un certain nombre de régions qui le souhaiteraient".
Les élus régionaux réfutent l'argument de la taille des régions. "Il y a 43 Etats aux Etats-Unis qui ont moins d'habitants que l'Ile-de-France", a fait savoir Alain Rousset. Sur la question du rapprochement entre Basse et Haute-Normandie, souvent cité en exemple, Philippe Duron, ex-président de la première et maire de Caen, a expliqué que depuis 2004, une "culture de coopération" était à l'oeuvre mais que la fusion "ne se décrète pas" et "doit être voulue". A noter toutefois l'absence remarquée au débat d'Alain Le Vern, le président de la région Haute-Normandie, plutôt défavorable à la fusion.
Pour une conférence permanente Etat-région
Michel Vauzelle a par ailleurs opté pour la pédagogie auprès des habitants : il a annoncé la tenue "d'états généraux de la région" afin d'expliquer le rôle du conseil régional.
Dans le rôle difficile du médiateur, Adrien Zeller, le président UMP de la région Alsace, a tenté de temporiser les ardeurs de ses homologues socialistes. "Il existe des tentations mais pas de projet préparé. Le choix d'Edouard Balladur n'est pas la pire des solutions", a-t-il souligné. Il s'est en revanche étonné, par exemple, de l'annonce par Luc Chatel et Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie, d'un plan à 60 millions d'euros pour les éco-activités. "En Alsace, on le fait depuis trois ou quatre ans. Le moins que l'on puisse demander, c'est qu'il y ait une concertation sur ce sujet." Et de proposer une conférence permanente entre l'Etat et la région en lieu et place de la conférence des exécutifs.
Reste que les régions sont assez divisées sur les modalités. Certains présidents, Jean-Paul Huchon et Michel Vauzelle en tête, restent attachés à la "clause générale de compétence". Mais une majorité y est plutôt défavorable.
Michel Tendil à Caen