Les propositions des notaires pour un urbanisme durable

Dans la perspective du 120e congrès des notaires de France, qui se tiendra à Bordeaux du 25 au 27 septembre prochains sur le thème "vers un urbanisme durable : accompagner les projets face aux défis environnementaux", le Conseil supérieur du notariat met sur la table une série de propositions destinées à encourager des projets urbains respectueux de l’environnement dans le contexte d’urgence climatique. 

A l’occasion du congrès annuel des notaires, qui se tiendra à Bordeaux du 25 au 27 septembre prochains, le Conseil supérieur du notariat (CSN) propose une dizaine de pistes pour adapter le droit aux défis environnementaux, convaincre les différents acteurs et réaliser des projets urbains respectueux des principes de durabilité et sobriété. Car si le cadre légal de l’aménagement des territoires et de la construction "peut et doit jouer un rôle clé dans la transition écologique", les notaires reconnaissent également les limites des outils juridiques existants face à l’ampleur des enjeux actuels exacerbés par la crise climatique. Trois objectifs sont fixés, relève Marie-Hélène Péro Augereau-Hue, qui présidera l’édition 2024 : "répondre aux enjeux environnementaux du changement climatique, refondre l’urbanisme sur les bases du développement durable et permettre de mieux appréhender et mettre en relation droit de l’urbanisme, droit de l’environnement et droit de la propriété". 

Adapter les droits des bois et forêts

Pour répondre aux défis environnementaux, il est tout d’abord proposé de doter l’arbre d’un statut dans le code civil, en le présentant comme "un organisme vivant dont la préservation est d’intérêt général", reconnaissant ainsi ses multiples vertus (climatiseurs, réduction de la pollution atmosphérique, amélioration du cadre de vie, etc.). Et dans le même esprit, d’encadrer le droit du voisin de couper les racines et d’élaguer les branches empiétant sur sa propriété en le subordonnant à la démonstration d’un trouble anormal. Les notaires entendent également adapter les droits des bois et forêts. Pour favoriser une gestion la plus optimale possible face à un risque accru d’incendies, leur proposition s’appuie sur la notion de "biens communs". Sans toucher à la propriété, les préfets se verraient reconnaître la possibilité de définir des périmètres de gestion collective  permettant de regrouper les droits forestiers des terrains de moins de 20 hectares (seuil en dessous duquel le plan simple de gestion n’est pas une obligation). 

Renforcer l’information sur l’état des risques 

Près de 20% des côtes françaises sont en recul menaçant de disparition des milliers de bâtiments, souvent d’habitation, à horizons 2030, 2050 et 2100. La loi Climat et Résilience a posé les premiers jalons d’une politique d’adaptation des territoires aux évolutions du littoral en dotant les collectivités de nouveaux outils pour traiter des nouvelles constructions. "Mais la situation des bâtiments existants est peu abordée, sans doute pour des considérations financières. Prévenir sans guérir…", pointe le CSN. Il est donc proposé d’améliorer l’information légale en cas de mutation et d’anticiper l’intégration de la propriété dans le domaine public maritime, en offrant la possibilité d’une préemption ou d’un délaissement portant uniquement sur le sol et le tréfonds, conservant au propriétaire des bâtiments "un droit superficiaire temporaire", aussi longtemps que l’érosion le permettra. 

Le souhait du congrès est par ailleurs d’aller plus loin sur l’information sur l’état des risques et pollutions. "Certes, un document appelé 'État des risques et pollutions' doit être annexé à certains actes notariés. Mais ceux rencontrés en pratique sont souvent mal faits au regard des prescriptions légales. En outre, cet état porte sur les plans de prévention des risques et les zonages, avec les conséquences induites pour l’urbanisme. La nuance est de taille, mais il n’informe pas, ou si peu, sur l’état réel des risques auxquels un bien est exposé", constate le CSN. Pour les immeubles bâtis, la réalisation de ce document pourrait être confiée à un organisme dédié, type cabinet d’urbanisme disposant d’un agrément à cette fin. Autre recommandation : "légaliser la pratique notariale actuelle de l’information des parties au moyen du Géorisques, en permettant toutefois, de seulement annexer un reçu des parties attestant la remise d’un exemplaire du rapport". 

Maîtriser le foncier

Ce rôle revient aux établissements publics fonciers, "qui ne disposent pas à ce jour de l’agilité nécessaire pour mener à bien leurs missions". Le CSN suggère en particulier de définir le portage foncier et les opérations de proto-aménagement - qui inclut des travaux de préparation, tels que la dépollution, le désamiantage et la démolition - en le soumettant à un régime juridique spécifique en matière d’évaluation environnementale, et en sécurisant le portage foncier en soumettant ces opérations, si elles sont susceptibles de porter atteinte à l’environnement, à un diagnostic préalable. Il est de même envisagé d’offrir aux porteurs de projets plus de flexibilité dans la composition de l’assiette des autorisations d’urbanisme, sans se cantonner à l’unité foncière. Le projet urbain partenarial (PUP), "aujourd’hui sous-exploité ou mal utilisé", pourrait être également élargi à d’autres opérations telles que les opérations de renaturation et de désartificialisation. 

Clarifier et simplifier la compensation environnementale

C'est un autre axe de progrès, l’efficacité de sa mise en oeuvre étant "limitée", faute là encore d’un régime juridique adapté. Plusieurs pistes sont évoquées : supprimer les droits de préemption lorsqu’un terrain est acquis en vue d’y réaliser une mesure de compensation et permettre au maître d’ouvrage cédant son projet immobilier de céder le terrain également concerné par la mesure de compensation. Le CSN propose en outre la création d’un nouveau contrat constitutif de droits réels immobiliers, le bail emphytéotique environnemental, voire en dernier recours, d’ouvrir la possibilité d’une compensation financière via un fonds de péréquation à compétence nationale chargé de financer les mesures de gestion des aires protégées. 

S’adapter aux mutations des territoires

A commencer par le zéro artificialisation nette (ZAN) auquel il faut "donner de la souplesse" pour faciliter son acceptabilité et favoriser son déploiement sur le territoire. "Destiné à révolutionner l’acte de construire, le ZAN doit aussi s’adapter à la diversité des territoires et des projets et se libérer du contexte initial dans lequel il a été créé", plaide le CSN. Sa proposition repose sur la mise en place à l’échelle de chaque région d’un système encadré de réallocation entre collectivités territoriales des droits à artificialiser ouverts jusqu’en 2050. Le CSN s’attache aussi à développer des solutions concrètes pour accélérer la conversion des entrées de ville en quartier mixte et durable. A l’heure du ZAN, ces zones deviennent "un formidable gisement d’espace pour réaliser du logement qualitatif dans des quartiers mixtes et végétalisés", souligne-t-il. 

Pour faciliter le réaménagement foncier et inciter les propriétaires bailleurs à participer à la transformation des entrées de villes, il est entre autres préconisé d’adapter le régime des associations foncières urbaines (AFU). Toute une palette de solutions est exposée pour passer "d’un urbanisme de la construction" à "un urbanisme de la transformation", c’est-à-dire de réappropriation de l’existant. Et ce en jouant sur tous les tableaux : requalifier les habitats dégradés, surélever les villes, requalifier les friches, transformer les bureaux en logements, tout en créant des îlots de fraîcheur et en désimperméabilisant les sols. La bascule repose sur des mécanismes prescriptifs et incitatifs : "d’une part, la démolition de bâtiments doit pouvoir être interdite pour des motifs environnementaux ; d’autre part, les acteurs de la ville et les particuliers doivent être incités à préférer la transformation des bâtiments plutôt que leur démolition-reconstruction". Avec un volet incontournable pour les communes : "une réflexion globale sur la fiscalité locale doit être engagée sans délai". 

Enfin, il s’agit de "mettre l’environnement au coeur des projets immobiliers et d’aménagement" pour sécuriser les pétitionnaires. Avec deux idées maîtresses : systématiser l’exigence d’une notice et ou diagnostic environnemental pour toutes les autorisations d’urbanisme  ;  simplifier et sécuriser la situation des maîtres d’ouvrage, en délivrant, notamment, une autorisation unique. 

 

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