Mise en œuvre de l'objectif ZAN : l'AMF demande l'arrêt d'obligations "inapplicables" et un changement de méthode

S'appuyant sur les résultats de l'enquête qu'elle a lancée au printemps auprès de ses adhérents sur la mise en œuvre de l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN), l'Association des maires de France (AMF) a demandé ce 24 juillet l’arrêt des obligations issues du dispositif "qui ne pourront être respectées dans les délais impartis", ainsi que la redéfinition d’une méthode "rendant le dispositif plus cohérent sur les objectifs poursuivis et plus proche des dynamiques et des besoins locaux".

Parallèlement à la consultation lancée par le Sénat auprès des élus locaux (lire notre article), l'Association des maires de France (AMF) a lancé au printemps dernier une enquête sur la mise en oeuvre de l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) qui a recueilli 4.754 réponses (95% de communes et 7% d'intercommunalités). Ses résultats, dévoilés ce 24 juillet, illustrent une nouvelle fois les difficultés des élus à appréhender le sujet.

30% d'élus pas bien informés

Si une grande majorité des répondants s’estiment plutôt bien informés sur le dispositif en vigueur et sur les échéances d’intégration de la trajectoire ZAN dans les documents d’urbanisme plus de 30% ne se considèrent pas bien informés. En outre, un grand nombre d’élus appréhendent mal des dispositifs prévus par la loi (définitions des notions de consommation d’espaces, et d’artificialisation des sols notamment…). Une grande majorité des répondants constate des délais d’intégration trop courts pour les schémas et documents d'urbanisme, au regard du coût des procédures, du manque d’ingénierie, de l'instabilité et de la complexité des règles applicables… S’y ajoutent des calendriers inégaux d’évolution des SCoT et documents d’urbanisme en cours.

"Au niveau régional, l’intégration de la trajectoire, via les Sraddet, Sdrif, SAR et Padduc, semble encore majoritairement peu connue par les répondants, relève l'AMF. C’est notamment le cas des travaux en cours, des critères de territorialisation qui seront utilisés par la région ainsi que de leur échelle d’application (Scot, PETR, secteur spécifique infrarégional, etc.)."

Points de blocage à lever

L’intégration de la trajectoire dans les Scot, PLUi et cartes communales a déjà commencé pour 60% des répondants sans attendre la publication des Sraddet, dont la préparation s’effectue en parallèle avec les difficultés de mise en compatibilité en chaîne qui en découlent. Plus de 86% des élus interrogés déclarent n’avoir jamais décidé de surseoir à statuer sur une demande d’autorisation d’urbanisme concernant un projet qui pourrait compromettre l’atteinte des objectifs "ZAN".

Les points les plus problématiques identifiés par les élus dans la mise en œuvre du dispositif, sont en priorité :
• les modalités de décompte et de mutualisation de la garantie communale d’un hectare ; 
• la prise en compte des efforts passés dans la décennie (ou les 20 ans pour les Scot) ;
• les modalités de définition des projets susceptibles d’être mutualisés à l’échelle intercommunale ;
• la mise à disposition des données sur la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers ;
• l’appréciation divergente de l’État sur l’observation des consommations d’espaces passées et sur le rythme d’évolution des documents d’urbanisme et/ou leur périmètre pour se conformer à l’objectif ZAN ;
• les modalités de décompte des "coups partis", avant et depuis l’entrée en vigueur de la loi Climat et Résilience, ainsi que le besoin d’ingénierie et la prise en compte de la spécificité des territoires.

Des objectifs à clarifier

"Les élus constatent, encore à ce jour, l’absence d’une compréhension et d’une acceptation par les habitants de la loi Climat et des conséquences de la mise en œuvre du ZAN sur la densité et leur cadre de vie, relève l'AMF. Ils ont le sentiment également que le dispositif tel qu’il est appliqué reste défavorable pour les communes, notamment rurales, ayant peu consommé dans la décennie de référence (2011-2021), sans possibilité d’objectiver les efforts passés." 

Les élus souhaitent par conséquent "une clarification des divers objectifs poursuivis dans le cadre de la lutte contre l’artificialisation des sols et l’adaptation du dispositif à chacun d’entre eux : protection des terres agricoles, de la nature et des forêts et protection de la biodiversité." Ils demandent notamment de préciser le rôle joué par les jardins d’agrément privés et non imperméabilisés, les abords des équipements publics et les îlots végétalisés en ville, aujourd’hui en partie comptabilisés dans les sols artificialisés eu regard de leurs caractéristiques. "En effet, dans un contexte de nécessaire adaptation au changement climatique, il est indispensable que la démarche soit cohérente pour faciliter la renaturation des bourgs et centres-villes, en luttant notamment contre l’effet albédo (pouvoir réfléchissant d’une surface)", commente l'AMF. Les élus observent enfin l’incohérence entre l’objectif ZAN et le développement des installations d’énergie renouvelables bénéficiant de dérogations.

Quel modèle économique et financier ?

Selon une partie des répondants, il faut tout d’abord traiter la problématique des coûts liés au renouvellement urbain en secteur attractif qui ne sera plus équilibré par des opérations en extension urbaine. Il leur apparaît donc nécessaire aux de créer des outils de régulation du prix du foncier car à leurs yeux, l’application du ZAN sans modification du régime de propriété foncière et notamment sans modification des modes d’évaluation des terrains à préempter ou exproprier "contribue à renchérir le coût de ces acquisitions et à créer des rentes de situation pour les propriétaires de terrains artificialisés qui vont percevoir une plus-value qui découle des investissements publics auxquels ils auront peu contribué".

Pour certains répondants, la quasi-disparition de la fiscalité foncière locale, via les dispositifs d’exonérations, renforce "le côté aberrant et asymétrique d’une situation où le bloc communal subit sans ne plus pouvoir agir". Le manque d’acteurs dans les zones ne bénéficiant pas de dispositifs de défiscalisation est également un facteur de blocage des opérations. Enfin, les élus disent vouloir promouvoir de nouvelles formes de construction – qui intéressent les habitants - plus sobres et respectueuses des enjeux d’adaptation au changement climatique et de protection de la biodiversité qui bénéficieront de coefficients correcteurs dans le cadre du décompte des sols artificialisés (système d’incitation par exemple).

Demande d'assouplissement de la trajectoire dans les documents d'urbanisme

Sur la mise en œuvre des procédures d’évolution des documents d’urbanisme, les élus soulignent l’absence de souplesse sur l’échéance à 2031 avec l’impossibilité de reporter à ce jour sur la nouvelle décennie (2031-2040) les hectares non utilisés de la période 2021-2030 qui pourrait paradoxalement conduire selon eux à des surconsommations. En outre, estiment-ils, ce n’est pas compatible avec l’accueil d’opérations d’une certaine ampleur, comme les zones d’activités. Les délais pour l’aménagement de zones d’activités liés notamment aux études environnementales et le temps de commercialisation ne permettront pas d’engager de grosses opérations avant 2031, redoutent-ils. Le risque pour les communes est de ne pouvoir mobiliser suffisamment d’hectares consommables que pour l’habitat, au détriment de l’activité économique.

Enfin, les élus demandent le respect de la libre administration des communes et intercommunalités, s’agissant de leur compétence en matière d’urbanisme lorsque celles-ci souhaitent mutualiser leurs projets. En effet, souligne l'AMF, "il est constaté une démarche active de l’État déconcentré auprès des maires pour inciter au transfert de la compétence en matière d’élaboration des documents d’urbanisme à l’intercommunalité, sans délais suffisant pour se projeter sur un projet de territoire ni écrire une charte de gouvernance qui puisse être tenue après les élections de 2026".

"Les résultats de cette enquête alimenteront les propositions de l’AMF et pourront servir aux travaux parlementaires de suivi de la loi Climat, elle-même modifiée par la loi du 20 juillet 2023", indique l'association. "À cette fin et dans l’immédiat", son bureau demande "l’arrêt des obligations issues du dispositif qui ne pourront être respectées dans les délais impartis, ainsi que la redéfinition d’une méthode rendant le dispositif plus cohérent sur les objectifs poursuivis et plus proche des dynamiques et des besoins locaux".

 

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