Les propositions de l'AMF et du Meti pour concilier sobriété foncière et réindustrialisation
L'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) vient contrarier la volonté de réindustrialiser la France mettent en garde l'Association des maires de France (AMF) et le Mouvement pour les entreprises de taille intermédiaire (Meti). Les deux associations avancent plusieurs propositions dans le premier chapitre, consacré au foncier, de leur "initiative pour la prospérité locale", publié le 18 juillet.
Territorialiser l'approche du zéro artificialisation nette (ZAN) des sols en fonction de la densité territoriale ? Créer une dérogation pour les projets industriels d'excellence environnementale ? C'est ce que proposent le 18 juillet 2023 l'Association des maires de France (AMF) et le Mouvement pour les entreprises de taille intermédiaire (Meti) dans le premier chapitre de leur "Initiative pour la prospérité locale" consacré au foncier.
Cette initiative est destinée à proposer des solutions concrètes en matière de réindustrialisation sur les différents aspects concernés (foncier, simplification des procédures, transformation écologique, fiscalité locale de production, mobilité, formation, etc.). "Nous avons une conviction partagée, explique Alexandre Montay, délégué général du Meti, la réindustrialisation, l'enjeu d'aménagement économique du territoire, sont des sujets qui doivent partir du terrain alors qu'on est plutôt dans un pays qui fonctionne de façon nationale".
La première série de propositions sur le foncier intervient alors que le projet de loi Industrie verte est entre les mains des députés et que le Parlement vient d'adopter, le 13 juillet 2023, la loi facilitant la mise en œuvre de l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) intégré dans la loi Climat et Résilience du 22 août 2021.
Il faut 25.000 hectares pour de nouvelles usines
Pour l'AMF et le Meti, la raréfaction croissante du foncier est "incompatible avec les objectifs de réindustrialisation du pays". Et si l'objectif de sobriété foncière est partagé par tous, les modalités de mise en œuvre de la loi Climat et Résilience "entrent largement en contradiction avec l'objectif collectif de redynamisation du territoire par l'industrialisation", expliquent les associations qui signalent un phénomène de renchérissement du coût du foncier. "Tous les acteurs anticipent la rareté avant même l'entrée en vigueur du ZAN", signale le document qui constate dans certaines régions un doublement du prix des terrains situés en zones d'activité. Et la réhabilitation des friches industrielles n'est pas jugée suffisante. Elle représente par ailleurs des coûts de remise en conformité et de dépollution prohibitifs. "Pour recréer un million d'emplois industriels (sur 2,5 millions détruits depuis 40 ans), il faudrait dans les conditions actuelles 250.000 ha pour de nouvelles usines", détaille le document. Cela correspond à 5% seulement de l'artificialisation historique constatée en France et un quart des friches industrielles. "Il y a beaucoup d'estimations différentes, détaille Alexandre Montay, nous nous baserons sur les données du rapport de Rollon Mouchel-Blaisot sur le foncier dont les conclusions devraient être prochainement communiquées" (voir notre article du 17 juillet 2023).
Une gouvernance locale du foncier
Deuxième constat : il n'y aura pas de nouvelles implantations industrielles sans une appréciation des problématiques de disponibilité du foncier au regard des enjeux globaux d'aménagement du territoire. Car une implantation réussie se nourrit, au-delà du terrain, d'infrastructures, de services publics de proximité, de logements, de structures de formation, de crèches… Dans cette optique, l'AMF et le Meti proposent de créer une gouvernance locale du foncier, tant à l’échelon régional que communal et intercommunal, en intégrant pleinement les élus locaux dans la mise en œuvre des "projets d’intérêt national majeur pour la souveraineté́ nationale ou la transition écologique" prévus à l'article 9 du projet de loi. Dans sa version initiale, cet article avait suscité de vives craintes chez les associations d'élus (voir notre article du 16 mai 2023). Un point sur lequel Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, s'est montré relativement ouvert lors de son audition au Sénat fin mai (voir notre article du 1er juin 2023).
Autre idée : garantir une mise en œuvre souple du rapport juridique entre l'échelon régional et l'échelon communal concernant la mise en œuvre du ZAN. "Le projet de décret mis en consultation publique le 14 juin et portant modification du décret du 29 avril 2022 pourrait le permettre et il sécuriserait juridiquement et dans le temps l'intégration de l'objectif ZAN dans les différents documents d’urbanisme", indiquent les associations dans leur proposition. Deux projets de décret sont en effet en cours de consultation. Ils sont destinés à adapter les démarches pour la déclinaison des objectifs de gestion économe de l'espace et de lutte contre l'artificialisation (voir notre article du 15 juin 2023).
Les associations estiment aussi qu'il faut une approche différenciée du ZAN en fonction de la densité des populations "car c'est dans les zones les moins densément peuplées qu'ont vocation à s'implanter les entreprises". Une approche qui devrait être articulée avec la nouvelle définition du rural (voir notre article du 11 mai 2021) et s'inscrire dans le cadre du plan France Ruralités lancé par la Première ministre le 15 juin (voir notre article du 15 juin 2023) et de la réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR).
Une dérogation au ZAN pour des projets industriels d'excellence environnementale
L'AMF et le Meti proposent de créer une dérogation au ZAN au profit des projets industriels d'excellence environnementale : pour les nouveaux sites neutres en émission carbone par exemple ou les entreprises qui prennent des engagements ambitieux de compensation de leurs émissions. La proposition s'articulerait avec le standard triple E (Excellence environnementale européenne) en cours d'élaboration dans le cadre du plan Industrie verte. Ce label, qui pourrait s'appliquer à la commande publique, donnerait un avantage compétitif aux entreprises qui produisent en France (voir notre article du 4 avril 2023).
Enfin, l'idée d'inciter à la densification plutôt qu'à l'étalement urbain via par exemple un dispositif de bonification du décompte ZAN pour les projets favorisant la lutte contre le changement climatique, est envisagée, tout comme celle de rendre les changements de destination des friches plus simples. Une friche commerciale ou administrative pourrait ainsi se transformer facilement en site industriel.
Concernant l'initiative portée par l'AMF et le Meti, une deuxième slave de propositions, consacrées cette fois-ci à l'attractivité et à la compétitivité, devrait intervenir à l'automne, au moment des discussions sur le projet de loi de finances.