Décentralisation - Les préconisations audacieuses des administrateurs territoriaux pour un vrai "acte 3"
L'Association des administrateurs territoriaux de France (AATF) présente ce 21 juin, dans le cadre de son congrès annuel qui se tient à Rennes, un "Manifeste de la décentralisation". Au total, 80 propositions - dans les domaines de la gouvernance, des compétences, des finances, de la démocratie locale et de la fonction publique territoriale - qui ne manquent pas de souffle.
Ainsi, alors que les premières élections au suffrage universel direct des délégués communautaires doivent se tenir au plus tôt dans deux ans, les administrateurs territoriaux jugent que le scrutin choisi pour cette élection, le "fléchage" de certains candidats à l'élection municipale, est déjà dépassé. Ils réclament une élection à part entière des élus communautaires, au suffrage universel direct. Une option qui est en fait cohérente avec leur souhait que soit attribuée la clause générale de compétence à l'intercommunalité. Avec de telles prérogatives, les communautés seraient reconnues comme des collectivités de plein exercice. Ce qui conduirait à ajouter une couche au "millefeuille", diront sans doute certains commentateurs.
Des compétences et des pouvoirs accrus
Dans le même temps, les administrateurs territoriaux envisagent le renforcement des départements et des régions. Ceux-ci auraient de nouveau la faculté d'agir dans tous les domaines, de leur propre initiative. De plus, leurs compétences respectives seraient sensiblement accrues dans leurs secteurs d'action actuels - formation professionnelle, emploi, économie pour les régions, social pour les départements. Un principe de simplification guiderait le redéploiement des compétences, menant par exemple au regroupement de la gestion des collèges et des lycées sous la responsabilité d'une seule autorité (une étude devant permettre d'arbitrer entre le département et la région). Pour rendre cohérentes les interventions des multiples acteurs territoriaux, les élus locaux d'une même région élaboreraient des "pactes territoriaux" dans lesquels seraient intégrées les politiques de l'Etat.
Au-delà de compétences renforcées, les collectivités disposeraient de nouveaux pouvoirs. De fait, le droit à l'expérimentation serait assoupli. Surtout, la Constitution les autoriserait à contribuer à l'élaboration des normes réglementaires et législatives applicables à leur territoire. Une véritable révolution !
Une grande autonomie financière
Dans le domaine de leurs finances, les collectivités bénéficieraient d'une plus grande autonomie grâce à un véritable pouvoir sur l'assiette et les taux des impôts (y compris la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qui aujourd'hui est soumise à un taux national). Elles disposeraient de ressources nouvelles et dynamiques ayant un lien étroit avec leurs compétences. Les régions pourraient ainsi financer les trains régionaux par une part supplémentaire du versement transport. Quant aux taxes existantes, elles seraient modernisées : par exemple, la taxe d'habitation intégrerait les revenus des contribuables dans son assiette.
Les dotations de l'Etat aux collectivités seraient garanties par un contrat pluriannuel qui n'exonérerait pas le secteur public local d'une participation à l'effort de redressement des comptes publics.
A côté de l'autofinancement, les collectivités auraient recours à la dette via une palette de moyens nouveaux, notamment l'agence de financement des collectivités locales chère aux associations d'élus locaux et un livret A spécialement dédié aux investissements locaux. En outre, elles ne seraient plus obligées de déposer leurs fonds au Trésor pour la section d’investissement de leur budget.
En ce qui concerne les moyens humains, l'AATF prêche notamment pour un élargissement des possibilités de mobilité au sein de la fonction publique territoriale et entre les fonctions publiques. Elle plaide aussi pour la création d'un centre de ressources et d'une inspection générale des territoires chargés d'un rôle d'expertise et d'évaluation dans les collectivités locales.
Référendum d'initiative populaire
Au chapitre de la démocratie locale, l'AATF prône l'adoption d'une loi "favorisant le pluralisme et la diversité de la représentation politique locale au terme d'un débat […] portant sur les modes de scrutin, le cumul des mandats, l’accès au droit de vote, les droits de l'opposition et les moyens des assemblées locales". Elle préconise par ailleurs la mise en place d'un "réel statut de l'élu local" et l'instauration du référendum d'initiative populaire local.
Le dialogue avec l'Etat serait mieux structuré, avec la création d'un conseil des territoires. Cet héritier de la Conférence des exécutifs locaux, qui a peu fonctionné durant le gouvernement de François Fillon, serait nécessairement consulté sur tout texte concernant les collectivités locales et serait habilité à négocier avec l'Etat.