Emploi - Les missions locales veulent sécuriser leurs relations avec les nouvelles régions
"La jeunesse a besoin des missions locales", a tenu à assurer le ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports Patrick Kanner, à l'occasion des journées nationales des missions locales qui se sont tenues à Marseille les 7 et 8 avril 2016. Car, entre le plan 500.000 formations de chômeurs, la généralisation de la garantie jeunes et l'expérimentation du service régional de l'emploi, les interrogations sont nombreuses et le malaise est palpable.
L'un des sujets de préoccupation du réseau ces derniers mois était la délégation, rendue possible par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notr), de la coordination du service public de l'emploi aux régions qui le souhaiteraient. "Nous étions opposés à la mesure au départ, mais il s'agit bien d'une délégation de l'Etat, précise cependant à Localtis Jean-Patrick Gille, président de l'Union nationale des missions locales (UNML), si la région n'est pas impartiale ou si l'on sort des principes républicains, l'Etat reprend la main, même chose s'il n'y a pas égalité de traitement entre les territoires." Mais pour éviter toute éventuelle dérive, le président de l'UNML préconise de rédiger une charte des missions locales. "Nous avons un réseau avec une culture commune très forte, il faut peut-être travailler sur l'élaboration d'une charte", propose-t-il.
Outre cette éventuelle charte, le réseau s'organise aussi pour s'adapter à la nouvelle carte territoriale. "C'est une occasion pour nous d'avoir une structuration plus lisible avec la création d'une conférence des treize présidents des associations régionales des missions locales, qui sera l'interlocuteur de l'Etat, avec des réunions régulières avec la DGEFP", détaille Jean-Patrick Gille. Quant aux relations parfois tendues avec Pôle emploi, "le sujet est derrière nous", estime le président de l'UNML. Les missions locales ont signé une convention de partenariat avec l'institution en septembre 2015. Mais "nous restons vigilants", nuance le député (PS) d’Indre-et-Loire.
Autre sujet majeur : la mise en oeuvre du plan 500.000 formations pour les chômeurs, avec le refus de la région Auvergne-Rhône-Alpes d'y participer. "Le gouvernement pense à nous mais oublie de le dire, or une prescription de formation sur trois adressées aux demandeurs d'emploi est réalisée par les missions locales", prend soin de rappeler le président de l'UNML. Dans les régions où le conseil régional refuse de participer au plan, Jean-Patrick Gille suggère à l'association régionale des missions locales d'entrer directement en contact averc Pôle emploi. Dans les autres, il faudra qu'elles prennent vite leurs marques avec les exécutifs régionaux...
Un réseau toujours "fragilisé"
Alors que Patrick Kanner a insisté sur l'extension de la garantie jeunes, sur fond de mouvement de contestation, et rappelé que l'objectif était de 200.000 bénéficiaires en 2017, le réseau est prêt à assumer cette nouvelle charge. "Cela répond à nos fondamentaux de l'approche globale des jeunes", assume le président de l'UNML, soulignant toutefois l'absence des missions locales dans l'article consacré à ce dispositif. Autre problème : la complexité administrative du dispositif, les ressources émanant des fonds européens. La généralisation permettra peut-être de faciliter les flux financiers, d'après les dires de la DGEFP. Les missions locales sont en première ligne pour la garantie jeunes. L'accompagnement du jeune est ainsi assuré par un référent au sein d'une mission locale, avec laquelle il signe un contrat. Le contrat précise les actions engagées par la mission locale en vue de son insertion (entretiens, ateliers collectifs, propositions d'emploi, de stage, d'apprentissage…) et l'obligation pour le jeune d'y participer. Le contrat est accompagné du versement d'une aide financière de 461 euros par mois. Pour cet accompagnement, les missions locales reçoivent 1.600 euros par jeune et par an. "Patrick Kanner a sécurisé les financements pour ce dispositif, les crédits budgétaires ayant été intégrés dans le projet de loi de finances pour 2017, mais sur les autres actions, nous restons fragilisés, explique Jean-Patrick Gille, en deux ans, le réseau a perdu 60 millions d'euros", avec la fin des financements issus de l'Accord national interprofessionnel-ANI jeunes, et la baisse des crédits destinés à l'accompagnement des jeunes en emplois d'avenir. Pour le président de l'UNML, au-delà du financement des dispositifs, il faudrait une augmentation de 10 à 20 millions d'euros de la dotation globale des missions locales.
Dans une déclaration commune diffusée le 7 avril, la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC, la CGT et FO interpellent le gouvernement pour demander une revalorisation des salaires et des moyens pérennes pour la garantie jeunes. "Les salariés en ont ras le bol de faire plus avec moins", signale le communiqué. Une séance de négociation sur les salaires est prévue le 15 juin. "L'UNML doit entendre l'urgence de la situation des salariés des missions locales", insiste la déclaration intersyndicale. "Nous avons gagné la reconnaissance mais en même temps la charge de travail, et les budgets n'ont pas été augmentés ; le réseau est toujours aussi fragile", assure Jean-Philippe Revel, de la CGT.
Emilie Zapalski
La région, chef de file des politiques publiques de la jeunesse
A l'occasion des journées nationales des missions locales, organisées les 7 et 8 avril 2016, Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, a rappelé son intention de définir la région comme chef de file sur la jeunesse. La mesure figure dans le projet de loi "Egalité et Citoyenneté" qui sera présenté cette semaine en Conseil des ministres. L'article 16 confie ainsi à la région le chef de filât en matière de politique de la jeunesse, "complétant ainsi les domaines de compétences prévues par la loi Notr", précise le texte. "Cet article vient également confier à la région la coordination – de manière complémentaire avec le service public régional de l'orientation – des initiatives des collectivités territoriales en matière d'information des jeunes, et, dans ce cadre, des structures labellisées à ce titre par l'Etat dans des conditions prévues par décret", indique également l'avant-projet de loi.
E.Z.