Congrès de l'AMF - Les maires invités à redoubler d'énergie pour le climat
Quoi de plus consensuel que de parler du rôle des élus locaux en matière de préservation de l'environnement pour ouvrir les débats du Congrès de l'Association des maires de France (AMF) ce 25 novembre ? Dans le contexte de crise économique et sociale actuelle, le sujet a de quoi remettre du baume au cœur des élus locaux en mettant en valeur leur capacité à entraîner les acteurs du territoire dans des comportements éco-responsables. Seule ombre au tableau pour cette première matinée de débats sur la question du recyclage des déchets et de l'économie circulaire : Ségolène Royal, attendue porte de Versailles, n'a finalement pas pu faire le déplacement pour échanger avec les élus sur une thématique qui figure en bonne place dans le projet de loi sur la transition énergétique. Dépêchée à Strasbourg à la demande du président de la République pour la visite du pape au Conseil de l'Europe et au Parlement européen, la ministre de l'Ecologie a été représentée à la tribune par la directrice de l'Energie du ministère.
Tri des déchets : mieux communiquer avec les habitants
Les débats ont fait la part belle aux échanges d'expériences locales, aussi bien en métropole qu'outre-mer. En ouverture, Jacques Pélissard, président de l'AMF, a rappelé la force du modèle français de gestion des déchets ménagers porté par l'AMF par rapport au modèle allemand "où les communes sont marginalisées". L'un des enjeux majeurs est aujourd'hui de favoriser le recyclage et pour cela la participation des habitants est essentielle. Or, depuis quelques années, on observe un infléchissement des performances de tri qui tiennent à des problèmes de comportements. Pour Eric Brac de la Perrière, directeur général d'Eco-Emballages, une partie de la solution réside dans la simplification du geste de tri, en densifiant le nombre de conteneurs mis à disposition des habitants, mais aussi en ayant un discours clair sur la destination du recyclage. "La France recycle 93% des déchets au niveau national et régional. Il faut répondre à la première question que se posent les consommateurs quand ils trient : où ça va ? à quoi ça sert ?" Des collectivités qui viennent tout juste de se lancer dans des filières de recyclage misent beaucoup sur ce travail de pédagogie. "Nous avons commencé par mettre en place une filière de recyclage du verre et avons beaucoup communiqué pour montrer quel était le but de cette action comme la réutilisation dans les travaux publics", a témoigné Karine Claireaux, sénateur-maire de Saint-Pierre (Saint-Pierre-et-Miquelon). Roger Le Goff, maire de Fouesnant (Finistère) a quant à lui vanté la cohérence d'une démarche développée depuis plus de vingt ans sur un territoire comptant sept communes. "Nous avons commencé en 1992 par l'apport volontaire de bouteilles en plastique puis nous sommes passés à des collectes multimatériaux en sacs, qui s'est accompagné de la construction d'un centre de tri employant des travailleurs handicapés. En 2012, nous avons mis en place une redevance incitative. Résultat : nous sommes passés de 12.500 tonnes de déchets incinérés en 1995 à 8.000 tonnes aujourd'hui avec une croissance de la population de 2% de population par an." Pour l'élu breton, la réussite ne peut venir que si le projet est pleinement partagé avec les services et la population. Et pour cela, l'éducation à l'environnement et donc le travail avec le milieu scolaire est primordial. A plusieurs milliers de kilomètres de la Bretagne, la ville de Cayenne (60.000 habitants) entend aussi relever le défi du recyclage. Mais la pédagogie sur le tri va nécessiter de gros efforts. "Nous préparons le passage au tri sélectif en 2015 en nous appuyant sur les conseils de quartiers pour expliquer aux habitants l'intérêt du tri, a expliqué Marie-Laure Phinera Horth, maire de Cayenne et présidente de la communauté d'agglomération Centre Littoral, Guyane. Nous avons prévu des ambassadeurs du tri et des contrôleurs de l'environnement qui sont des personnes volontaires pour nettoyer les quartiers. Vu la diversité d'origine des habitants, qui ne parlent pas tous français, nous allons aussi devoir traduire des flyers en portugais, en en anglais, en créole et en haïtien."
Les promesses de l'économie circulaire
L'économie circulaire était également au programme de cette plénière à travers deux exemples de production de chaleur. Stéphane Fouassin, maire de Salazie et président de l'association des maires de la Réunion, a rappelé l'objectif de l'île de devenir à l'horizon 2030 le premier territoire français à atteindre l'autonomie énergétique. Pour y parvenir, l'un des objectifs est de brûler les déchets verts dans les centrales thermiques. D'ores et déjà, 91.000 foyers sont alimentés en énergie (vapeur et électricité), à partir de la bagasse, la fibre résiduelle de canne à sucre, brûlée dans deux usines. Autre exemple de mise en œuvre de l'économie circulaire : les 12 réseaux de chaleur développés par le Syded, dans le Lot. Ce syndicat mixte, géré en régie, a commencé par récupérer des bois de palettes et de cagettes en déchetteries. La matière première s'est peu à peu enrichie avec le bois d'élagage du bord des routes, les sous-produits de l'industrie du bois, les plaquettes forestières et la part la plus importante des déchets verts. "Nous disposons aujourd'hui de 12 MW de puissance installée pour 800 abonnées dont 510 logements sociaux", a expliqué Gérard Miquel, sénateur du Lot et maire de Saint-Cirq-Lapopie. "C'est un modèle économique viable : nous utilisons la matière première dont nous disposons et créons de l'emploi local, insiste l'élu. Mais pour gérer au mieux notre approvisionnement, nous avons besoin de maintenir des plans départementaux coordonnés au niveau régional et interrégional."
Paris 2015 : un rendez-vous crucial
Présent tout au long des débats, Nicolas Hulot a salué le travail des élus. "Le bon sens qui allie écologie et économie est en marche au niveau des communes", a estimé l'envoyé spécial du président de la République pour le climat. Selon lui, "le changement est en marche. Et il est plus probant à l'échelle territoriale et locale". Il a donc appelé les communes à se mobiliser en vue de la Conférence sur le climat (COP 15) qui se tiendra les deux premières semaines de décembre 2015 à Paris-Le Bourget et réunira 195 chefs d'Etat. "L'ordre du jour a été fixé à Durban en 2011 : c'est un engagement à conclure un accord universel juridiquement contraignant pour limiter à 2°C le réchauffement à la fin du siècle, la seule cible encore à notre portée", a rappelé Nicolas Hulot. L'autre défi de la COP15 sera d'aider les pays les plus vulnérables à faire face au dérèglement climatique. "Les communes et les maires ont un rôle essentiel à jouer dans la mobilisation des citoyens car l'avenir de leurs enfants se détermine maintenant, a insisté le Monsieur Climat de François Hollande. Les collectivités sont aussi un chaînon essentiel des actions d'adaptation. On le voit à travers la commande publique qui représente 15 à 20% de la consommation dans le monde : si les communes choisissent de s'approvisionner en bas carbone, elles peuvent créer la norme."