Transports - Les députés ont adopté le projet de loi sur la régulation ferroviaire
Après le Sénat le 9 mars dernier, l'Assemblée nationale a adopté ce 22 septembre, avec les seules voix des députés de la majorité, le projet de loi sur l'organisation et la régulation des transports ferroviaires. Avant tout censé transposer le troisième paquet ferroviaire européen, qui fixe l’ouverture à la concurrence des services internationaux de voyageurs à compter du 13 décembre prochain, ce texte crée l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf) qui a vocation à être le "gendarme du rail". La loi entend aussi faciliter la mise en place d'opérateurs ferroviaires de proximité (OFP) destinés à relancer le fret ferroviaire.
Au cours de son examen par les députés, le texte s’est enrichi d’un amendement qui fait polémique et vise, selon le secrétaire d’Etat aux Transports Dominique Bussereau, "à mettre l’organisation des transports franciliens en conformité avec le règlement européen relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route – dit règlement OSP - applicable à compter du 3 décembre prochain". Concrètement, cet amendement aurait pour but de clarifier "les conditions dans lesquelles le Syndicat des transports d'Ile-de-France (Stif) attribue des contrats de service public", si bien que cela amène à "redéfinir en conséquence les relations entre le Stif et la RATP et le partage des biens qui en découle". Un transfert des actifs possédés par le syndicat mais exploités par la régie est donc envisagé. Ces actifs sont de divers ordres et relèvent autant du patrimoine que de la maîtrise d’ouvrage de certaines lignes et de la gestion d’infrastructures. A la tête du Stif, Jean-Paul Huchon s’y est vivement opposé en rappelant qu’il s’agit là "d’un patrimoine public exceptionnel que les collectivités franciliennes ont financé pour une large part". "On nous a volés", a-t-il martelé au cours d'une conférence de presse ce 22 septembre. "Cette spoliation conduira à ne pas pouvoir réaliser les 19 milliards d'euros d'investissement pour les transports votés par le conseil régional, les actifs du Stif étant une garantie pour pourvoir emprunter." A la RATP, on argue du fait que la régie porte ces actifs à son bilan et assume d'ores et déjà le remboursement de la dette de près de 5 milliards d’euros qu’ils génèrent. Elle ajoute à l’appui de cet amendement que "des délais de transition nécessaires sont prévus pour éviter toute forme de rupture dans le service de transport des franciliens".
Dans la discussion générale du projet de loi à l’Assemblée, des députés sont montés au créneau et Sandrine Mazetier, députée de l’opposition, a précisé que "si cet amendement était adopté, le Stif serait privé de tous ses leviers d’action ou de la quasi-intégralité d’entre eux, car cet amendement prévoit le transfert à la RATP de tout ce qui est actuellement financé et piloté, via ce syndicat, par les collectivités locales – la région Île-de-France en tête. Les Franciliens et leurs représentants perdraient ainsi leur pouvoir de décision sur l’essentiel du patrimoine et des investissements en matière de transport en Île-de-France, au profit d’une entreprise pilotée par l’État et face à laquelle nous n’aurions rien à dire". Le député Daniel Paul s’est également insurgé contre cet amendement "introduit à la dernière minute". Le député Patrick Braouezec a, pour sa part, regretté que le capital du Stif soit ainsi transféré à la RATP "sans demander l'avis ni du syndicat, ni de la région, ni de la ville de Paris, ni des départements". Un autre député de l’opposition, Maxime Bono, a un avis plus nuancé. L’affaire ne se résumant pas selon lui à "une querelle de copropriétaires", il exige un retour de l’amendement en commission pour permettre "un examen plus serein des dispositions extrêmement techniques" qu’il contient et derrière lesquelles "la véritable question est celle, une fois de plus, de l’endettement de la RATP, et de sa difficulté à investir". Son groupe a néanmoins eu à affronter un revers avec le refus de sa motion de renvoi en commission.
Par ailleurs, Dominique Bussereau s’est déclaré favorable à une expérimentation de la concurrence pour des trains régionaux de voyageurs (TER), en citant à l’appui l’exemple des Länder allemands qui choisissent depuis 1993 leurs opérateurs ferroviaires par appel d'offres, avec à la clé "de l’argent réinvesti dans le développement de l'offre du service public". Il s’est dit "conscient des problèmes complexes que pose une telle évolution", notamment en termes de propriété, de mise à disposition des matériels roulants ou de devenir des personnels. Un rapport commandé à Francis Grignon, sénateur du Bas-Rhin à la tête du comité de réflexion sur l’ouverture des TER à la concurrence, est attendu au premier trimestre 2010 pour éclaircir ces aspects. Pour sa part, le député Hervé Mariton, rapporteur du projet de loi auprès de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, a attiré l’attention sur le transport par autocar interrégional. "Ailleurs, c’est un transport souvent low cost desservant des destinations que d’autres modes de transport n’assurent pas toujours", ce qui n’est selon lui pas le cas en France.
Enfin, le député Thierry Benoit, apparenté Nouveau Centre, a rappelé que l’Association des régions de France (ARF) souhaite voir créer "un mécanisme de compensation pour les régions finançant des opérations d’investissement qui permettent de réduire les coûts d’entretien". Or ce point est absent du projet de loi. De même pour la demande de compensation financière au profit des communes traversées par des LGV, non retenue lors du passage en commission. Dominique Bussereau a néanmoins rebondi à ce sujet en précisant "qu’il faudrait peut-être envisager la création d’un fonds de péréquation alimenté par les bénéfices réalisés sur l’exploitation d’autres lignes, y compris à grande vitesse, ce que le gouvernement étudie de près".
Morgan Boëdec / Victoires éditions