Personnes âgées - Les coûts d'hébergement en Ehpad manquent de transparence
L'Inspection générale des affaires sociales (Igas) rend public un rapport consacré à un "Etat des lieux relatif à la composition des coûts mis à la charge des résidents des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad)". Cette étude, menée à l'initiative de l'Igas, s'appuie sur des investigations dans quatre départements et une vingtaine d'Ehpad et d'unités de soins de longue durée (USLD). Elle apporte des résultats très intéressants sur la notion de "reste à charge", autrement dit les coûts mis à la charge des résidents et de leur famille en matière d'hébergement (hors forfait soins et allocation personnalisée d'autonomie).
Premier enseignement : les coûts mis à la charge des résidents sont très loin de se limiter au seul tarif "hébergement". Il faut y ajouter bien sûr le montant de l'APA restant à la charge du bénéficiaire (en fonction des revenus), mais aussi toute une série de dépenses diverses : frais de mutuelle, coiffure, coûts d'utilisation de la télévision ou du téléphone, blanchissage... Tout en prenant des précautions compte tenu de la faiblesse de l'échantillon, l'Igas estime que le coût moyen à la charge des pensionnaires se situe autour de 2.200 euros par mois (soit plus de trois fois le minimum vieillesse). Cette moyenne recouvre toutefois des écarts importants. Ainsi, "le montant mensuel de 1.500 euros constitue une sorte de minimum incompressible", qui ne s’applique qu’aux personnes très attentives à limiter leurs dépenses et qui résident dans des établissements situés en milieu rural dont le terrain et la construction sont financièrement totalement amortis. A l'inverse, "la somme mensuelle de 2.900 euros représente certes un montant élevé, au regard des constats de la mission, mais que l'on peut fréquemment observer en milieu urbain et qu'elle ne correspond pas à des prestations particulièrement luxueuses". Les prix les plus élevés observés par l'Igas peuvent aller jusqu'à plus de 5.000 euros. En excluant ces derniers et en se basant sur les durées moyennes de séjours observées, les résidents ou leur famille doivent donc assumer une dépense comprise entre 42.000 et 107.300 euros, avec une moyenne de 74.650 euros. Pour faire face à cette dépense conséquente, il existe toutefois trois formes d'aides financées par l'Etat (aides fiscales), les CAF (aides au logement) et les départements (aide sociale aux personnes âgées).
Si les dépenses mises à la charge présentent une transparence formelle, le rapport souligne en revanche que "le consommateur ne peut pas faire un lien immédiat et sûr entre les coûts affichés et la nature ou la qualité des prestations proposées". Les écarts de coûts ne s'expliquent en effet véritablement ni par le statut de l'établissement, ni par les qualités des prestations, ni par le niveau de revenu des personnes accueillies (sauf pour les bénéficiaires de l'aide sociale). L'Igas pointe surtout l'impact des coûts immobiliers et des normes imposées aux établissements comme facteur explicatif des écarts de prix. De ce fait, "le système laisse une grande place à l'aléatoire", un tarif élevé ne garantissant aucunement une prise en charge satisfaisante et vice-versa.
Autre bizarrerie relevée par le rapport : il n'existe aujourd'hui aucun recueil d'informations organisé permettant de connaître le nombre total de résidents dont le paiement des frais de séjour est assuré par un prélèvement sur le patrimoine ni le volume de cette "désépargne" au niveau national. En se fondant sur diverses études sur le patrimoine moyen des Français, l'Igas estime que celui-ci permet de financer environ quatre à cinq années de séjour en Ehpad, sur la base d'un coût mensuel de 2.200 euros. Mais les conditions de financement sont souvent difficiles, l'essentiel du patrimoine étant constitué par le logement, difficilement sécable. Même si le rapport suggère quelques mesures pour contenir les coûts, il constate néanmoins que la montée des exigences des familles et la tendance effective vers une amélioration des établissements plaident plutôt pour une hausse des coûts.
Malgré les incertitudes sur les voies utilisées et les montants en cause, l'Igas constate néanmoins que "quoi qu'il en soit, lorsque sa retraite est insuffisante, le résident et les personnes qui l'aident financièrement 'se débrouillent' pour mobiliser des ressources diverses et, le plus souvent, parvenir à échapper à l'aide sociale". Un jugement que ne partagent pas forcément les départements, qui prennent malgré tout en charge 115.000 résidents au titre de l'aide sociale aux personnes âgées.
Jean-Noël Escudié / PCA