Finance - Les collectivités locales françaises vont-elles devoir prendre en compte les objectifs européens de réduction des déficits publics ?
Depuis maintenant deux ans, l'Etat sensibilise les collectivités territoriales sur la nécessité de prendre en compte les objectifs de réduction de la dette et des déficits publics de l'Union européenne. Si ces dernières acceptent le principe d'une concertation avec l'Etat, elles répètent que c'est avant tout à l'Etat de se conformer aux obligations européennes car elles ne représentent qu'une part infime du déficit tout en assurant les 3/4 de l'investissement public.
Mais au nom de ces objectifs européens et appelant les collectivités à une solidarité sur le contrôle de la dépense publique, le gouvernement a déjà réformé l'évolution de l'enveloppe normée de ses dotations tandis que de nouvelles annonces de réforme circulent depuis quelques mois. Et pour la première fois, en 2007, le taux d'endettement public moyen des pays membres de l'UE a diminué : 11 Etats ont enregistré un excédent budgétaire... mais pas la France. Pour éviter que le nœud coulant ne se resserre sur les budgets de leurs membres, les associations d'élus sont aujourd'hui favorables à une responsabilisation. Programmée le 28 mai, la prochaine réunion de la conférence des finances publiques qui réunira l'Etat, la sécurité sociale et les collectivités territoriales pourrait donc apporter son lot de nouveautés. L'agence européenne de notation FitchRatings ne s'y est d'ailleurs pas trompée en organisant pour sa journée annuelle consacrée aux finances publiques, une table ronde consacrée à l'impact des objectifs UE sur les collectivités. L'occasion de prendre de la hauteur en examinant ce qui se passe dans les autres pays membres.
La concertation s'impose
Comme un petit village breton bien connu, les collectivités françaises continuent à résister dans un environnement européen qui évolue : des objectifs chiffrés contraignants ont été définis en Belgique, en Autriche, en Allemagne, en Espagne et en Italie...mais pas en France. Dirk de Smedt, directeur de cabinet adjoint du ministre du Budget et finances de la région Bruxelles-Capitale, invite les collectivités françaises à susciter le débat institutionnel avec l'Etat : "Pour prendre en compte les objectifs européens, chaque année, on discute ensemble afin de définir des normes budgétaires pour chaque niveau de collectivité, ensuite, nous définissons nos priorités de dépenses." Pour suivre une telle discipline, des outils ont été mis en place : une double comptabilité, des procédures de contrôles internes, une limitation des opérations hors bilan comme les PPP.
En Italie, les objectifs européens ont aussi été déclinés par des objectifs locaux. Pour Peter Bieler, coordonateur du département du budget, des finances, de la programmation et des participations régionales de la Région Vallée d'Aoste, le pacte de stabilité et de croissance introduit dans les finances locales de manière volontaire en 1998 est aujourd'hui une obligation de plus en plus prégnante. "Non seulement, la notion de croissance dans le pacte a disparu mais désormais toutes les dépenses sont concernées et des sanctions ont été introduites pour les collectivités qui ne respectent pas leurs objectifs." En Italie, une région qui n'a pas son certificat actant le respect des obligations européennes ne peut se présenter devant une banque pour contracter un emprunt.
"Aujourd'hui, les collectivités françaises ne tiennent pas compte des objectifs de réduction de déficit : ni dans leurs discours politiques ni dans leurs choix financiers. La contrainte est absente." Pour Alain Colson, chargé de cours à l'Université de Savoie, la méthode actuelle est indirecte : "L'Etat se décharge des dépenses en les transférant, c'est une façon de réguler la dette car les collectivités ont, quant à elles, une obligation d'équilibre budgétaire." Reste, et Edward Jossa l'a rappelé, que cet état de fait ne va pas pouvoir se poursuivre : "Le financement des projets est devenu trop complexe, il impose aujourd'hui la participation de différents acteurs et l'Etat envisage de faire évoluer cette situation en réformant la clause générale de compétence." Pour le Directeur général des collectivités locales, le modèle français va devoir évoluer car le niveau global des dépenses locales est très élevé et en contrepartie, les ressources fiscales ne sont plus assez dynamiques.
Clémence Villedieu