Finances locales - 2008 : l'année de la pause
"2008 sera l'année de la pause dans tous les domaines : les taux d'intérêt, les droits de mutation, les investissements, la pression fiscale, le transfert des compétences...", a déclaré, à la presse, le 19 février, Gérard Bayol, administrateur-directeur général de Dexia Crédit local.
Comme chaque année, le groupe Dexia trace les grandes tendances des finances locales dans sa note de conjoncture : pour 2008, les élus et gestionnaires locaux doivent s'attendre à la plus faible hausse de leurs budgets depuis 2001, un ralentissement de leurs investissements, une faible progression de la pression fiscale et un cadre de ressources moins tonique (sans pour autant que l'on puisse parler de baisse).
Le temps n'est plus au diagnostic alarmiste : en 2006, Phillippe Valletoux, vice-président du directoire de Dexia Crédit local, estimait que "les incertitudes permanentes dues à des changements des politiques de l'Etat étaient en cause". En 2007, la note de conjoncture estimait qu'avec l'annonce de la fin du contrat de croissance des dotations de l'Etat, "l'extension du bloc indexé (45 milliards d'euros concernés en 2006, 70 milliards en 2008) amplifierait le phénomène et poserait la question de la variabilité d'équilibre".
En 2008, les facteurs conjoncturels, comme le fort ralentissement de la hausse des prix de l'immobilier, vont cependant avoir un impact certain sur la croissance des droits de mutation. "En 2008, la tendance au ralentissement se poursuivrait, explique la note de conjoncture, avec un produit des droits de mutation en légère hausse (+2% contre 13 % en 2006 et 5 % en 2007) qui représenterait un supplément de ressources évalué à 200 millions d'euros." Autre facteur conjoncturel, l'évolution des taux d'intérêt qui influent sur l'évolution de la dette des collectivités. Le groupe Dexia estime que les taux courts comme les taux longs qui sont depuis plusieurs années à la hausse devraient se stabiliser en 2008 à hauteur des augmentations constatées en janvier : "L'évolution du prix de la dette des collectivités augmenterait, en moyenne, de 1% par an." Conséquence, les charges d'intérêt (5,5 milliards d'euros) progresseront de 6,8% contre 12,8% en 2007. Les marges de manœuvre des gestionnaires locaux restent importantes avec un poids des charges d'intérêt sur les dépenses de fonctionnement encore faible (3,8 % en 2008, soit un poids deux fois moins important qu'en 1998).
Baisse de 2% du budget allocations RMI
Autre point important, l'évolution des coûts du secteur du bâtiment, souvent mise en avant par les collectivités. Dexia rappelle, en effet, que l'investissement des collectivités qui pèse pour 27% des dépenses totales s'inscrit dans un contexte de coûts élevés du secteur. S'appuyant sur les prévisions du ministère de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement durables, Dexia estime que les coûts s'élèveraient pour le bâtiment à 3,4% et dans les travaux publics à 4% en 2008. Enfin, les prix des combustibles et des carburants qui représentent entre 2 et 5% des dépenses de fonctionnement des collectivités (4% pour les communes) devraient représenter 3,8% des dépenses de fonctionnement en 2008.
Autre poste de dépenses important, le nombre des bénéficiaires de prestations d'aide sociale : "Si les allocations de RMI augmentent, à l'inverse, le nombre des allocataires au RMI diminue : ce qui devrait permettre une baisse de 2% des allocations versées", précise Dominique Hoorens, directeur des études de Dexia. Une note optimiste ? En octobre dernier, le groupe Dexia, dans un rapport intitulé "20 ans d'aide sociale dans les départements français" pointait "l'écart entre dépenses d'aide sociale et ressources affectées par l'Etat, dont la part de TIPP perçue au titre du RMI ou la participation de l'Etat à la prise en charge de l'APA, qui a stagné et dont la part a donc diminué".
En revanche, estime la note de conjoncture de février 2008,le nombre des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie continue à progresser sensiblement. Il faut rester vigilant sur la montée en charge progressive de la prestation de compensation du handicap. Créée en 2006, elle devrait atteindre pratiquement les 500 millions d'euros en 2008.
Les départements et les régions vont accueillir 50.000 nouveaux agents ; ce qui représentera une hausse des effectifs de 3% et un droit de compensation de 1,6 milliard d'euros. "Enfin, il ne faut pas oublier l'indice d'augmentation des fonctionnaires, actuellement en négociation qui devrait s'élever à 0,3%, ce qui aura pour effet d'augmenter la facture des collectivités de près de 200 millions d'euros", commente le directeur des études de Dexia.
Réforme TP : 750 millions d'euros
Côté recettes, la note de conjoncture rappelle l'impact de l'institution du contrat de croissance : une augmentation de 1,6% de l'ensemble de l'enveloppe normée de l'Etat dont pour la DGF une augmentation de 2,7% . Côté recettes fiscales, Dexia estime que les bases de taxe d'habitation et de taxe foncière sur les propriétés bâties devraient augmenter de 3,6% en 2008 contre 3,8% en 2007 tandis que les bases de TP devraient progresser de 3%. C'est bien entendu sur les taux, avec cette dernière année de mandat municipal, que les gestionnaires locaux vont montrer leur pondération : +0,5 % soit la plus faible croissance de ces 7 dernières années (+0,3% pour les communes, +0,8% pour les départements et +1,5% pour les régions). La réforme de la taxe professionnelle (prélèvement au titre du plafonnement) va impacter sur les ressources fiscales : le prélèvement s'élève en 2007 à 650 millions d'euros et à 750 millions d'euros en 2008 (sur 64,5 milliards d'euros de recettes des quatre taxes).
Cycle municipal : baisse des investissements
Comme les recettes de fonctionnement augmentent moins (+6,9 milliards d'euros) que les dépenses (+7,1 milliards d'euros), l'épargne brute sera en 2008 négative (-200 millions d'euros). Ce qui, au vu des données de Dexia, ne devrait pas réduire les marges de manœuvre des collectivités : les soldes d'épargne ayant fortement augmenté les années précédentes. Ce sont 20 milliards d'euros d'épargne nette affectée à l'investissement en 2008. Enfin, le cycle d'investissement communal devrait l'année des élections et l'année suivante être en baisse et si en 2007, les investissements ont été bien plus élevés que ceux prévus, "l'année 2008 devrait retrouver son profil classique de première année de mandat avec une baisse des dépenses d'équipement des communes de 3,3% en volume qui correspond à une quasi-stabilisation en valeur". Reste comme le rappelait Dexia dans une note de janvier dernier que les collectivités gardent une place de choix dans les investissements publics : "Les collectivités représentent plus des deux tiers de l'investissement public européen." Si les ressources sont donc en 2008 moins dynamiques, la place de l'autofinancement reste prépondérant : l'épargne brute contribue à hauteur de 67%, les subventions et participations en représentent 21% et le recours à l'endettement complète les financements (12%).
Clémence Villedieu
Quelques chiffres
1- Fonctionnement
- Recettes courantes : 181,5 milliards d'euros (contre 174,6 milliards d'euros en 2007) dont recettes fiscales : 107,3 milliards d'euros (soit +4,7% par rapport à 2007) et dotations de l'Etat : 45 milliards d'euros (+1,1%)
- Dépenses de gestion : 139,5 milliards d'euros dont 51,5 milliards d'euros de dépenses de personnel (+8,1%)
- Epargne de gestion : 42 milliards d'euros (soit +0,4 % par rapport à 2007)
- Epargne brute : 36,5 milliards d'euros.
2- Investissement
- Dépenses d'investissement : 54,2 milliards d'euros (+1,5%)
- Moyens de financement : 54,2 milliards d'euros dont autofinancement : 36,5 milliards d'euros (-0,6%) ; emprunts nouveaux : 20,7 milliards d'euros (+2,7%) ;; remboursements : 14,4 milliards d'euros.