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Aménagement numérique - Les antennes-relais au rapport

Le déploiement des antennes-relais dans les villes s'effectue de manière hétérogène et souvent au-delà du cadre de compétences des communes, estime le Comité opérationnel sur les ondes de téléphonie mobile. A l'issue d'un long processus d'expérimentation initié en 2011 au sein de villes pilotes, le comité (1) a remis, ce lundi, à Philippe Martin, ministre de l'Ecologie, et à Fleur Pellerin, ministre déléguée à l'économie numérique, deux rapports et des recommandations destinés à clarifier les politiques publiques et à répondre à la fois aux inquiétudes des riverains et aux attentes des opérateurs.
Les conflits générés par le déploiement des antennes-relais empoisonnent la vie locale depuis près d'une décennie. Ils sont à l'origine de peurs, sans doute justifiées, mais freinent les opérateurs de télécommunications, au moment où le mobile devient l'outil ubiquitaire par excellence. Aussi la publication des conclusions relatives aux expériences de terrain menées était attendue avant une éventuelle prise de décision législative et réglementaire.
Le premier rapport identifie les nouvelles procédures de concertation et d'information locales précédant les projets d'implantation menés dans neuf grandes villes pilotes (2). Le second évalue la faisabilité d'un abaissement de l'exposition aux radiofréquences émises par les antennes-relais de téléphonie mobile à partir de 16 expérimentations de quartiers représentatifs de la diversité des configurations urbaines.

Concertation soluble dans les dispositifs locaux existants

Les communes ont une solide expérience de la concertation issue des procédures d'urbanisme notamment. Des structures spécifiques, comme les comités de quartier, les commissions municipales se sont généralisées pour faciliter la participation des citoyens aux décisions locales. Aussi, la préparation à l'implantation des antennes a été traitée assez naturellement par les villes pilotes au sein de leurs structures existantes. Cette intégration "n'a pas rencontré de difficultés" et semble parfaitement "compatible", soulignent les rapporteurs. Il apparaît donc "inutile" d'établir de nouvelles règles spécifiques à la concertation des antennes-relais. Toutefois, des limites existent. Contrairement à l'urbanisme où la commune dispose d'une capacité décisionnelle, le déploiement des antennes-relais ne relève pas de sa compétence. Elle formule de simples avis, sauf sur le volet urbanisme. Aussi l'établissement de la concertation au niveau local risque de fausser le jeu et de conduire à des incompréhensions, ce qui apparaît bien comme la principale faiblesse du dispositif étudié. De plus, les instances de concertation municipales ne sont pas "outillées" pour des débats liés à la santé publique au demeurant "particulièrement difficiles". Mettant de côté ces risques, comme la difficulté pour les opérateurs de devoir s'adapter à de multiples formes de concertations, la commission préconise que les futurs textes permettent aux communes "d'insérer cette concertation dans leur dispositif local propre de concertation".

Attention aux politiques locales implicites

Les évaluations confirment aussi l'émergence de véritables politiques locales relatives aux implantations d'antennes-relais. Tours a, par exemple, fixé un seuil technique pour les champs induits par l'installation d'antennes-relais (2 volts/mètre), Bourges souhaite appliquer une zone d'exclusion de 100 mètres autour des établissements scolaires, Amiens et Bayonne ont déjà rejeté des dossiers et envisagent de poursuivre cette pratique... Autant d'exemples qui confirment le désir des municipalités de peser dans le débat et de dépasser le simple cadre de leurs compétences. Le rapport constate notamment l'établissement fréquent de politiques implicites de limitation des niveaux de champs électromagnétiques sur le territoire communal ce qui n'a rien "d'étrange en soi", est-il souligné, à condition de procéder à des accords contractuels entre la commune et les opérateurs, à l'instar des initiatives de la mairie de Paris. En revanche, "une procédure de concertation ne peut être l'instrument de mise en œuvre d'une politique unilatéralement décidée par une commune", met en garde le rapport. "Filtrer les dossiers en donnant des avis défavorables dès qu'un niveau de champ est dépassé, et sur ce seul critère, pourrait être considéré comme une instrumentalisation de la concertation." Aussi les rapporteurs recommandent une certaine uniformisation des pratiques de concertation et souhaitent que l'on évite de favoriser "la mise en place de stratégies locales implicites de filtrage des projets reposant sur des valeurs de champs ou sur la mise en place de zones d'exclusion d'antennes".
Après s'être penché sur les outils de concertation testés par les villes, le comité propose des solutions simples comme la réalisation et la diffusion de guides de bonnes pratiques plutôt que la rédaction de chartes généralement complexes et hétérogènes dans les règles établies. Les guides sont "plus propices à offrir une variété d'options s'adaptant à la diversité des situations locales". Même constat sur l'organisation de réunions publiques, un outil ayant fait l'objet d'appréciations diverses, ce qui conduit les rapporteurs à ne recommander la création d'aucune structure particulière au niveau communal.
En matière d'information elle recommande toutefois le respect de quelques règles fondamentales comme l'information obligatoire des occupants d'un bâtiment préalablement à l'installation d'une antenne, la transmission obligatoire par l'opérateur d'un dossier d'information au maire dont le contenu serait réglementé ou encore la possibilité donnée au maire de demander aux opérateurs des simulations du champ généré par une future antenne.

Une exposition aux ondes relativement faible mais qui va croître

Sur la faisabilité d'un abaissement de l'exposition aux ondes électromagnétiques émises par les antennes-relais de téléphonie mobile, le second rapport se fonde sur quatre années d'expertise scientifique et technique menées sur les quartiers pilotes pour établir un constat plus précis. Les résultats recueillis par le comité chargé d'éclairer les débats sur l'exposition aux ondes électromagnétiques (Copic) ont été obtenus à partir de mesures sur le terrain puis d'une modélisation (3).
Les chiffres devraient rassurer puisque 90% des niveaux d'exposition modélisés sont inférieurs à 0,7 V/m et 99% sont inférieurs à 2,7 V/m, alors que les valeurs limites réglementaires sont comprises entre 40 V/m et 61 V/m pour les fréquences de la téléphonie mobile. Par ailleurs les mesures effectuées sur les lieux les plus exposés ont montré que dans près de 20% des cas, les antennes-relais ne sont pas la source principale d'exposition (4).
Les points les plus exposés – 128 au total sur les seize quartiers étudiés - enregistrent des valeurs pouvant aller jusqu'à 10 V/m. Et les simulations de modifications d'ingénierie ou d'emplacement sur les points dont les mesures sont les plus élevées confirment qu'une réduction de l'exposition est possible "sans dégradation significative de la couverture", ce point de la réduction pouvant être aussi abordé par le biais d'une réduction globale de la puissance d'émission des antennes.
Moins favorables, les simulations numériques visant à réduire l'exposition, menées sur les réseaux 2G et 3G, ont montré qu'un abaissement de l'exposition à 0,6 V/m (niveau préconisé par les écologistes), s'accompagnerait d'une forte détérioration de la couverture du réseau, en particulier à l'intérieur des bâtiments : perte de 82% de la couverture intérieure à Paris 14e, de 44% à Grenoble et de 37% à Grand Champ. La dégradation serait moindre avec des valeurs d'exposition de 1 V/m à Paris mais avec des pertes encore très significatives.
L'autre solution qui consisterait à reconfigurer le nombre d'implantations d'antennes pour maintenir un niveau constant de 0,6 V/m sur un territoire donné, conduirait à multiplier "par un facteur au minimum égal à trois" le nombre des sites, est-il constaté dans le rapport, ce qui représenterait aussi un facteur de complication. Quant à la 4G, prise en compte dans les analyses, elle devrait conduire à une augmentation moyenne de l'exposition en façade et au sol de 50%. Dans le 14e arrondissement de Paris, l'exposition moyenne passerait ainsi de 0,6 V/m à 0,9 V/m environ. Autant de constats qui donnent à l'information et à la concertation une place très stratégique. La réussite des déploiements dépendra de la bonne prise en compte d'attentes d'acteurs aux intérêts parfois contradictoires. Toutefois dans un processus que les communes ne maîtriseront pas totalement.
Le travail réalisé devrait se poursuivre dans une nouvelle instance d'échanges placée sous l'égide de l'agence nationale des fréquences et associant l'ensemble des parties prenantes Ils devrait également alimenter la mission confiée par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, à Jean François Girard et Philippe Tourtelier sur la sobriété en matière d'exposition aux ondes électromagnétiques, et dont le rapport est attendu à la rentrée.

Philippe Parmantier / EVS

(1) Il associe des représentants de l'Etat, de collectivités locales, d'opérateurs de téléphonie mobile, d'associations de défense des consommateurs et de protection de l'environnement et s'appuie sur des compétences scientifiques et techniques fortes (Agence nationale des fréquences, Centre scientifique et technique du bâtiment, Institut national de l'environnement industriel et des risques, experts).
(2) Amiens (Somme), Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), Bourges (Cher), Boult (Haute-Saône), La Bresse (Vosges), Lille Métropole Communauté urbaine (Nord), Orléans (Loiret), Pessac (Gironde), Tours (Indre-et-Loire).
(3) L'exposition modélisée est une exposition théorique et maximisée qui part de l'hypothèse que tous les émetteurs fonctionnement en même temps à puissance maximale.
(4) Les autres sources sont notamment : bases de téléphone sans fil Dect, émetteurs radio FM ou téléphones portables à proximité, boîtiers multiservices Wifi….