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Aménagement numérique - Antennes-relais : les villes tentent de relancer le processus de déploiement

Alors que la diffusion de smartphones et de tablettes numériques connaît une croissance phénoménale, le mouvement protestataire des usagers opposés à l'implantation des antennes-relais, indispensables au fonctionnement de ces terminaux connectés, demeure très actif. Sur le terrain, les villes sont partagées entre le devoir de concilier les demandes des opérateurs sur l'accès aux points hauts du domaine public et la prise en compte de l'inquiétude des riverains. Après avoir tenté d'interdire ou de freiner l'implantation d'antennes-relais, les dispositifs de transparence et de concertation mis en place commencent à produire leur effet.
L'accord signé, le 18 septembre, par la ville de Paris avec les quatre opérateurs de téléphonie Orange, Bouygues Télécom, SFR et Free Mobile sur une nouvelle "charte de la téléphonie mobile" qui sera soumise au conseil municipal le 16 octobre prochain, relance le processus de déploiement des antennes-relais sur la capitale. Depuis dix-huit mois, les négociations achoppaient sur la fixation d'un seuil d'exposition aux ondes électromagnétiques et avaient conduit la mairie à suspendre toute nouvelle implantation sur des sites appartenant à la ville.
Strasbourg vient de connaître un dénouement similaire. La municipalité a décidé de mettre fin au moratoire adopté en 2004 qui bloquait également toute possibilité d'implantation sur les bâtiments publics. Une nouvelle charte devrait être votée le 24 septembre par le conseil municipal. De leur côté, les Nantais préparent un projet de charte à l'échelle de l'agglomération qui pourrait être entériné avant la fin de l'année. D'autres projets dans toute la France sont également examinés, parfois de manière plus informelle, comme à Bourges, qui ne dispose pas d'une charte mais poursuit le dialogue avec toutes les parties prenantes du dossier.

Paris et Strasbourg vont adopter une nouvelle charte

Que disent les nouvelles chartes de Paris et de Strasbourg ? Leur formulation n'est pas uniforme. Paris fixe les nouveaux seuils d'exposition maximum dans les lieux de vie fermés (appartements, bureaux) à 5V/m pour la 2G et la 3G et à 7V/m dans les lieux ou la 4G sera présente. Les modalités antérieures limitant à 2 V/m "moyenné sur 3 points et sur 24 heures" sont donc abandonnées. De son côté, Strasbourg maintient les limites légales en France, fixées à 41 V/m (décret 775 du 3 mai 2002) en raison d'un contexte particulier. "Nous ne partons pas du même niveau, explique Robert Herrmann, premier adjoint de la ville. La densité du nombre d'antennes à Strasbourg est faible, ce qui a conduit les opérateurs à augmenter la puissance d'émission de leurs antennes. Aussi nous prévoyons plutôt d'exercer une surveillance et un contrôle sur les points atypiques." Ces zones géographiquement peu étendues peuvent en effet connaître des niveaux d'exposition plus importants qu'il convient de traiter spécifiquement. La charte de Strasbourg prévoit que les opérateurs se mettront en conformité avec les "dispositions techniques issues des travaux de l'Agence nationale des fréquences". En attendant, ils proposeront "toute modification techniquement réalisable susceptible de réduire les champs électromagnétiques mesurés".

Augmenter le nombre d'antennes pour diminuer la puissance d'émission

La guérilla menée par les associations de défense, le démontage d'antennes sur le parc privé, l'application de moratoires et la demande croissante de bande passante ont plutôt fragilisé l'infrastructure de réseaux des opérateurs. De plus, contrairement à une idée reçue, la limitation du nombre d'antennes, a été un facteur d'augmentation de la puissance d'émission sur le parc existant et non un gage de sécurité pour les riverains. Pour inverser la tendance, les deux villes vont faciliter leur déploiement, notamment en réouvrant l'accès au patrimoine municipal. L'engagement de Strasbourg (et des bailleurs sociaux locaux) sera soumis à trois conditions de la part des opérateurs : rédaction et présentation d'un plan de déploiement actualisé régulièrement, mutualisation des emplacements et fibrage des bâtiments hébergeant des antennes-relais dans la perspective du raccordement des matériels radio (sous réserve de faisabilité). Même scénario à Paris qui promet aussi d'accélérer les déploiements : "Outre les facilités d'accès aux points hauts dont la ville est propriétaire, nous nous engageons à réduire les délais d'instruction à 4 mois, concertation et délivrance du permis de construire incluses", assure Thomas Perez Vittoria, directeur de cabinet de Mao Péninou, le maire adjoint en charge du dossier à Paris.

La transparence des chiffres, nouveau vecteur de désamorçage les conflits

"A côté de la vigilance sur le niveau des émission qui doit rester le plus faible possible, les conflits avec les riverains naissent le plus souvent de l'absence d'informations objectives", constate Robert Herrmann. La ville de Strasbourg a d'ailleurs désamorcé plusieurs conflits naissants en effectuant rapidement des mesures sur le terrain et en les publiant. A l'échelle du territoire, l'expérimentation de nouvelles modalités de concertation menées par neuf villes pilotes dans le cadre du Grenelle des ondes a ouvert de nouvelles voies et surtout facilité la diffusion des meilleures pratiques.
A côté des actions classiques de concertation qui ont été renforcées un peu partout, la création d'observatoires des ondes au niveau local a largement contribué à rassurer les riverains, à réduire le climat d'angoisse qui pouvait exister dans certains quartiers exposés. La ville de Bourges qui fait partie des neuf sites pilotes a pris l'initiative d'acheter deux dosimètres (1) afin de disposer d'une capacité d'analyse indépendante de celle des opérateurs. Depuis 2011, elle effectue des mesures au domicile des riverains qui en font la demande. "Cet appareil analyse toutes les catégories d'ondes, qu'elles soient émises par les antennes relais ou par les téléphones sans fil, la borne Wifi, le four à micro-ondes du foyer. Bien souvent, ce sont les appareils domestiques qui génèrent les niveaux plus élevés, ce qui relativise la question des antennes", souligne Anne Papegaey, chargée de mission à la direction de l'écologie. "Notre rôle s'étend alors au conseil", ajoute-t-elle. Une action qui a fortement rassuré les citoyens les plus inquiets. "En 2011, ils étaient une centaine à solliciter l'intervention de la mairie, depuis le début de l'année, nous n'avons enregistré que trois demandes", constate-t-elle.

Les villes cartographient les ondes électromagnétiques

Devant de tels résultats, le ministère de l'Ecologie et du Développement durable a décidé d'équiper toutes les villes pilotes de dosimètres pour effectuer des mesures dans la rue et chez les riverains. Les plus grandes villes s'y sont mises également. Rennes prépare pour octobre, une cartographie des ondes électromagnétiques liées à la téléphonie mobile à partir de 90.000 points de mesure. L'opération d'acquisition des données a été réalisée par la société catalane Wavecontrol dans le courant du mois d'avril. Les objectifs de l'opération sont précisés sur le site web de la ville : déterminer le niveau global d'ondes électromagnétiques sur la ville, connaître le taux de couverture en 2G et 3G et évaluer la qualité du service. Démarche similaire à Strasbourg qui s'est dotée d'appareils de mesure et d'un logiciel spécialisé conçu pour simuler la propagation des ondes (2). "Comme sur le bruit, nous prévoyons de publier une cartographie régulièrement mise à jour sur le site officiel de la ville." Paris n'est pas en reste et prévoit aussi des développements cartographiques. Elle a par ailleurs obtenu le financement par les opérateurs de 400 mesures par an sur les crèches et les écoles, pendant une durée de trois ans. "Cela permettra de faire le tour de tous les établissement sensibles", constate Thomas Perez Vittoria.

Priorité au consensus avec les riverains

"Les villes progressent sur ce dossier, mais il y a urgence", rappelle Robert Herrmann. En effet la France vient de passer le cap des 70 millions de clients mobiles, les prévisions de ventes de tablettes numériques pour 2012 dépassent les 3,4 millions d'unités et plus de 20 millions de Français utilisent l'internet mobile. Le trafic des données sur l'internet mobile pourrait être multiplié par 18 d'ici à 2016, notamment avec l'arrivée de la 4G, estiment certaines études de marché internationales. Les infrastructures devront suivre. Et c'est bien la pression à laquelle les villes sont de plus en plus confrontées aujourd'hui. "Notre but n'est pas de réglementer puisque le Conseil d'Etat a confirmé le rôle de l'Etat en la matière, mais de rechercher, par la concertation avec toutes les parties, le bon équilibre entre la demande de consommation qui croît fortement, le confort d'usage et la prise en compte des craintes des riverains. N'oublions pas aussi que les villes sont des pôles économiques et qu'une baisse de performance sur les réseaux peut leur coûter très cher." Les derniers accords de Paris et de Strasbourg confirment le rôle de médiation éminent joué par les municipalités. Elles ne manquent pas de moyens de pression pour faire valoir leurs positions, à commencer par l'imposant patrimoine qu'elles vont mettre à la disposition des opérateurs sous certaines conditions. Mais sans l'établissement d'un consensus avec les riverains, toute recherche de solution durable sera compromise. Et cela, les villes semblent l'avoir encore mieux compris aujourd'hui.

Philippe Parmantier / EVS

(1) EME Spy de Microwave Vision, 5.000 euros pièce avec la formation des utilisateurs
(2) Logiciel Mithra-Rem de Geomod
 

 

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